Leçons d’une lutte fondatrice
Si Toussaint et Dessalines n’avaient pas combattu les bandes armées, l’indépendance haitienne n’aurait pas pu se concrétiser
par Elensky Fragelus
L’histoire de la Révolution haïtienne rappelle une vérité trop souvent oubliée : l’indépendance n’est pas née seulement de batailles contre les puissances coloniales, mais aussi d’un combat intérieur, décisif, contre les bandes armées qui menaçaient l’unité de la lutte. Toussaint Louverture puis Jean-Jacques Dessalines l’avaient compris : aucune révolution ne peut triompher si elle demeure éclatée, livrée à des groupes indisciplinés, instrumentalisables et parfois violents.
En 1791, l’insurrection des esclaves surgit dans le désordre le plus total. Des dizaines de bandes surgissent, chacune avec son chef, ses intérêts, ses excès. Toussaint fait alors un choix stratégique : imposer une armée régulière, disciplinée, capable de négocier avec les autorités françaises et de tenir tête aux forces étrangères. En neutralisant ou en intégrant ces groupes armés, il forge la première structure militaire noire moderne des Amériques et ferme la porte aux manipulations coloniales.
Dessalines poursuivra cette ligne avec une fermeté implacable. En 1802–1803, alors que Leclerc tente de rétablir l’esclavage, les bandes renaissent. Dessalines les rassemble, les encadre, et élimine celles qui menacent l’effort de guerre. Cette centralisation militaire rend possible la victoire de Vertières et l’acte fondateur du 1er janvier 1804.
Le combat contre les bandes armées n’était pas un détail : il fut la condition même de l’indépendance. Là où le désordre règne, la liberté échoue. Toussaint et Dessalines nous lèguent ainsi une leçon brûlante d’actualité : aucun peuple ne peut se libérer sans restaurer l’autorité légitime et rompre avec les forces qui déchirent son avenir.