Auteur : Ralf Dieudonné JN MARY
Auteur, conférencier, mentor et enseignant haïtien
Ingénieur civil diplômé de la Faculté des Sciences de l’Université d’État d’Haïti �: jeanmaryralf@gmail.com
Il y a des gestes qui parlent plus fort que les discours. De petits gestes, anodins en apparence, mais qui révèlent un malaise plus profond. Prenez un billet de dollar américain ou d’euro : il est rangé avec soin, protégé dans un portefeuille ou entre les pages d’un livre. Il est gardé comme un trésor. Mais donnez un billet de cinq cents gourdes, tout neuf même, et regardez ce qu’on en fait. On le plie. On le froisse. On le fourre dans une poche ou sous une pile d’objets. Comme si ce billet ne valait rien. Comme s’il n’était rien.
Ce geste anodin dit beaucoup. Car ce n’est pas qu’un simple bout de papier que nous maltraitons. C’est un symbole. Ce n’est pas seulement de monnaie qu’il s’agit, mais de valeur. Pas celle que fixe un taux de change, mais celle qu’on attribue à ce qui est à nous. C’est un reflet de la valeur que nous accordons à notre propre pays. En refusant de traiter notre monnaie avec dignité, nous montrons, sans le dire, que nous avons cessé de croire en nous-mêmes. En notre avenir. En Haïti.
Il est vrai que la gourde a perdu beaucoup de sa valeur économique. Mais ce n’est pas une raison pour la priver de sa valeur symbolique. Car tant que nous continuerons à mépriser notre propre monnaie, nous continuerons à alimenter ce cercle de dépréciation. Tant que nous accepterons les billets déchirés, souillés, mutilés — et tant que nous les ferons circuler — nous validerons un message dangereux : que ce qui est à nous ne vaut pas la peine d’être respecté.
Je rêve d’un pays où chaque billet de gourde, aussi modeste soit-il, sera respecté. Où les commerçants, les citoyens, les institutions refuseront cette négligence. Où l’on apprendra aux enfants que ce qui est à eux, ce qui les représente, doit être chéri. Non parce que c’est riche. Mais parce que c’est à nous.
Je vous invite à poser un acte simple mais puissant : refuser les billets déchirés. Même dans les marchés, même dans les tap-tap. Changeons cette culture du mépris, cette fatigue nationale déguisée en indifférence. C’est dans ces petits gestes que renaît l’espoir.
Respecter la gourde, c’est refuser de baisser les bras. C’est refuser d’abandonner Haïti. C’est dire, calmement mais fermement : ce pays vaut qu’on le traite avec égard.
Ne banalisons plus ce qui nous appartient. Commençons par la gourde. Car un peuple qui respecte sa monnaie est un peuple qui commence à se reconstruire.
Avec espoir et détermination,
Ralf Dieudonné JN MARY
Un citoyen qui croit encore à sa terre.

