2 octobre 2025
Le CPT : un « pouvoir » entre guillemets, une République entre parenthèses
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Le CPT : un « pouvoir » entre guillemets, une République entre parenthèses

minute de la rédaction

Avec la création, le 3 avril 2024, du Conseil Présidentiel de la Transition (CPT), Haïti a entamé une nouvelle phase de sa recomposition politique, marquée par l’instauration d’un gouvernement de doublure reléguant la vieille République entre parenthèses. Loin d’inspirer la confiance, cette structure suscite de vives interrogations. Composé de neuf membres, ce conseil, dépourvu de base constitutionnelle claire et de légitimité populaire, s’est vu confier la lourde tâche de gouverner un pays au bord du chaos. Mais gouverner quoi, au juste ?

Alors que le dernier rapport de Transparency International attribue à Haïti un score exécrable de 17 sur 100 en matière de transparence et de bonne gouvernance, les membres du CPT ont la prétention d’être persuadés de leur utilité pour la République. Une conviction que certains expriment tout de go à la limite de l’arrogance et du grotesque. Comme le rapporte le journaliste-analyste Valéry Numa, l’un des membres du CPT aurait sans gêne exigé qu’une super marché de la capitale ferme ses portes pour qu’il puisse faire ses courses en toute quiétude. Le ridicule n’a pas de limite.

Si cette anecdote pouvait faire sourire si elle n’incarnait pas une réalité politique inquiétante, elle illustre parfaitement l’état d’esprit de ces nouveaux « leaders » autoproclamés. Un pays où les gangs font la loi, où l’économie ne tient qu’à un fil, où l’éducation s’effondre et où des milliers de citoyens sont déplacés chaque jour, la priorité n’est certainement pas de jouir des privilèges du pouvoir, mais bien de reconstruire l’Etat. Mais que fait le CPT ? Plutôt que de chercher des solutions pérennes, elle se drape dans une autorité par défaut, une autorité qui lui est imposée sans mandat populaire et sans véritable stratégie pour sortir le pays de l’impasse. Pire encore, trois de ses membres sont accusés de corruption, ce qui ne fait qu’amplifier la mécontentement général. On voit mal comment ce conseil peut prétendre être une réponse crédible à la crise haïtienne.

Mais rassurez-vous, le temps finira par les rattraper. Car si aujourd’hui ces membres du CPT se prennent pour des hommes d’Etat, s’ils se conduisent comme si le pouvoir leur était dû, que se passera-t-il lorsqu’ils ne seront plus aux commandes ? En effet en Haïti, l’histoire nous enseigne que les transitions sans fondements démocratiques se terminent rarement bien pour ceux qui s’y sont aventurés avec arrogance. Le jour venu, ils devront quitter la scène et c’est à ce moment précis qu’ils réaliseront l’ampleur du fossé entre l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes et celle que leur renvoie la population. L’indifférence populaire sera leur seule récompense, car leur légitimité n’aura jamais été qu’une illusion.

Sans doute pensent-ils qu’ils ont jusqu’au 7 février 2026 pour mener leur barque. Mais le peuple en a assez. Rien ne dit qu’il acceptera cette gouvernance de doublure, cet artefact politique qui prétend diriger alors qu’il ne fait que gérer le vide. Une chose est sûre : aucun texte juridique, aucune règle institutionnelle ne justifie qu’Haïti soit gouvernée par neuf personnes sans aucun ancrage électoral. Que les membres du CPT puissent donc continuer à se croire « utiles » à la République. Mais qu’ils se préparent aussi à découvrir, une fois leur pouvoir éteint, à quel point la nation ne les aura jamais vraiment pris en compte.

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