2 octobre 2025
Alix Fils-Aimé chercherait-il à se substituer à l’ULCC pour s’ériger en juge suprême autoproclamé de la corruption ?
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Alix Fils-Aimé chercherait-il à se substituer à l’ULCC pour s’ériger en juge suprême autoproclamé de la corruption ?

par Claudy Briend Auguste

Moralité en vitrine, compromission en coulisse : le roman national de Fils-Aimé. Pendant que le Premier ministre s’érige en héraut de l’éthique publique, l’indice de perception de la corruption publié en 2025 par Transparency International jette une ombre accablante sur la cohérence du discours. Avec un score de 17 sur 100, l’équipe gouvernementale haïtienne Tèt Kale-Makouto-Lavalas se hisse tristement au sommet du palmarès caribéen de la corruption. Une distinction peu enviable qui contraste cruellement avec les envolées moralisatrices récentes

Alix Fils-Aimé chercherait-il à se substituer à l’ULCC pour s’ériger en juge suprême de la corruption ? Voilà une interrogation qui s’impose avec acuité à l’heure où le Premier ministre multiplie les prises de parole publiques sur l’intégrité et la reddition de comptes, tout en ignorant ostensiblement les mécanismes institutionnels et constitutionnels existants. En arborant les oripeaux de la vertu républicaine, M. Fils-Aimé veut incarner à lui seul le tribunal moral de la Nation, au risque de marginaliser des entités telles que l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) dont la légitimité, aussi fragile soit-elle, repose sur des bases juridiques. Cette posture soulève des doutes : s’agit-il d’un engagement sincère ou d’une stratégie de captation symbolique, où l’anticorruption devient un levier de pouvoir personnel ?

Ce vendredi à l’hôtel Montana, le Premier ministre de facto Alix Didier Fils-Aimé, flanqué de partenaires de la société civile et soutenu par le Programme des Nations Unies pour le « Développement » (PNUD), a procédé au lancement officiel de la Plateforme multi-acteurs de lutte contre la corruption. Présentée comme un outil participatif destiné à favoriser l’élaboration d’une feuille de route nationale, cette initiative se veut un tournant dans la gouvernance publique. « La lutte contre la corruption est une priorité nationale, sans compromis ni exception », a-t-il déclaré avec solennité. Un discours digne d’un paladin de l’intégrité. Mais l’exercice devient embarrassant quand le chevalier blanc s’avance en armure rouillée.

En effet, avant même d’enfiler le costume de Premier ministre, M. Fils-Aimé était déjà entouré d’une rumeur lourde : celle selon laquelle sa nomination aurait été le fruit d’une transaction sonnante et trébuchante. Depuis novembre 2024, ces informations circulent avec insistance — sans le moindre effort de démenti de la part de l’intéressé. L’homme qui condamne aujourd’hui toute « forme de complaisance » n’a jamais clarifié les conditions opaques de son ascension, ni répondu aux soupçons persistants de corruption qui en ternissent la légitimité. On en vient à se demander si la posture anti-corruption n’est pas devenue un simple exercice rhétorique, où l’on jure de brûler les sorciers tout en tenant l’allumette.

Ajoutons à cela que trois membres du Conseil Présidentiel, encore en poste, traînent eux aussi des accusations de malversations. Et pendant que les discours s’envolent, la réalité s’épaissit : des voyages à Genève, Washington, dans la Grand’Anse et aux Cayes se succèdent, financés sur fonds publics, sans qu’aucun rapport ne soit mis à disposition de la presse. Faut-il rappeler que dans le Grand Sud, sous prétexte d’évaluer les maisons susceptibles d’accueillir les futurs bureaux électoraux, un fonds d’un million de dollars issus du Basket Fund a été débloqué, dans le silence absolu ? Le Premier ministre est-il au courant de cette épopée logistique des employés du CEP — ou préfère-t-il regarder ailleurs, tant que le théâtre continue ?

Cette opération de communication, auréolée de mots nobles, dissimule mal un projet de captation de l’État, où la lutte contre la corruption ressemble à un miroir tendu au public pour mieux détourner les regards. Après avoir tenté de piétiner la Constitution de 1987, voilà que M. Fils-Aimé se lance dans une croisade morale, drapé d’une vertu qu’il n’a jamais réellement demontrée. À ce rythme, il ne restera bientôt plus qu’à décréter que les corrompus sont les meilleurs juges de la corruption. Une République à la renverse, où le pouvoir se regarde dans un miroir inversé et se demande : quel pouvoir viendra enfin m’arrêter ?

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