Décryptage de l’article 76-3 de l’avant-projet de Constitution 2025 : un pont institutionnel vers la diaspora ou une manœuvre de séduction politique ?
Dans l’avant-projet de Constitution 2025 porté par les forces politiques regroupées autour du PHTK-CPT, l’article 76-3 attire une attention particulière. Il stipule que « le nombre de sénateurs représentant les Haïtiens vivant à l’étranger est fixé à deux. La loi détermine les circonscriptions et organise les conditions spéciales d’organisation des élections correspondantes ». Cette disposition novatrice, soulève à la fois des espoirs d’inclusion démocratique et des doutes sur ses fondements réels.
D’un point de vue arithmétique, l’ajout de deux sénateurs à la structure parlementaire porterait le nombre total à 32. Or, les critiques récurrentes sur la taille du Sénat et son coût budgétaire ne datent pas d’hier. L’ancien Sénat a été perçu comme pléthorique, inefficace et budgétivore et raketè. Faut-il désormais accepter un élargissement au nom d’un impératif diasporique ? Ou s’agit-il plutôt d’un habillage institutionnel visant à légitimer un projet politique controversé ?
Au-delà du symbole, l’article 76-3 appelle des précisions juridiques et logistiques substantielles. Quels mécanismes garantiront la représentativité des Haïtiens vivant à l’étranger ? La diaspora est loin d’être un bloc homogène : les communautés haïtiennes des États-Unis, du Canada, de la France, de la République Dominicaine ou encore du Chili ont des vécus et des intérêts distincts. Une loi organique devra définir les modalités d’éligibilité, la cartographie des circonscriptions extraterritoriales, le mode de scrutin, les critères de résidence, sans oublier les exigences de transparence dans la campagne et la participation électorale à distance.
Derrière l’ouverture affichée, on devine aussi une stratégie politique : flatter la diaspora, courtisée pour son poids économique – notamment par ses transferts financiers annuels estimés à plus de 3 milliards de dollars –, mais historiquement marginalisée dans la prise de décision politique. Cette réforme constitutionnelle pourrait-elle alors inaugurer une véritable citoyenneté transnationale haïtienne ? Ou assiste-t-on à une tentative de récupération symbolique sans réel transfert de pouvoir ?
Les interrogations demeurent : quelle sera la portée de cette représentation sénatoriale ? Ces deux sénateurs auront-ils voix délibérative ou consultative ? Seront-ils choisis à partir des zones les plus stratégiques économiquement, comme les États-Unis ou le Canada, au détriment d’autres bassins diasporiques ? Et surtout, quelle contrepartie ce pouvoir attend-il de la diaspora en retour de cette intégration politique ? Allégeance ? Appui diplomatique ? Soutien économique renforcé ?


