3 mai 2025 – En Haïti, une information sous verrou
En cette Journée mondiale de la liberté de la presse, le constat haïtien glace : le pays chute à la 111e place sur 180 au classement 2025 de Reporters sans frontières. Un recul révélateur d’un environnement où exercer le métier de journaliste sans contraintes relève de l’acte de bravoure, et accéder à l’information, d’un privilège rarissime.
En 2024, plusieurs journalistes haïtiens ont été abattus, pris dans l’engrenage d’une violence endémique et d’une impunité devenue structurelle. En 2025, un reporter a été enlevé dans le Plateau Central par un groupe armé. Depuis, silence absolu des autorités : aucun communiqué, aucune mobilisation, aucune condamnation publique, jusqu’à sa libération après le versement d’une rançon. L’État, censé garantir la sécurité des professionnels de l’information, s’enferme dans une passivité institutionnalisée, symptomatique d’un désengagement prolongé, bien antérieur à l’assassinat encore non élucidé de Jean Dominique.
Mais l’étouffement ne se limite pas aux violences physiques. L’accès à l’information publique est scellé. Aucun porte-parole indépendant, aucun secrétariat de presse opérationnel à la Primature ou au Palais national, aucun bulletin officiel régulier. La transparence est inexistante. Les rares déclarations – émanant du Premier ministre, du directeur général de la Police nationale ou de la présidence – constituent les seules sources disponibles, sans possibilité de vérification ni droit de suite. Même le texte du projet de Constitution, annoncé comme devant être soumis à référendum, demeure introuvable. Les journalistes n’y ont pas accès. À l’opacité institutionnelle s’ajoute un mépris manifeste pour le droit du public à être informé.
Dans ce contexte, la liberté de la presse en Haïti n’est plus simplement menacée : elle est méthodiquement étranglée. Reporters sans frontières ne s’y est pas trompé en qualifiant la situation de « critique ». Ce déclassement interpelle un pays qui, depuis le 7 février 1986, s’était pourtant juré de ne plus céder à la peur, ni de se soumettre à des « usurpateurs » du pouvoir – ceux-là mêmes qui, selon le dernier rapport de Transparency International, institutionnalisent aujourd’hui la corruption au cœur de l’État.


À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, Reporters sans frontières (RSF) publie son nouveau classement mondial de la liberté de la presse pour l’année 2025. Il en ressort que la pression économique représente un danger considérable pour le paysage médiatique presque partout dans le monde.
Au niveau mondial, les données recueillies par RSF révèlent une tendance inquiétante du classement mondial de la liberté de la presse cette année : la pression économique sur les médias s’intensifie dans presque tous les pays et menace la survie de nombreuses rédactions indépendantes. En raison de cette pression économique croissante, qui s’ajoute à la pression politique et sociale, RSF qualifie cette année pour la première fois la situation mondiale de la liberté de la presse de « difficile ».
Denis Masmejan, secrétaire général de RSF Suisse, déclare : « Aujourd’hui plus que jamais, sans indépendance économique, il n’y a pas de liberté de la presse. Les médias affaiblis deviennent la proie des décideurs politiques, des oligarques et des autocrates. Plus ils s’affaiblissent économiquement, moins ils ont les moyens de se défendre contre les ennemis de la liberté de la presse, contre la désinformation et la propagande. »
Dans 42 pays, qui représentent plus de la moitié de la population mondiale, la situation est même jugée « très grave ». Le groupe de tête des pays où la situation de la liberté de la presse peut être qualifiée de « bonne » se réduit et ne comprend plus que sept pays (Norvège, Estonie, Pays-Bas, Suède, Finlande, Danemark et Irlande).
Dans près de 90 % des pays (160 sur 180), les médias ne parviennent plus à atteindre une stabilité financière à long terme, selon les données recueillies par RSF. Et dans près d’un tiers des pays du monde, ils sont contraints de fermer. Même dans les pays où la situation de la liberté de la presse est plutôt bonne, la pression économique constitue souvent un problème sérieux.
Aux États-Unis (57e rang), la situation économique et sociale du journalisme s’est considérablement détériorée au cours des deux dernières années. Dans certains États, des régions entières se transforment en déserts médiatiques. Le journalisme local en paie particulièrement le prix fort. Le deuxième mandat de Donald Trump a encore renforcé cette tendance, même si l’ampleur de ses décisions n’est pas encore pleinement visible dans le classement actuel.
Comme l’année dernière, la Suisse reste à la 9e place, dans le groupe des pays où la situation de la liberté de la presse peut être qualifiée de « plutôt bonne » dans l’ensemble. Les principales lacunes restent les problèmes non résolus au niveau législatif (notamment en ce qui concerne l’article 47 de la loi sur les banques) et la situation économique tendue de nombreuses rédactions.
Il est également problématique qu’il n’existe toujours pas en Suisse de projet de réglementation des grandes plateformes en ligne. Isabelle Cornaz, présidente de RSF Suisse, déclare : « Il est important de pouvoir encadrer le fonctionnement de ces plateformes, où s’informent un nombre croissant de citoyennes et de citoyens, afin que nous puissions conserver le droit à être informé de manière fiable et transparente.»
Pour consulter la carte de la liberté de la presse 2025, le classement sous forme de tableau, le contexte mondial et les détails concernant la Suisse, veuillez vous référer aux documents ci-dessous.