La révocation de Gary Conille deviendrait pour le président français une opportunité d’enterrer une histoire lourde de dettes et de coercitions. De 1825 aux banques usurières, Macron esquive les errements pour alléger le fardeau historique de la France.
Par l’encien sénateur et professeur Patrice Dumont
Dans la vidéo du scandale, les paroles de l’homme au képi adressées au Président de la République Française, Emmanuel Macron, ne sont pas claires. En revanche, on a bien entendu le chef de l’État français traiter publiquement de « cons » son ou ses homologue (s) d’Haïti, pays qui s’est libéré de l’esclavage et du colonialisme du sien par une guerre révolutionnaire. Même s’il y a trois hommes dits « braqueurs de la BNC » au sein du CPT, on ne peut recevoir cette réplique macronienne que comme ce qu’elle est: une connerie. D’ailleurs, n’était la persistance dans l’ignominie des autres membres du CPT qui se complaisent dans le « yo lèd men yo mèt toujou la », nous serions en face d’un authentique incident diplomatique avec les conséquences que de droit.
Mais, là encore, les paroles choquantes contre le CPT et laudatives pour Gary Conille sont anecdotiques dans l’histoire.
« Franchement, c’est les Haïtiens qui ont tué Haïti », a péroré Emmanuel Macron. Voici l’affaire. L’homme au képi avait-il accusé Macron et la France d’avoir tué Haïti? J’en doute. Avait-il reproché à Macron de ne rien faire pour aider Haïti à sortir de l’impasse insécuritaire? Fort possible. Avait-il simplement attiré l’attention de Macron sur le cas d’Haïti resté sans secours de l’État français? C’est probable.
Dans tous les cas, pour Macron, Haïti a été tué. Et ce n’est pas la France qui en est l’auteur. Mais lui le sait et il sait aussi comment. Du moins il parle comme s’il détenait la vérité. Sur un ton sentencieux, comme le Grand Inquisiteur s’adressant à Jésus dans Les Frères Karamazoz de Dostoïevski. « Franchement, c’est les Haïtiens qui ont tué Haïti en laissant le narco-trafic… » Là, il s’empresse de rectifier, il sait pourquoi. Il continue: « Et là, ce qu’ils ont fait?, le Premier ministre était super. Je l’ai défendu, ils l’ont viré. C’est terrible, c’est terrible! Moi, je peux pas le remplacer. Ils sont complètement cons. Ils n’auraient jamais dû le sortir. Le Premier ministre était formidable ».
Selon Macron, Haïti est donc mort parce que Gary Conille qui le tenait en vie est révoqué. Il a trouvé périlleux d’égrener les errements des Haïtiens. Alors, plus qu’un prétexte, Macron a trouvé une opportunité pour se délester du poids de 1825, celui de Charles X, celui des 150 millions de francs, quatre fois le budget annuel de la France de l’époque, celui de la division navale accompagnant le Baron de Mackau pour forcer la main de Boyer, celui des banques françaises usurières.
Macron sait, et les autres puissances contemporaines aussi, que le ver du sous-développement et de la pauvreté structurelle était entré dans le fruit d’Haïti en 1825. Pauvre CPT, pauvre Conille! Instrumentalisés. Le président de la République Française, Emmanuel Macron, traîne un agacement de rejet et de projection de responsabilté-culpabilité dès lors qu’il s’agit de la question haïtienne: la dette matérielle et morale à honorer. Haïti n’est pas encore mort du poison de la double fausse dette des Français de 1825, du poison de l’embargo raciste des puissances esclavagistes et racistes du 19e siècle, elles-mêmes impérialistes malveillantes des 20e et 21e siècles. Que Macron se console: les élites financières et politiques corrompues haïtiennes ne sont pas innocentes dans le malheur haïtien. Pas de rejet, ni projection ni déni de notre côté. Responsabilité tri-partite à des degré divers.
Tout compte fait, tout ce que ce monde doit se rappeler, c’est que ce peuple n’est coupable que d’avoir extrait l’humanité de la fange de l’esclavage et du colonialisme « légaux » (maîtres et esclaves; métropoles et colonies). Haïti mérite bien qu’on l’aide, sans le déshonorer, à guérir de tous ces maux qu’on lui a inoculés.
Patrice Dumont
Rassemblement des Patriotes Haïtiens