8 octobre 2025
« Je ne vous ai pas donné cette liberté pour redevenir esclaves »
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« Je ne vous ai pas donné cette liberté pour redevenir esclaves »

Référendum : à quel titre, selon quelle loi ? Accords politiques ne font pas lois. Il y a quelque chose d’indécent à célébrer le drapeau le dimanche 18 mai et à piétiner la Constitution dès le lundi 19. Cette oscillation entre symboles et violations est plus qu’une incohérence : c’est une insulte à l’intelligence civique.

L’Église catholique persistera-t-elle à accompagner, par son silence ou son assentiment, la descente aux enfers du pays en avalisant les dérives de ce régime ex nihilo ?

Dans un climat institutionnel délétère, les mots de Jean-Jacques Dessalines résonnent comme une condamnation implacable :
« Que ceux qui veulent redevenir des esclaves français sortent du fort. Que ceux, au contraire, qui veulent mourir en hommes libres se rangent autour de moi. » Ce n’était pas une simple injonction militaire. C’était une ligne de partage morale et politique entre la fidélité à la liberté conquise et la tentation de la soumission travestie. Aujourd’hui, cette frontière est à nouveau brouillée.

Deux siècles plus tard, ces paroles retrouvent une brûlante actualité. Le dimanche 18 mai, les autorités haïtiennes se paraient des couleurs nationales pour commémorer le drapeau, symbole de souveraineté et de lutte contre l’asservissement. Mais dès le lundi 19, le même État voyou restavèk par la voix du ministre délégué Joseph André Gracien Jean, annonçait son « engagement inébranlable » à organiser un référendum constitutionnel.

Un projet qui, à ce jour, ne repose sur aucun fondement légal clairement établi.

Alix Didier Fils-Aimé, l’un des défenseurs zélés de cette initiative, doit être sommé de dire, en toute rigueur, quelle loi de la République habilite un gouvernement de transition à convoquer un référendum de cette nature. Nulle trace dans la Constitution, nul décret voté par un Parlement inexistant, nul mandat populaire ne vient justifier une telle entreprise. On célèbre les symboles le dimanche, et on viole la norme fondamentale dès le lendemain. Cette contradiction n’est pas seulement choquante : elle est une trahison du pacte républicain.

Le recours abusif à l’Accord politique du 3 avril 2024 comme substitut à une légalité constitutionnelle témoigne d’une dangereuse dérive : celle d’un pouvoir qui confond le consensus politique entre factions avec la souveraineté du peuple. Or, la Constitution haïtienne actuelle, qu’on tente de contourner, stipule clairement dans ses articles 284.1 et 284.3 que toute consultation populaire visant à modifier la Loi mère ne peut s’opérer hors des procédures prévues.

Organiser un référendum sans fondement légal, en l’absence d’un Conseil Électoral légitime, dans un contexte d’insécurité généralisée, revient à engager une opération politique qui relève moins d’un acte démocratique que d’une usurpation. Cette entreprise ne peut que renforcer la défiance d’une population déjà exaspérée par la duplicité de ses élites.

En 1804, Dessalines n’a pas versé le sang des siens pour que ses successeurs — en complet trois-pièces et mandat autoproclamé — instrumentalisent l’État au mépris des principes fondateurs de la République. Son avertissement demeure :
« Je ne vous ai pas donné cette liberté pour redevenir esclaves. »

cba

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