Haïti : le projet de référendum constitutionnel suspendu, la suppression du Sénat en ligne de mire
Le référendum constitutionnel prévu en Haïti pour le 11 mai 2025 ne s’est, sans surprise, pas tenu à la date annoncée, plongeant le conseiller-président Leslie Voltaire, depuis le 29 janvier dernier, dans un monde d’illusion. D’après des informations confidentielles obtenues par Rezo Nòdwès, cette suspension s’expliquerait par la détérioration du climat sécuritaire et de graves insuffisances logistiques. Derrière ces motifs se dessine toutefois une volonté politique plus profonde : celle de faire passer, dans une relative opacité, un texte taillé sur mesure pour imposer un nouveau format de pouvoir autoritaire.
La réforme envisagée inclurait la transformation du Parlement en une structure monocamérale, supprimant ainsi le Sénat de la République. Cette disposition, attribuée aux milieux proches du PHTK et soutenue par l’ancien député Jerry Tardieu, est également portée par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ex nihilo, dont certains membres, Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, sont entachés de scandales financiers en rapport avec la BNC. Le document en question, toujours officieux, circulerait discrètement au sein de l’exécutif dirigé par Fritz Alphonse Jean, autrefois figure critique du système.
Le texte propose une recentralisation du pouvoir rappelant la manœuvre de François Duvalier en 1961, qui avait aboli le Sénat pour gouverner sans opposition. Cette dérive autoritaire, prolongée jusqu’en 1986 sous le régime des Duvalier père et fils, fait aujourd’hui écho dans un contexte institutionnel fragilisé, où les contre-pouvoirs peinent à jouer leur rôle. La suppression du Sénat, sous couvert de rationalisation, marque un retour préoccupant à une verticalité du pouvoir aux relents historiques bien connus.
Créé en 1806 à la suite de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le Sénat avait d’abord désigné Henri Christophe, avant de se tourner vers Alexandre Pétion. L’institution cherchait alors à encadrer le pouvoir exécutif, mais son manque de flexibilité déclencha une fracture politique majeure entre le Nord et le Sud, qui dura jusqu’à la mort de Christophe en 1820. Toute tentative d’éliminer cette chambre haute mérite d’être examinée à l’aune de cette mémoire politique et des risques structurels qu’elle comporte. En outre, la Constitution de 1987, dans son article 284.3, est explicite : « Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite. » Ce principe fonde l’intangibilité de l’ordre constitutionnel actuel, rendant tout projet de réforme par cette méthode juridiquement nul et politiquement périlleux.