Reynoldson Mompoint
Port-au-Prince
Le 25 Avril 2025
Le mot « démocratie » n’a jamais été aussi prostitué que dans les rapports entre Haïti et les États-Unis. À force de jouer aux missionnaires de la liberté, l’Establishment américain s’est autoproclamé « seul peuple de la démocratie », une espèce rare, auto-certifiée, dispensatrice du droit de vivre ou de mourir pour les autres. Et Haïti, comme à chaque acte de ce mauvais théâtre, reste le cobaye, l’échantillon de laboratoire sur lequel on teste les faux principes de la vraie démocratie.
Depuis 1804, notre crime originel reste intact : avoir osé être libre sans permission. Et pour cela, l’empire n’a jamais pardonné. Il surveille. Il contrôle. Il punit. Le peuple haïtien n’a jamais voté librement sans que l’Ambassade ne souffle les noms des élus. On n’élit plus un président, on l’impose par drone diplomatique. Le CEP ? Marionnette. Le vote ? Rituel folklorique. Le résultat ? Une photocopie fidèle de l’agenda américain.
Regardons les faits : Quand un président haïtien ose parler souveraineté, il est boudé, diabolisé, neutralisé, assassiné. Quand un Premier ministre improvise une phrase sur la dignité nationale, il est convoqué par téléphone, révoqué. Et pendant ce temps, des ONG surarmées, des fondations douteuses, des diplomates qui jouent à SimCity sur Port-au-Prince, orchestrent le chaos en vendant la paix.
Mais ce peuple américain-là, ce peuple unique de la démocratie, ne souffre jamais de coups d’État, n’a jamais besoin de missions onusiennes, ne subit jamais l’occupation au nom du bien. Eux, ils exportent la démocratie comme une franchise de fast-food : même sauce, même poison, même sourire hypocrite, même plan mortel. Et nous, on ingère, on digère, on crève.
L’Establishment américain, ce n’est pas le peuple américain. Ne confondons pas. Ce sont les têtes pensantes de l’empire, les gérants de la machine mondiale. Ce sont eux qui décident qui peut gouverner, qui doit disparaître, qui mérite les fonds, les sanctions, les visas. Ce sont eux les vrais électeurs d’Haïti.
Et pendant que notre peuple mendie l’humanité, eux, s’érigent en Dieu de papier, brandissant la Constitution américaine comme Bible universelle, refusant d’admettre que la démocratie ne se transplante pas : elle se construit, elle se vit, elle se mérite dans l’effort collectif et non dans le diktat d’un partenaire qui ne connaît ni nos morts, ni nos souffrances.
Alors, oui, ils sont peut-être le seul peuple de leur démocratie. Mais qu’ils sachent que nous sommes un peuple en gestation d’un autre modèle. Un peuple debout dans la douleur, mais debout quand même. Et un jour viendra, peut-être pas demain, où le mot démocratie ne sera plus une importation, mais une invention locale, trempée dans le sang de nos ancêtres et le rêve de nos enfants.
Reynoldson Mompoint