Haïti : des policiers kényans blessés, un disparu, et des évacuations vers la République dominicaine – la mission internationale sous tension
Nairobi, Reuters – Le déploiement des policiers kényans en Haïti dans le cadre de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) continue de susciter de vives préoccupations, à la lumière des récentes violences et pertes humaines enregistrées sur le terrain. Deux agents kényans ont été grièvement blessés lors d’affrontements avec des gangs lourdement armés opérant dans la capitale haïtienne. L’un a été atteint à la tête, une balle ayant perforé son casque, tandis que l’autre a été blessé à l’oreille après qu’un tir a transpercé un véhicule blindé dans lequel il se trouvait. Ces deux policiers ont dû être évacués vers la République dominicaine pour y recevoir des soins d’urgence, rapportent les autorités sécuritaires.
Ces incidents graves interviennent dans un contexte d’hostilité croissante sur le terrain. Le chef de la police kényane, Japhet Koome, a reconnu lundi que d’autres pertes étaient probables, tout en réaffirmant la détermination des troupes déployées : « Ils sont préparés. Des blessures peuvent survenir, des décès aussi », a-t-il déclaré à la presse à Nairobi (Reuters, 1er avril 2025). Ces propos marquent un tournant dans la communication officielle, traduisant une prise de conscience de la dangerosité extrême de la mission.
Par ailleurs, un autre fait préoccupant complique davantage la situation : un policier kényan est porté disparu depuis le 25 mars, après une embuscade tendue par des hommes armés dans la localité de Pont-Sondé, dans le département de l’Artibonite. Selon les informations disponibles, les policiers tentaient alors de récupérer un véhicule blindé enlisé lorsqu’ils ont été pris pour cible. Les recherches se poursuivent, mais l’absence de contrôle étatique sur de vastes portions du territoire rend toute opération de sauvetage périlleuse.
Ces événements ont mis en lumière des failles majeures dans la préparation logistique et opérationnelle de la mission. Des interrogations sont soulevées sur la qualité des équipements fournis aux troupes kényanes, en particulier les gilets pare-balles, les casques et les véhicules blindés, dont la capacité à résister aux armes automatiques des gangs semble limitée. Une délégation de la mission est attendue prochainement à Washington afin de discuter de ces insuffisances avec les autorités américaines, principaux bailleurs et fournisseurs de matériel dans ce dossier.
Alors que la communauté internationale mise sur la MMSS pour restaurer une forme de stabilité dans un pays en proie à une crise sécuritaire sans précédent, ces incidents révèlent l’ampleur des défis à surmonter. L’État haïtien, quasi inexistant sur le plan opérationnel, est incapable d’assurer la sécurité de ses citoyens, et les gangs ont renforcé leur emprise territoriale à Port-au-Prince et dans d’autres régions stratégiques.
Vers quelles responsabilités internationales ?
La poursuite du déploiement de la MMSS soulève des questions éthiques et stratégiques pressantes : dans quelle mesure est-il pertinent d’envoyer des forces étrangères peu préparées dans un contexte aussi volatile ? Quel rôle les puissances occidentales entendent-elles réellement jouer dans cette opération qu’elles financent mais délèguent à des pays du Sud ? Et surtout, comment garantir que cette mission ne devienne pas un énième épisode d’une politique sécuritaire internationale déconnectée des réalités locales ?
Sources :
Reuters, 1er avril 2025 : Kenyan police in Haiti suffer more casualties
RCI.fm, 30 mars 2025 : Gangs en Haïti : un policier kényan porté disparu après une embuscade
