Chronique d’un gouvernement en orbite
Un jour viendra — peut-être dans un millénaire tropical — où Haïti aura un gouvernement qui capte enfin les bonnes fréquences : celles de Delmas, de Martissant, de Canapé-Vert, de Pacot, de Mirebalais, La Croix-Perisse et non celles de New Delhi. Mais pour l’instant, pendant que les gangs s’installent confortablement sur les ondes, que la Radio Panique FM devient « Taliban FM » à Mirebalais, que les détonations remplacent les bulletins de nouvelles, nos dirigeants ont les antennes tournées… vers l’Inde.
Au moins trois policiers et plusieurs membres de la brigade de Canapé-Vert sont tombés ce mercredi 23 avril 2025, dans une pluie de balles à Pacot, hors de leur « territoire » non encore « perdu ». Une journée sanglante, malgré les annonces d’une prétendue opération de la PNH. Morts, blessés, chaos. Et pendant ce temps ? Silence radio du Conseil Présidentiel — à moins que ce ne soit pour envoyer leurs condoléances internationales.
Pourquoi tout un gouvernement s’empresse-t-il de publier des communiqués sur une attaque à Pahalgam (Inde), pendant que Canapé-Vert pleure ses fils ? Depuis quand l’indignation humanitaire de nos dirigeants a-t-elle un fuseau horaire ? Où sont leurs larmes pour les familles haïtiennes décimées ? Et ce « budget de guerre » dont parle Fritz Jean : guerre contre qui, en fait ? Contre la souffrance du peuple ou contre le devoir d’agir ?
Les gangs, eux, n’ont pas ce genre de distraction diplomatique. Ils sont bien là, ancrés, connectés, « organisés » et « conseillers ». Ils émettent désormais depuis Mirebalais, sur 97.5, avec jingles, slogans et hommages à leurs chefs sanguinaires. Radio Panique FM n’a pas seulement été prise. Elle a été souillée, détournée, transformée en mégaphone de l’horreur. « Taliban FM » : qui aurait pu croire qu’un tel nom circulerait un jour dans nos fréquences ? Kisa CONATEL ap tann toujou?
Pendant ce temps, Fritz Jean et ses collègues préparent un référendum le 11 mai 2025 — pour quoi, au fait ? Pour consulter un peuple en fuite ? Pour imposer une constitution à un pays dont les enfants meurent sous les balles et n’ont même pas un lit d’hôpital ?
Tant que nous aurons des dirigeants en mode satellite, le pays restera sans boussole… mais avec des pirates à l’antenne et, pire encore, aux commandes des finances nationales.
