minute de la rédaction
Le referendum de Voltaire, aura-t-il lieu le dimanche 11 mai 2025?
Depuis 2021, le Grand Sud d’Haïti demeure prisonnier d’une double marginalisation : celle des catastrophes naturelles successives — dont le séisme d’août 2021 — et celle d’un pouvoir central incapable de formuler une réponse crédible et durable aux souffrances de la population. A ce titre, la visite par hélicoptère du Premier ministre de facto Alix Didier Fils-Aimé, le 8 mai 2025, s’inscrit dans une longue tradition de gestes symboliques déconnectés des réalités du territoire.
Déjà, en août 2021, Ariel Henry s’était rendu dans la région suite au tremblement de terre, répétant lui-même les vieilles annonces d’un Claude Joseph alors en poste quelques semaines plus tôt. Aujourd’hui, Fils-Aimé reproduit ce même schéma : il se rend dans le Sud, rencontre les Chambres de commerce, invoque la nécessité d’un référendum bidon, et propose à nouveau une « relance économique inclusive », comme si la répétition incantatoire d’un vocabulaire technocratique suffisait à compenser l’absence de résultats concrets.
Or, cette démarche soulève plusieurs contradictions majeures. Tout d’abord, la question de l’accès même à cette région par voie terrestre reste non résolue. Martissant, verrou stratégique sur la route nationale #2, demeure entre les mains de groupes armés, empêchant tout transit sûr et autonome des citoyens vers la capitale. Le fait qu’un Premier ministre soit contraint de se déplacer par hélicoptère témoigne de la faillite sécuritaire de l’État, et par ricochet, de l’illégitimité morale de ses initiatives institutionnelles.
Plus encore, la référence persistante au référendum — annoncé d’abord par Garry Conille pour février 2025, puis par Leslie Voltaire pour le 11 mai — constitue une violation manifeste de la Constitution haïtienne de 1987. Celle-ci interdit formellement toute réforme constitutionnelle par voie référendaire, consacrant au contraire une procédure parlementaire. Dès lors, insister sur la tenue d’un tel référendum revient non seulement à outrepasser le cadre légal, mais à institutionnaliser l’illégalité comme mode de gouvernance.
Il est dès lors légitime de s’interroger : quelle est la finalité réelle de cette consultation ? Vise-t-elle une refondation constitutionnelle légitime, ou cherche-t-elle à consolider un pouvoir de transition déjà délégitimé par son mode de nomination et son isolement social ? Plus fondamentalement, dans un pays où aucune juridiction n’a jamais sanctionné un chef de l’exécutif pour avoir violé la loi fondamentale, à quoi bon invoquer l’ordre constitutionnel si celui-ci est systématiquement foulé au pied ?
L’habituel langage de la « mobilisation des forces vives » ou du « dialogue constructif » masque mal une stratégie de mise en scène politique. Les populations du Sud, confrontées à la pauvreté extrême, à l’abandon logistique et à la violence armée partie de Martissant, n’ont pas besoin de consultations protocolaires mais de garanties concrètes : routes sécurisées, infrastructures réhabilitées, services publics accessibles. À défaut de cela, chaque promesse non tenue devient un acte supplémentaire d’humiliation collective. Sispann fe souloquerie !
