2 octobre 2025
Haiti-JID. Frantz Elbé à Washington : la récompense de l’échec, de l’impunité et de la médiocrité
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Haiti-JID. Frantz Elbé à Washington : la récompense de l’échec, de l’impunité et de la médiocrité


Frantz Elbé, ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), a été nommé représentant officiel d’Haïti à la Junte Interaméricaine de Défense (JID) à Washington. Cette désignation, en apparence sans trop grande importance, constitue en réalité un geste hautement révélateur de la culture de l’impunité et de la récompense de la médiocrité qui gangrène l’appareil d’État haïtien.

Celui qui, pendant près de trois ans, a présidé à la déroute opérationnelle et stratégique de la PNH se retrouve désormais promu à un poste diplomatique d’envergure régionale, alors même que ses résultats à la tête de l’institution policière témoignent d’un effondrement sans précédent.

Durant son mandat, entamé en octobre 2021, Frantz Elbé a été incapable de contenir la montée en puissance des groupes armés terroristes qui, de Port-au-Prince à Artibonite, ont transformé des pans entiers du territoire national en zones de non-droit. Dans l’Ouest, les communautés locales n’ont cessé d’alerter sur le désengagement de la police, sa faiblesse logistique, son absence totale de stratégie face aux incursions criminelles.

En janvier 2023, les habitants avaient même organisé des patrouilles de vigilance, faute de présence policière, tandis que les gangs, lourdement armés, circulaient librement sur la nationale numéro un. Cet effondrement, loin d’être ponctuel, s’est inscrit dans un processus de démantèlement structurel de l’autorité de l’État.

Or, au lieu de répondre de cet échec, Frantz Elbé se voit aujourd’hui valorisé au plan international. Sa nomination à la JID ne découle d’aucune reconnaissance d’expertise opérationnelle ni d’un bilan en matière de gestion sécuritaire, mais semble plutôt s’inscrire dans une logique de recyclage politique où les responsabilités ne sont ni assumées ni interrogées.

Il est permis de s’interroger : quel signal envoie-t-on à la jeunesse haïtienne, aux cadres intègres, aux agents de la PNH tombés au combat, lorsque celui qui a présidé à l’humiliation systématique de l’institution se voit propulsé dans les cercles diplomatiques ? À Washington, Frantz Elbé représentera-t-il l’autorité perdue, l’État capturé, ou une forme de continuité du silence officiel face à la crise sécuritaire nationale ?

Cette nomination n’est pas qu’un symptôme d’aveuglement politique : elle incarne le principe désormais dominant dans les hautes sphères haïtiennes, où plus l’échec est retentissant, plus la récompense est assurée. À défaut de compétence ou de résultats, l’ascension se fait par cooptation, fidélité clanique ou simple résignation du système. La police nationale, vidée de sa substance, n’a jamais été aussi proche de l’effondrement institutionnel.

Et pourtant, son ancien chef est désormais accrédité dans les couloirs de la défense interaméricaine. Dans une Haïti en ruines, où les valeurs sont inversées, c’est donc le naufrage qui mène à la promotion.


Josten Louinon

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