minute de la rédaction
Annoncez et commencez à préparer les élections, et mettez fin à la farce de la révision de la Constitution « déjà écrite » par référendum. Allez-vous prolonger l’héritage des « territoires perdus » laissé par Ariel Henry, car Kenscoff brûle ?
Parfois, l’actualité politique dépasse la fiction. L’architecte Lestie Voltaire, autoproclamé chef d’un État à la dérive, livré aux gangs par le PHTK, qui s’apprête à serrer la main du président français Emmanuel Macron, celui-là même qui, quelques mois plus tôt, l’avait traité de « con » – et pas n’importe quel con, mais un c-o-n bien accentué, que l’on devine chargé de frustration et d’exaspération diplomatiques et d’ambitions politiques. Et pourtant, aujourd’hui, c’est ce même Macron qui devrait ouvrir les portes de l’Élysée à cet illustre invité, venu parler de la « dette d’indépendance ».
Lestie Voltaire, rappelons-le, n’a jamais été élu. Il ne doit sa position qu’à une combinaison d’opportunité politique et d’ingéniosité douteuse dans l’architecture de la manipulation des institutions défaillantes d’Haïti, notamment la Primature et la Cassation. Son gouvernement anticonstitutionnel doit encore convaincre. Mais il dispose désormais d’un mandat historique : réclamer des réparations pour une dette vieille de deux siècles. A défaut d’organiser des élections et de rétablir la sécurité dans le pays, il aurait trouvé dans les arcanes de la diplomatie internationale une mission providentielle pour justifier son maintien au pouvoir devant le « tou pa » Fritz Jean, qui commence à jouir du pouvoir sur les hauteurs de la Montana.
Mais au nom de qui agit-il ? Le peuple haïtien, acculé par l’insécurité, – et presentement la commune de Kenscoff sur le point d’etre ajoute au nombre de territoires perdus – l’inflation et la misère, la corruption institutionnalisee, n’a pas été consulté. Qui décide que M. Voltaire peut parler de cette dette, sujet profondément porteur de symboles, sans mandat populaire ? Mascarade, diront certains, tentative désespérée de détourner l’attention des vraies priorités, diront d’autres.
Ce n’est pas la première fois que la présidence haïtienne se caractérise par un excès de zèle en matière de communication. Après tout, annoncer dans la foulée une rencontre avec le pape François et le président français est d’une audace presque scénique. Mais à y regarder de plus près, cette diplomatie tient plus de l’écran de fumée que de la stratégie cohérente.
Les conseillers présidentiels, dispersés entre Washington et Rome ou Paris, reviennent difficilement avec des résultats concrets. Les missions se multiplient, – anpil foto – les annonces abondent, mais les Haïtiens continuent d’attendre des explications sur l’utilisation des fonds publics pour ces voyages coûteux. Quel est le but recherché par ces voyages ? Quels en sont les résultats ? Et surtout, où sont les rapports détaillant les dépenses engagées ?
La dette de l’indépendance : une question à contretemps
La dette de l’indépendance est un sujet sérieux, qui mérite une réflexion collective et un leadership légitime. Les Haïtiens ne s’opposeraient pas à une réparation historique, mais ils savent bien que les fonds versés à un gouvernement corrompu et illégitime risquent de disparaître dans les dédales d’un système opaque. Pourquoi confier cette créance à un régime incapable de gérer ses propres finances et encore moins de garantir un minimum de transparence ?
Derrière cette exigence se cache une tentative de repositionnement sur la scène internationale, mais elle comporte le risque de passer pour une quête de légitimité personnelle, plutôt que pour un véritable combat en faveur des intérêts du peuple haïtien.
Comment ne pas relever l’ironie du positionnement de Lesle Voltaire ? D’un côté, il prétend représenter un Etat souverain et demande des réparations historiques à la France. De l’autre, il accepte sans broncher l’ingérence dans la gouvernance d’Haïti, allant jusqu’à penser modifier la Constitution pour asseoir le pouvoir de l’autre.
Peut-on valablement dénoncer les injustices du passé tout en perpétuant les dérives du présent ? Lesle Voltaire, dans sa quête de reconnaissance internationale, en oublie que la légitimité se construit d’abord à l’intérieur de son propre pays.
Cette rencontre avec Macron s’annonce comme un gymnase aventureux, entre flatteries diplomatiques et contradictions de fond. Si M. Voltaire espère obtenir des résultats concrets, il faudra bien qu’il réponde à une question fondamentale : comment incarner l’avenir d’Haïti alors qu’il ne respecte ni ses lois, ni ses institutions ?
Au final, le spectacle diplomatique de Voltaire pourrait se solder par une farce grotesque. Mais c’est peut-être là son véritable talent d’architecte : détourner l’attention de l’essentiel, en espérant qu’un jour, l’histoire retiendra ses efforts plutôt que ses échecs.
