2 octobre 2025
Le risque que des membres de gangs ou leurs supporters se présentent comme candidats doit être évité, avertit la Commission de Venise
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Le risque que des membres de gangs ou leurs supporters se présentent comme candidats doit être évité, avertit la Commission de Venise

Certains rapports récents ont fait état de liens présumés entre l’ancien président haïtien Michel Martelly et l’ancien premier ministre Laurent Lamothe et des gangs armés en Haïti. Selon un document du Groupe d’experts des Nations Unies, Michel Martelly a financé plusieurs gangs, tels que Base 257, Village de Dieu, Ti Bois et Grand Ravine, en leur fournissant des fonds et des armes, afin d’étendre son influence politique dans divers quartiers. De plus, en novembre 2022, le gouvernement canadien a sanctionné Michel Martelly et Laurent Lamothe pour leur implication présumée dans le financement de gangs armés et l’escalade de la violence en Haïti.

Ces sanctions reflètent les préoccupations internationales concernant l’implication de ces anciens dirigeants dans des activités criminelles déstabilisant le pays. Cependant, Laurent Lamothe a nié ces allégations, affirmant que le Canada n’avait fourni aucune preuve à l’appui de ces accusations. Il a même exigé des excuses publiques de la part du gouvernement canadien et a contesté les sanctions devant la Cour fédérale du Canada.

Ces événements démontrent la complexité de la situation politique en Haïti et les défis que représente la lutte contre l’influence des gangs armés dans le pays.

La Commission de Venise et les restrictions au droit de vote et d’éligibilité en Haïti

Face au climat d’insécurité généralisée en Haïti, où des bandes armées contrôlent une grande partie du territoire, la Commission de Venise a émis des recommandations visant à encadrer le droit de vote et d’éligibilité dans le cadre des prochaines élections. Ces recommandations posent des problématiques de droits fondamentaux, de proportionnalité et de sécurité publique qui sont déterminantes pour l’avenir du pays.

Dans son avis intérimaire, la Commission rappelle que l’insécurité est un obstacle majeur à la tenue d’élections libres. Le contrôle exercé par les gangs sur une partie importante du territoire haïtien rend difficile l’organisation d’élections transparentes et inclusives. Bien que la justice doive prévaloir pour les membres de gangs accusés de crimes, la Commission reconnaît que des condamnations définitives avant les élections restent improbables.

Dans ce contexte, la Commission propose d’envisager la suspension temporaire des droits politiques pour les individus en attente de jugement pour des crimes graves. Cette mesure, bien que destinée à prévenir les abus, inquiète quant à son impact sur les principes fondamentaux de l’État de droit et des droits de l’homme.

La Commission souligne l’importance de respecter le principe de proportionnalité lorsqu’il s’agit d’interférer avec le droit d’être élu. Une simple accusation ou perception publique de l’implication d’un individu dans des activités criminelles ne suffirait pas à justifier une telle suspension. Toutefois, dans le contexte actuel de chaos, il est impératif d’empêcher toute tentative de candidature de la part de membres de gangs ou d’individus soutenant ces groupes criminels.

Le régime de sanctions renouvelé par le Conseil de sécurité des Nations unies le 18 octobre 2024 offre un cadre partiel pour répondre à ces préoccupations. Des mesures ciblées, telles que le gel des avoirs, l’interdiction de voyager et l’embargo sur les armes, visent à limiter les activités criminelles. Ces sanctions, également adoptées par l’Union européenne, les États-Unis et le Canada, fournissent une base juridique pour exclure les personnes désignées des processus électoraux, à condition que leurs droits procéduraux soient garantis.

La Commission propose une solution partielle et exceptionnelle : considérer l’imposition de sanctions individuelles comme un critère d’inéligibilité. Cela inclurait les personnes figurant sur les listes de sanctions internationales jusqu’à la clôture des nominations électorales. Toutefois, cette approche nécessiterait une procédure rigoureuse afin d’éviter toute atteinte arbitraire aux droits fondamentaux. Une telle mesure pourrait être appliquée à tous les niveaux d’élection, y compris au niveau local, où le risque d’infiltration par des groupes criminels est élevé.

Les recommandations de la Commission de Venise reflètent un effort pour concilier sécurité et respect des droits de l’homme dans un contexte de crise aiguë. Elles posent néanmoins des défis importants pour leur mise en œuvre, notamment en termes de garantie de procédures équitables et de respect du principe de proportionnalité. A long terme, une stabilisation durable de la situation sécuritaire en Haïti reste indispensable au rétablissement de conditions électorales pleinement démocratiques.

Restrictions au droit de vote et d’éligibilité

  1. L’avis intérimaire rappelle que l’insécurité est un obstacle majeur à la tenue d’élections libres et qu’elle est en grande partie due à l’action de bandes qui contrôlent une partie importante du territoire. Lorsque la sécurité sera rétablie, les membres de ces gangs ayant commis des crimes devraient être jugés, mais il est peu probable que des condamnations (définitives) puissent avoir lieu avant les élections. A cet égard, la Commission de Venise a recommandé d’examiner la possibilité de suspendre les droits politiques des citoyens qui attendent d’être jugés pour des crimes graves.
  2. La Commission est consciente de la nécessité de disposer d’une base juridique et de respecter le principe de proportionnalité lorsqu’il s’agit d’interférer avec la jouissance du droit d’être élu. La simple accusation, la connaissance publique ou la perception du rôle d’un individu dans la violence des gangs ne répondrait guère à ces critères. Pourtant, dans la situation de chaos qui prévaut en Haïti, le risque de voir des membres de gangs se présenter comme candidats devrait être évité. La Commission note que le 18 octobre 2024, le Conseil de sécurité des Nations unies a renouvelé pour un an le régime de sanctions contre Haïti3 – y compris les mesures ciblées s’appliquant aux personnes désignées, en particulier le gel des avoirs, l’interdiction de voyager et les mesures d’embargo sur les armes – visant à endiguer le flux illicite d’armes vers les gangs criminels. Les critères de désignation du régime de sanctions incluent la participation ou le soutien à des activités criminelles et à des actes de violence impliquant des groupes armés et des réseaux criminels. Le Comité des sanctions 2653 pour Haïti a notamment désigné le chef d’un gang et un ancien membre du parlement haïtien qui auraient été impliqués dans le trafic d’armes.4 Des sanctions ont également été prises par l’Union européenne, par les États-Unis5 et par d’autres pays comme le Canada6. Exceptionnellement, une solution possible, et certainement partielle, pourrait consister à utiliser l’imposition de sanctions individuelles (jusqu’à la date de clôture des nominations) comme base d’inéligibilité (tout en soulignant la nécessité de garantir une procédure régulière pour les personnes figurant sur la liste)7. Cela est valable pour les élections à tous les niveaux, y compris au niveau local.

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