Kenya : la justice condamne les violences policières contre des manifestants
Dans une décision jugée emblématique, la Haute Cour du Kenya a ordonné l’octroi d’une indemnisation de 2,2 millions de shillings kenyans (environ 15 000 dollars US) à onze manifestants victimes de brutalités policières lors des mobilisations contre le projet de loi de finances 2024. Chaque requérant recevra 200 000 Ksh à titre de réparation pour les violations de leurs droits fondamentaux, selon le jugement rendu le 30 avril 2025 par la juge Bahati Mwamuye.
La magistrate a fermement dénoncé les excès des forces de l’ordre, qualifiant leurs actes d’« ultra vires », c’est-à-dire allant au-delà des pouvoirs légaux qui leur sont conférés. Elle a rappelé que le droit de manifester pacifiquement constitue un pilier essentiel de toute démocratie constitutionnelle, tel que garanti notamment par l’article 37 de la Constitution kényane.
Le jugement invalide également l’interdiction générale de manifester prononcée par l’ancien commandant de la police de Nairobi, Adamson Bungei, durant les manifestations fiscales de 2024. La Cour l’a jugée illégale et anticonstitutionnelle, en soulignant que ni le commandement de la police ni l’Inspecteur général ne disposent de l’autorité pour suspendre ou restreindre les droits à la réunion, à la manifestation pacifique et à la pétition.
Les plaignants ont fourni des témoignages documentés de violences, notamment l’usage abusif de matraques, de gaz lacrymogènes, de canons à eau et même de balles réelles. Ils ont aussi dénoncé des arrestations arbitraires sans notification des motifs, ni possibilité de consulter un avocat, en violation des articles 27, 28, 29, 33, 37, 49 et 244 de la Constitution.
Cette décision renforce la jurisprudence en matière de libertés publiques au Kenya et relance le débat sur l’usage disproportionné de la force par la police. Elle constitue également un signal fort envoyé aux autorités sécuritaires sur la nécessité de respecter les garanties constitutionnelles, même en contexte de tensions sociales.