Cabaret assiégée, le drapeau en otage : des drones kamikazes seront-ils déployés, et à quel prix ? Qu’en sera-t-il des dommages collatéraux si la PNH opte pour un renfort musclé, à l’image de l’intervention brutale de mercredi contre les manifestants anti-CPT et anti-Fils-Aimé à Delmas ?
Un climat d’inquiétude et d’humiliation plane sur la ville de Cabaret — sinon sur l’ensemble du pays — à la veille de la célébration du Drapeau, adopté à l’Arcahaie le 18 mai 1803.
Selon les propos d’un notable local relayés par une station de radio de Port-au-Prince, les gangs terroristes, désormais maîtres des lieux, envisagent de défiler — accompagnés, selon certaines sources, de majorettes — dès le samedi dans les rues de la ville, anticipant ou coïncidant avec la cérémonie officielle du 18 mai, que l’économiste Fritz Alphonse Jean s’apprête à présider au Cap-Haïtien.
Ce geste à forte charge symbolique — voire ouvertement provocateur, tant il semble hors de portée d’une quelconque intervention policière, même à coups de gaz lacrymogènes — dévoile le déséquilibre croissant entre les groupes armés et les autorités de transition. Tandis que l’État réprime sauvagement et refuse tout dialogue avec les manifestants rassemblés non loin de la Villa d’Accueil, réclamant une réponse politique à la montée de l’insécurité, les gangs imposent, eux, leur propre calendrier, jusqu’à s’emparer des commémorations patriotiques.
Ce n’est pas la première fois que la Fête du Drapeau se transforme en théâtre de contradictions. En 2023, alors porte-voix de l’Accord de Montana, Fritz Alphonse Jean avait dénoncé le choix du Cap-Haïtien au détriment d’Arcahaie, accusant le gouvernement de détourner la symbolique nationale à des fins partisanes. Deux ans plus tard, c’est ce même Fritz Jean, devenu figure de proue du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), ex nihiliste, qui reproduit le geste qu’il condamnait.
Au-delà du lieu de la cérémonie, c’est la crédibilité du CPT qui vacille. Trois de ses membres sont cités ouvertement dans des affaires de corruption, notamment autour des 100 millions de la Banque nationale de crédit (BNC). La présence de Fritz Jean au défilé officiel, dans ce contexte, alimente un malaise : comment concilier posture réformatrice et compagnonnage avec des personnalités contestées, sans apparaître en rupture avec ses propres engagements passés ?
À l’image d’un pouvoir déjà vacillant s’ajoute un nouvel épisode d’effacement diplomatique. En milieu de semaine, un accord militaire a été signé à Santo Domingo entre le Kenya et la République dominicaine, autorisant le déploiement de troupes dominicaines sur le sol haïtien pour assister les forces kényanes dans l’évacuation de leurs blessés — le tout, sans concertation préalable ni présence du ministère haïtien des Affaires étrangères à la table des négociations. Entre l’annonce d’un défilé armé à Cabaret et la disparition progressive des représentants officiels, la souveraineté nationale semble reléguée au rang de fiction. Le 18 mai, loin d’un hommage à l’unité, s’apparente désormais à une date orpheline, vidée de son sens symbolique.