Par Patrick Prézeau Stephenson
Au cours des six dernières années, Haïti a été submergé par une vague incessante de violence, marquée par la montée en puissance des gangs et une criminalité galopante qui ont conduit la nation au bord du gouffre. L’analyse des données du pilier Paix et Sécurité : Statistiques sur la Sécurité et la Criminalité en Haïti (2018–2024) dresse un tableau sombre : ce qui était autrefois un niveau stable – quoique préoccupant – d’environ 109 homicides par mois entre 2018 et 2022 s’est transformé en une spirale incontrôlable. En 2024, ce chiffre atteint près de 500 à 600 par mois, soit une augmentation de cinq à six fois.
Les implications de cette escalade dramatique vont bien au-delà des statistiques. Elle reflète une crise humanitaire, un effondrement de la protection civile et l’échec des interventions traditionnelles à endiguer cette marée. Il est temps de reconnaître la réalité : Haïti ne peut plus continuer comme avant. Un changement de paradigme stratégique s’impose de toute urgence pour s’attaquer aux causes profondes de la violence, rétablir l’ordre et protéger les plus vulnérables.
Les Limites des Approches Actuelles
Depuis des années, les interventions internationales et les politiques nationales se sont concentrées principalement sur le renforcement des capacités de la Police nationale haïtienne (PNH). Pourtant, malgré des millions de dollars en financement et en formation, la PNH reste gravement sous-dotée, avec environ 9 700 agents pour une population de 12 millions d’habitants (81/100K), bien en deçà de la norme internationale de 222 policiers pour 100 000 habitants. Ce déficit flagrant a laissé les communautés sans protection et les gangs sans contrôle.
Les efforts pour perturber les réseaux criminels ont été sporadiques et majoritairement réactifs, avec peu d’accent mis sur la prévention des conditions qui permettent à ces réseaux de prospérer. Parallèlement, l’instabilité politique, la faiblesse du système judiciaire et le sous-investissement chronique dans les infrastructures sociales ont créé un terreau fertile pour la violence. Ce cercle vicieux d’insécurité érode la confiance dans les institutions, affaiblissant davantage la gouvernance et aggravant la crise.
Le Coût Humain
Le bilan humain de cette violence incontrôlée est dévastateur. Les données montrent que les homicides, les enlèvements et les lynchages ont atteint des niveaux sans précédent, touchant de manière disproportionnée les communautés marginalisées, les femmes et les enfants. La violence sexuelle et sexiste, documentée dans les données, a également augmenté de manière alarmante, laissant des cicatrices profondes dans le tissu social de la nation.
La jeunesse haïtienne, qui représente plus de la moitié de la population, est particulièrement en danger. Avec un accès limité à l’éducation, à l’emploi ou au soutien social, elle est souvent contrainte de rejoindre les gangs ou abandonnée à son sort dans des quartiers violents. L’absence de programmes ciblés pour répondre à leurs besoins constitue à la fois un échec moral et une occasion manquée de rompre le cycle de la violence.
Rien qu’en 2024, les données des Nations Unies révèlent que les activités des gangs ont entraîné au moins 5 600 morts, 2 212 blessés et 1 494 enlèvements [2], l’impact socio-économique étant estimé à 1,57 milliard de dollars[3].
Un Appel à une Nouvelle Stratégie
Il est temps d’adopter une approche globale pour résoudre la crise de sécurité en Haïti, une approche qui s’attaque à ses causes structurelles tout en restaurant l’ordre. Les éléments clés d’une telle stratégie incluent :
1. Interventions menées par la communauté : Permettre aux communautés locales de prendre en charge leur sécurité à travers des programmes de surveillance de quartier, des initiatives de médiation locale et des partenariats avec la société civile. La construction de la confiance entre les communautés et les forces de l’ordre est essentielle.
2. Programmes ciblés pour la jeunesse : Investir dans l’éducation, la formation professionnelle et des opportunités économiques pour les jeunes à risque afin de leur offrir des alternatives viables à l’affiliation aux gangs.
3. Désarmement et Réinsertion : Mettre en œuvre un effort coordonné de désarmement des gangs, accompagné de programmes robustes de réinsertion. Les leçons des programmes DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion) passés ou dans d’autres régions touchées par des conflits peuvent servir de modèle.
4. Coordination internationale : Bien qu’Haïti doive diriger sa propre reprise, la communauté internationale a un rôle à jouer en fournissant un financement ciblé, un soutien technique et un engagement diplomatique.
Conclusion : De la Crise au Renouveau
L’escalade de la violence en Haïti n’est pas seulement une tragédie nationale ; c’est un défi régional aux implications mondiales. Si elle n’est pas abordée, la crise humanitaire s’aggravera, alimentant les pressions migratoires et déstabilisant davantage la région.
La voie à suivre pour Haïti repose sur une révision audacieuse de la stratégie – une approche qui équilibre les besoins de sécurité immédiats avec des investissements à long terme dans la gouvernance, la résilience communautaire et le développement humain. Les Haïtiens méritent plus que des solutions temporaires ; ils méritent un avenir où la sécurité, la dignité et les opportunités ne sont pas des privilèges, mais des droits fondamentaux pour tous. Le moment d’agir, c’est maintenant.
Références
[1] https://data.humdata.org/dataset/binuh-scstats
[3] https://prezeau.blogspot.com/2025/01/le-cout-cache-de-la-violence-des-gangs.html
Contact Médias Patrick Prézeau Stephenson: Éditeur manifeste1804@gmail.com
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