minute de la rédaction
Structuré autour de neuf secteurs supposés représenter les axes de la société, le régime actuel d’Haïti incarne aujourd’hui l’échec absolu d’une gestion gouvernementale incapable de redresser un pays en pleine décomposition. Après près d’un an d’exercice, cette équipe disparate n’a pas réussi à endiguer l’insécurité, à améliorer les conditions socio-économiques du pays, ni même encore à jeter les bases d’une administration publique cohérente. Et pourtant, au-delà de ce constat d’échec, le pouvoir prétend aujourd’hui organiser un référendum constitutionnel, comme si les conditions minimales d’un tel exercice démocratique étaient remplies. Cette annonce, faite par l’architecte Leslie-Voltaire, est plus un acte de communication qu’un projet politique sérieux, étant donné l’état du pays qui rend un tel processus difficilement faisable.
L’incertitude qui plane sur ce référendum est révélatrice d’une administration brouillonne. Le Premier ministre de facto, M. Alix Didier Fils-Aimé, campe dans un attentisme incompréhensible, tandis que le calendrier électoral reste une abstraction. Même si une date était fixée, comment imaginer un scrutin crédible dans un pays où les institutions régaliennes sont quasi inexistantes ?
Devant assurer le bon déroulement des opérations électorales, le Conseil Electoral Provisoire (CEP) n’est qu’un simulacre, une structure sans légitimité, à l’image des nombreux « conseils éphémères » mis en place sous Jovenel Moïse et Michel Martelly. Dès le départ, ces instances étaient vouées à l’échec, tant elles étaient entachées d’irrégularité et d’improvisation.
Le tableau de la gouvernance actuelle est celui d’une faillite globale. L’examen des neuf secteurs de la politique supposés incarner l’avenir du pays montre une absence totale de résultats. L’urbanisme et les infrastructures, sous la direction de l’architecte Leslie Voltaire, n’ont connu aucune avancée significative. L’aéroport international des Cayes, projet fleuron de cette administration, est un désastre logistique et architectural, symbole d’un pays où les investissements publics ne sont que des chantiers inachevés.
Le secteur de la santé, confié au Dr Louis-Gérald Gilles, est lui aussi à l’agonie. La population haïtienne est victime d’une pénurie chronique de soins de santé, aggravée par le déficit de ressources et l’effondrement des structures hospitalières.
sous l’;emprise des gangs. Qu’attendre d’un ancien sénateur impliqué dans des scandales financiers et dont la gestion est aussi opaque qu’inefficace ? La justice, sous la responsabilité de M. Emmanuel Vertilaire, connaît un effondrement sans précédent.
Pour sa part, l’économie, sous la direction de M. Laurent Saint-Cyr, est dans une impasse complète. Le secteur privé, loin de stimuler l’investissement et la création d’emplois, se limite à la gestion de la rente locale. Les grandes fortunes du pays ne se traduisent pas par un développement structurant ou des projets à long terme. Loin de s’enrichir durablement, les élites accumulent une monnaie locale sans valeur dans une économie dominée par l’informalité et la spéculation.
Ce marasme institutionnel est aggravé par une insécurité rampante. Des bandes armées imposent leur loi, défiant quotidiennement les forces de l’ordre. L’État, devenu spectateur, est parfois complice de la montée en puissance du crime organisé. Les images de véhicules blindés de la police incendiés par des groupes criminels suscitent des interrogations : s’agit-il d’un échec militaire ou d’une stratégie délibérée pour maintenir le chaos ? L’incapacité des autorités à rétablir l’ordre fait douter de la volonté réelle de lutter contre ces groupes terroristes.
La notion même de référendum apparaît, dans ce contexte, comme une absurdité politique. L’organisation d’un scrutin nécessite un climat minimum de sécurité, des institutions solides et une volonté populaire qui font actuellement défaut. Comment concevoir une consultation nationale alors que les citoyens ne peuvent même pas se déplacer librement dans leur propre pays ? Comment mobiliser les électeurs lorsque les bureaux de vote sont au mieux menacés par des bandes, au pire inexistants ?
Le temps n’est pas aux élucubrations, il est au contraire au constat d’un échec patent. La gouvernance à neuf têtes, appelée à incarner le renouveau institutionnel, n’a été qu’un artifice de plus dans le parcours de l’Etat haïtien. La responsabilité collective de ces acteurs ne peut être éludée : non seulement ils ont échoué individuellement, mais ils ont collectivement contribué à la désintégration du pays. En persistant dans cette fuite en avant, ils prolongent inutilement un régime dont la légitimité est depuis longtemps effritée.
Est-ce que le retrait de cette équipe est envisageable ? La logique voudrait qu’un tel échec conduise à une remise en question, voire à une transition politique d’urgence. Mais notre histoire démontre que le pouvoir, même en état de décomposition avancée, n’abdique jamais sans résistance. Chaque jour qui passe accentue l’isolement du gouvernement, en même temps que la détresse d’une population délaissée.
Le vin est tiré, mais ceux qui l’ont versé ne veulent pas le boire. Combien de temps le gouvernement pourra-t-il faire semblant d’agir, alors que tout s’écroule sous ses pieds ? Le doute persiste, et avec lui, le flou d’un pays qui attend toujours de se libérer.
cba
