16 octobre 2025
Constitution PHTK-CPT – Le piège du pouvoir long : vers une présidence de dix ans en Haïti ou à défaut deux décennies par procuration
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Constitution PHTK-CPT – Le piège du pouvoir long : vers une présidence de dix ans en Haïti ou à défaut deux décennies par procuration

Vers une présidentialisation autoritaire du régime haïtien ? Ce que propose aujourd’hui le CPT ex nihilo n’est pas un pacte de refondation : c’est un projet de confiscation du pouvoir.

à lire aussi – Élu président par l’armée pour un mandat unique de 6 ans (1957-1963), le dictateur Duvalier fut réélu le 22 mai 1961 pour un autre « terme de 6 ans » et « à vie » à partir de 1964

Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), « made by CARICOM, a annoncé mercredi son intention de présenter un projet de Constitution au peuple haïtien, dans un contexte de crise politique aiguë, sans parlement opérationnel, sans président légitime et sans gouvernement démocratiquement élu. Ce texte controversé au départ pour son inconstitutionnaité, fort de 240 articles, entend remplacer la Constitution de 1987, issue d’un large consensus populaire à la suite de la chute de la dictature des Duvalier. Or, cette démarche est en elle-même frappée d’illégalité. La Constitution actuellement en vigueur interdit expressément tout recours à un référendum pour la modifier, comme le rappelle l’article 284.3 : « Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite. »

Cet acte unilatéral est d’autant plus inquiétant qu’il s’inscrit dans une logique de recentralisation autoritaire du pouvoir exécutif, en rupture flagrante avec l’esprit de la Constitution de 1987, qui visait à établir des mécanismes de contre-pouvoirs pour prévenir toute dérive dictatoriale. L’un des premiers signes de cette dérive réside dans la refonte du rôle du président de la République, tel que défini dans l’avant-projet.

Ainsi, l’article 120-2 sur la durée du mandat présidentiel, lance d’entré de jeu le débat. Selon cet article : « La durée du mandat du président de la République est de cinq (5) ans. Il n’est rééligible qu’une seule fois. Le président de la République ne peut bénéficier d’aucune prolongation de mandat. En aucun cas, il ne peut briguer un troisième mandat. » En apparence, cette disposition pourrait sembler encadrée. En réalité, elle ouvre grand la voie à une continuité du pouvoir sur deux décennies.

Car dans les faits, un président pourrait légalement exercer deux mandats consécutifs, soit dix années au pouvoir. À l’issue de cette décennie, rien n’empêcherait ce président de promouvoir un successeur de son choix, un dauphin politique, souvent issu de sa propre formation. Il serait alors parfaitement possible de maintenir, par procuration, le même courant politique pendant cinq années supplémentaires, voire plus. Haïti s’apprête ainsi, sous couvert d’un texte rédigé en période d’exception, à installer un régime durablement verrouillé.

Il ne s’agit plus d’un simple déséquilibre institutionnel, mais d’un glissement méthodique vers un autoritarisme consolidé. Cette nouvelle architecture institutionnelle n’est ni fortuite ni neutre : elle est l’œuvre assumée d’un groupe restreint, incarné aujourd’hui par le CPT et ses cómplices, parmi lesquels Fritz Alphonse Jean, Leslie Voltaire et Edgar Leblanc. Ce sont eux qui entendent graver dans le marbre constitutionnel les conditions d’un retour à une domination politique hégémonique, sans garde-fous, sans contre-pouvoirs réels, sans alternance véritable.

Peut-on sérieusement parler de refondation nationale en imposant à un peuple meurtri une Constitution sans mandat populaire, sans consultation légitime, et taillée sur mesure pour pérenniser l’emprise d’un groupe politique ? L’histoire d’Haïti a suffisamment démontré que la captation du pouvoir, même habillée des atours de la légalité, engendre le chaos, alimente la défiance, et compromet durablement toute perspective d’État de droit. Ce que propose aujourd’hui le CPT ex nihilo n’est pas un pacte de refondation : c’est un projet de confiscation du pouvoir. Cette ébauche constitutionnelle ne répond à aucune des urgences réelles du pays. La seule Constitution dont Haïti a besoin pour l’instant, c’est celle qui remet derrière les barreaux les bandits à kravat et a sapat, et qui restaure l’autorité publique en rétablissant la sécurité dans les rues, dans les villes, dans les esprits.

Cette analyse n’est qu’un premier jalon. D’autres textes suivront, examinant en profondeur plusieurs articles de cette proposition constitutionnelle. L’objectif est clair : éclairer l’opinion, documenter les dérives, et rappeler que le seul contrat légitime entre un État et son peuple commence par la sécurité, la justice et la souveraineté populaire — non par une manœuvre de palais déguisée en réforme.

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