Or, l’Histoire enseigne qu’il n’y a pas de reconstruction possible là où le langage ne cherche plus à transformer le réel, mais à le contourner. Dupliquer pour durer ? À défaut d’agir, Fils-Aimé répète et édulcore. Le Drapeau et la Constitution d’un pays vont de pair : on ne saurait clamer son attachement à l’un tout en foulant aux pieds l’autre. Il y a une imposture à se parer des couleurs nationales tout en déchirant les fondements juridiques de la souveraineté. Lorsqu’on devient « chef » sans passer par les voies constitutionnelles, qu’on reçoit des ordres dictés de l’extérieur, puis qu’on prétend célébrer l’union autour d’un drapeau qu’on a vidé de son sens, ce n’est plus seulement une contradiction : c’est une forme de mensonge et masturbation politiques et de trahison morale et passible de Haute Cour de justice.
Le déplacement du Premier ministre de facto Alix Didier Fils-Aimé au Cap-Haïtien, présenté comme une étape dans une série de consultations régionales, s’est traduit par une redondance assumée du discours déjà tenu dans le Grand Sud quelques semaines plus tôt. A travers un communiqué officiel soigneusement rédigé, la Primature réaffirme une volonté de dialogue et de co-construction nationale. Pourtant, la rhétorique utilisée trahit moins une volonté de changement qu’un exercice de communication politique figé, où les promesses circulent librement alors que les citoyens, eux, ne peuvent plus emprunter les routes sans se heurter à la violence armée ou aux rançons imposées par les groupes criminels.
Ce que le gouvernement nomme « responsabilité partagée » ressemble de plus en plus à un partage d’impuissance entre des institutions disloquées et des élites économiques sommées de participer à une relance introuvable.
La question électorale fait ici l’objet d’un traitement pour le moins révélateur : alors que le terme référendum figurait encore dans les déclarations officielles lors du déplacement aux Cayes, il est désormais soigneusement évité dans le communiqué, remplacé par l’expression ambiguë de « questions électorales et constitutionnelles ». À moins de sept mois de la fin de l’année 2025, aucune date n’est fixée pour ces échéances, et nul ne semble vouloir rappeler que l’article 284 de la Constitution interdit formellement tout référendum, en particulier lorsqu’il est initié par un gouvernement lui-même dépourvu de légitimité constitutionnelle, accusé de corruption, de collusion avec des groupes armés et de graves dérives, y compris dans des réseaux de trafic d’organes, selon plusieurs sources concordantes.
Une omission loin d’être fortuite, dans un contexte où le Conseil Electoral Provisoire est lui-même soupçonné de dérives multiples, et où les conditions logistiques, financières et sécuritaires pour une quelconque consultation populaire sont loin d’être réunies à moins de 7 mois de la fin de l’année.
Le communiqué évoque par ailleurs la reconstruction d’un lycée, convoquant dans l’urgence ministres et directeurs d’agences publiques. Mais ces gestes ponctuels, bien que médiatisés, ne constituent ni une politique éducative ni un signal clair de gouvernance effective. Ils illustrent plutôt une logique de réaction médiatique à des urgences structurelles. Pendant ce temps, les routes nationales, artères vitales du territoire, restent sous l’emprise de la terreur, révélant à nu l’effacement progressif de l’État face à la fragmentation territoriale imposée par les gangs.
Ce que l’on observe, en somme, c’est une politique de répétition pale met la, faire les soulouqueries : même promesse, même langage, mais sans avancée concrète. À mesure que les discours du pouvoir se dupliquent d’une région à l’autre, du Grand Sud au Grand Nord, le pays s’enfonce dans une paralysie logistique, institutionnelle et morale. Le silence stratégique sur le référendum, conjugué à l’inaction face à l’emprise territoriale des groupes armés terroristes, consacre une forme de renoncement, masquée sous des apparats de gouvernance partagée. Or, l’Histoire enseigne qu’il n’y a pas de reconstruction possible là où le langage ne cherche plus à transformer le réel, mais à le contourner.
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