Le Tchad met fin à sa coopération militaire avec la France : une rupture historique dans la région du Sahel
Le Tchad, partenaire clé des puissances occidentales dans la lutte contre le terrorisme en Afrique centrale, a annoncé la fin de ses relations militaires avec la France. Cette décision marque un tournant important dans la région du Sahel, où une montée des sentiments anti-français a déjà conduit plusieurs pays à rompre avec leur ancienne puissance coloniale.
L’annonce, qualifiée de surprenante, a été faite jeudi soir, lors des célébrations de la fête de la République du Tchad, quelques heures seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N’Djamena. Cette décision pourrait entraîner le départ de quelque 1 000 soldats français actuellement stationnés dans le pays, qui fournissent un soutien essentiel à l’armée tchadienne, notamment en matière de formation, de logistique, de surveillance aérienne et de renseignement.
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a déclaré : « Cette décision, fruit d’une analyse approfondie, marque un tournant historique. Soixante-six ans après la proclamation de la République du Tchad, il est temps pour le pays d’affirmer sa souveraineté totale et de redéfinir ses partenariats stratégiques en accord avec ses priorités nationales. »
La France n’a pas encore réagi officiellement à cette décision.
Comme d’autres anciennes colonies françaises, le Tchad a été le théâtre de manifestations dénonçant la présence continue de Paris dans la région. En mai dernier, des centaines de manifestants ont défilé à N’Djamena et dans d’autres villes, accusant la France de soutenir le régime du président Mahamat Déby. Ces protestations ont dégénéré en violences, avec des attaques contre des stations-service exploitées par TotalEnergies et des drapeaux français brûlés avant que la police ne disperse les foules.
Cette décision intervient alors que le président français, Emmanuel Macron, a annoncé une révision de la stratégie militaire française en Afrique, prévoyant une réduction des effectifs au Sénégal, au Gabon, en Côte d’Ivoire et au Tchad. Toutefois, Paris espérait maintenir une présence discrète dans la région, notamment à travers sa base située près de l’aéroport de N’Djamena.
Le Tchad, qui a jusqu’ici résisté plus efficacement que ses voisins à l’insurrection jihadiste, fait face à des attaques croissantes, notamment de Boko Haram. Sur le plan politique, le régime de Mahamat Déby, arrivé au pouvoir en 2021 après la mort de son père, a suscité des critiques pour sa gestion autoritaire et sa répression des manifestations pro-démocratie.
Cette rupture avec la France s’inscrit dans un contexte plus large où plusieurs pays du Sahel, tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont choisi de s’allier avec la Russie, souvent à travers des accords avec des mercenaires du groupe Wagner.
Le Tchad, malgré ses récents succès militaires, se trouve à un carrefour stratégique où les choix de ses dirigeants auront des implications majeures sur la stabilité régionale et ses relations internationales.
