L’Edito du Rezo
Rotation ou retrait ? Une communication ambivalente entre Nairobi et Port-au-Prince. Y aurait-il un concours de flou entre le porte-parole de la MSS et celui de la PNH, tant leurs apparitions devant la presse rivalisent pour offrir les réponses les plus nébuleuses ?
La mission de soutien à la sécurité en Haïti (MSS), conduite par procuration par le Kenya, suscite de plus en plus d’interrogations quant à sa cohérence, sa transparence et sa réelle utilité, dans un contexte où l’insécurité s’aggrave quotidiennement, avec des pertes humaines récurrentes. Alors que le porte-parole de cette mission, l’officier Jack Ombaka, a déclaré la semaine dernière sur les ondes de Radio Kiskeya qu’une « rotation des effectifs aurait lieu en juin 2025 », les médias kenyans rapportent de leur côté un retour pur et simple des soldats déployés. Loin d’évoquer une relève classique, les informations relayées dans la presse nationale kenyane suggèrent que le premier contingent actuellement déployé à Port-au-Prince « retournera à la maison » à la fin de sa mission initiale.
Ce décalage entre les discours tenus à Port-au-Prince et ceux relayés à Nairobi interroge sur la nature réelle de cette mission internationale. Du côté haïtien, la terminologie employée par M. Ombaka laisse entendre une opération de remplacement planifiée, signe d’un engagement durable, men pou fè kisa. En revanche, aucune mention, dans la presse kenyane, d’un contingent prêt à prendre le relais. L’unique information transmise au public kényan concerne le retour des troupes – de leurs héros. Or, dans une mission fondée sur une logique de roulement et de présence continue, l’absence d’annonces claires sur les effectifs à venir laisse planer un doute sur la pérennité de cet engagement.
Une diplomatie du flou ?
Ce double discours, ou à tout le moins cette absence d’harmonisation de la communication, suggère une gestion politique de l’information adaptée aux sensibilités locales. En Haïti, où la présence étrangère demeure un sujet hautement sensible, parler de rotation permet de rassurer une opinion publique sceptique et d’entretenir l’illusion d’une stabilité institutionnelle. Au Kenya, en revanche, le gouvernement semble soucieux de montrer que ses troupes reviennent saines et sauves après une intervention ponctuelle, limitant ainsi les critiques sur l’engagement extérieur dans un conflit complexe et perçu comme lointain.
Il n’est donc pas anodin de s’interroger sur la portée réelle des propos de M. Ombaka. S’agit-il d’un discours diplomatique opportuniste, destiné à maintenir un semblant de normalité dans une mission qui peine à s’imposer ? Ou bien cette dissonance révèle-t-elle une improvisation stratégique, marquée par l’absence d’un calendrier clair et par une gestion incertaine de la logistique militaire ? L’effectif promis en 2023 n’a jamais été entièrement déployé, et la perspective d’un retrait – même partiel – sans remplacement pose la question de la sincérité de l’engagement kenyan.
La mission kenyane en Haïti se trouve ainsi à un carrefour. Entre une communication publique floue, des objectifs non atteints et une situation sécuritaire qui continue de se détériorer, elle risque de devenir, aux yeux de nombreux observateurs, l’emblème d’une initiative diplomatique ambitieuse mais mal préparée. Sans clarification rapide de la part des autorités kenyanes et des instances internationales concernées, ce flou alimente la défiance croissante envers toute forme d’intervention internationale sur le sol haïtien. Devra-t-on attendre le mois de juin prochain pour que s’éclaircissent enfin les multiples zones d’ombre qui entourent cette mission ? Nul ne peut, à ce stade, prédire le dénouement du jour : il suffit que le soleil décline et que la nuit s’impose pour que l’homme prenne conscience de ce qu’il ne voyait pas encore.
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Diverging Communications and Operational Uncertainty
The Multinational Security Support Mission (MSS) in Haiti, led by Kenya as a proxy force, continues to raise growing concerns about its coherence, transparency, and actual effectiveness, especially as insecurity deepens by the day, with repeated loss of human life. While the mission’s spokesperson, Jack Ombaka, stated last week on Radio Kiskeya that a “rotation of personnel is scheduled for June 2025,” Kenyan media outlets report, without ambiguity, that Kenyan troops will return home. Far from suggesting a routine tactical shift, the information relayed by Kenya’s national press indicates that the first contingent currently deployed in Port-au-Prince will “return home” at the end of its initial assignment.
This discrepancy between statements made in Port-au-Prince and those reported in Nairobi raises fundamental questions about the actual nature of the mission. In Haiti, Mr. Ombaka’s choice of wording implies a planned replacement, hinting at a sustained commitment. However, Kenyan media has made no mention of a second contingent preparing to take over. The only news provided to the Kenyan public concerns the return of troops. In a mission ostensibly structured around rotation and ongoing presence, the absence of clarity about incoming personnel casts serious doubt on the durability of the deployment.
A Diplomacy of Ambiguity?
This dual discourse—or, at the very least, this lack of coordinated communication—suggests a politically calculated messaging strategy tailored to local audiences. In Haiti, where foreign presence remains a highly sensitive issue, using the term “rotation” serves to reassure a skeptical public and maintain the illusion of institutional stability. In Kenya, by contrast, the government appears eager to present the deployment as a limited, successful operation, with troops returning safely—a message that likely aims to deflect domestic criticism of foreign involvement in a complex and distant crisis.
It is thus legitimate to question the true intent behind Mr. Ombaka’s statements. Are they an opportunistic diplomatic narrative, designed to preserve a semblance of normalcy in a mission struggling to assert itself? Or do these contradictions reflect a deeper strategic uncertainty, marked by a lack of clear scheduling and operational coherence? The full deployment promised in 2023 has never materialized, and the prospect of a partial withdrawal without replacement raises serious doubts about Kenya’s commitment.
The Kenyan mission in Haiti now stands at a crossroads. Between vague public statements, unmet objectives, and a security situation that continues to spiral, the deployment risks becoming, in the eyes of many observers, the symbol of a well-intentioned but poorly conceived diplomatic initiative. Without prompt clarification from Kenyan authorities and the relevant international stakeholders, the ambiguity fuels growing distrust toward any form of foreign intervention on Haitian soil. Must we wait until next June to see these uncertainties resolved? No one can truly foresee how the day will end: it is enough for the sun to vanish beneath the night for man to realize what he had not yet perceived.