Pourquoi négocier avec les gangs en Haïti est une impasse?
Le débat sur une éventuelle négociation avec les gangs en Haïti pose des questionnements qui touchent aux principes de l’Etat de droit, de la souveraineté nationale et de la justice. Sur la base d’analyses juridiques, diplomatiques et historiques, il apparaît clairement que le dialogue avec ces groupes constitue non seulement une erreur stratégique, mais aussi un danger pour la stabilité et la légitimité de l’État haïtien.
- Une ligne rouge sur le plan international : la non-négociation avec les terroristes
À travers le monde, la majorité des États démocratiques adhèrent à un principe intransigeant : on ne négocie pas avec les terroristes. Cette politique repose sur des raisons morales, stratégiques et pragmatiques :
Morales : Dialoguer avec des groupes criminels ou terroristes reviendrait à légitimer leurs actions violentes. Cela envoie un signal de faiblesse aux victimes et à la société en général.
Stratégiques : L’histoire a montré que négocier avec des terroristes ne fait qu’encourager d’autres groupes à adopter les mêmes tactiques pour obtenir gains de cause.
Pragmatiques : Ces entités ne respectent généralement pas les accords passés, car leur fondement même repose sur la violence et le non-respect des règles.
En Haïti, les gangs ne se contentent pas de contrôler des territoires : ils tuent, violent, kidnappent, terrorisent les populations, et paralysent les institutions étatiques. Leur donner une quelconque légitimité par des négociations serait un précédent dangereux et irrecevable au regard des normes internationales.
- Les crimes des gangs haïtiens : un terrorisme domestique
Les actions des gangs en Haïti, bien qu’ancrées dans un contexte socio-économique unique, s’apparentent à une forme de terrorisme domestique :
Assassinats ciblés et massacres : Les gangs haïtiens s’en prennent à des civils (leurs semblables), des militants, des journalistes, et même des institutions religieuses.
Violations systématiques des droits humains : Les viols collectifs, les déplacements forcés de populations et les enlèvements massifs témoignent d’un mépris total pour la vie humaine.
Effondrement des structures sociales : En instaurant la peur et en paralysant les activités économiques et éducatives, ils sapent les fondements mêmes de la société.
Ces actes dépassent largement le seuil de la criminalité ordinaire et les placent dans une catégorie qui ne peut être traitée par des compromis.
- Pourquoi la négociation est-elle une impasse en Haïti ?
a. Un problème de légitimité
Les gangs haïtiens ne possèdent aucune légitimité politique ou sociale, contrairement à certains groupes armés dans d’autres contextes qui se revendiquent de luttes nationalistes ou idéologiques. Leur seul objectif est de maintenir un contrôle territorial pour extorquer et exploiter. Dialoguer avec eux reviendrait à reconnaître une entité criminelle comme acteur légitime, ce qui affaiblirait encore davantage l’autorité de l’État.
b. Un contexte d’impunité
L’impunité généralisée en Haïti aggrave la situation. Négocier avec les gangs dans un tel environnement reviendrait à institutionnaliser cette culture de l’impunité. Cela enverrait également un message selon lequel la violence est un moyen efficace d’obtenir des concessions.
c. L’effet domino sur le plan local et international
Accorder des concessions aux gangs pourrait inspirer d’autres groupes criminels à adopter des tactiques similaires. Sur le plan international, cela nuirait à l’image de l’État haïtien en tant que partenaire crédible dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme.
- Le traitement des gangs criminels : leçons tirées d’ailleurs
Dans des pays ayant affronté des crises similaires, plusieurs approches ont été utilisées avec succès :
Force dissuasive : Aux Philippines et au Mexique, des opérations militaires ciblées ont été menées contre des groupes criminels. Bien que controversées, elles ont parfois permis de restaurer une certaine sécurité.
Réforme institutionnelle : En Colombie, la lutte contre les cartels a été accompagnée de réformes judiciaires et policières, garantissant que les auteurs de crimes soient jugés.
Assistance internationale : Le soutien de partenaires internationaux dans le renforcement des capacités de l’État peut jouer un rôle clé, comme ce fut le cas au Salvador avec l’aide des États-Unis dans la lutte contre les gangs MS-13.
Pour Haïti, une stratégie hybride pourrait être envisagée, combinant :
- Une action militaire ciblée pour démanteler les gangs les plus violents.
- Une réforme judiciaire pour poursuivre les complices, y compris les élites économiques et politiques qui financent ces groupes.
- Un plan social pour prévenir la radicalisation des jeunes vulnérables.
- Compromis avec les gangs : une trahison du peuple haïtien
Faire des compromis avec des groupes criminels reviendrait à trahir les populations haïtiennes, en particulier les plus vulnérables, qui sont les principales victimes des exactions des gangs. Cela minerait également les efforts pour construire un État fort et respectueux de l’État de droit.
Les gouvernements étrangers ne négocient pas avec les terroristes, non pas par obstination, mais parce qu’ils comprennent qu’aucune paix durable ne peut être construite sur des bases aussi instables. Haïti ne doit pas faire exception à cette règle.
Négocier avec les gangs équivaudrait à capituler face à la violence et à l’illégalité. Si Haïti aspire à la paix et à la justice, il est impératif d’adopter une approche ferme et cohérente pour démanteler ces réseaux criminels, restaurer l’autorité de l’État et protéger ses citoyens. Cela nécessitera des sacrifices, mais c’est le seul chemin viable pour sortir du chaos actuel.
