6 décembre 2024
La disutopie, inaptitude humaine à l’entéléchie.
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La disutopie, inaptitude humaine à l’entéléchie.

Par Camille Loty Malebranche

La disutopie, en dehors de son évocation sémantique d’utopies fantasques, insensées telles que je l’ai toujours envisagée et perçue – je vois ici cette chose fantasque, de par sa nature, hors de portée de la créativité humaine – est aussi et surtout le profil d’une posture humaine sociale voire espécielle inapte. Inaptitude qui empêche l’accomplissement, rend impossible l’entéléchie de rêves bien atteignables mais malencontreusement entravés par des vices de construction sévissant dans le mental en empoignant et en déviant l’action humaine et sociale.

La disutopie, c’est aussi cette sorte de dissipation des idées justes, jamais appliquées parce qu’ostracisées dans le faire social, alors que parfois les chartes les désignent comme boussole du bien vivre à toute société humaine digne! Une espèce de dysfonctionnement cogitationnel qui enclenche l’ensauvagement idéel et comportemental des individus – la sauvagerie n’étant pas idéologique mais naturelle animale – et souvent, la barbarie civilisationnel quand ce dysfonctionnement est idéologisé, s’érigeant culturel dans l’idéologie dominante.

Disutopie, champ de l’idéal dénaturé, dégénéré…

Ici il ne faut surtout pas confondre la disutopie, ce champ de l’idéal dénaturé avec la dystopie, qui renvoie à la fiction littéraire d’une tératogénie sociale attrayante, une monstruosité débilitante qui dévore l’idéal démocratique, le bien-être collectif sans en avoir l’air, par l’illusion instillée au mental des hommes. C’est un type de fiction souvent attribué au roman « 1984 » d’Orwell, lequel en constitue, comme le remarquent des critiques, le prototype par sa description d’« une répression si déguisée en démocratie par les loisirs et la consommation, qu’elle en devient plaisante pour ses victimes inconscientes qui n’ont guère envie de s’en libérer ». À la différence de la dystopie comme forme de fiction littéraire, la disutopie, telle que je la vois et la définis, réfère à la déroute et à l’effacement des possibles de l’humanité par la puissance négatrice et néfaste des forces du mauvais qui figent, galvaudent les grands idéaux humains et sociaux permanents, en les éclipsant pernicieusement par des stratagèmes finauds et subterfuges abortifs. Ainsi, un idéal courant comme l’égalité en droit de tous les hommes, par exemple, est interdit d’accomplissement par la privation des conditions permettant la concrète jouissance effective des desdits droits. Les forces macabres des structures mentales de l’idéologie mais aussi les forces physiques et administratives de l’État empêchent dans le cours effectif des choses, les droits à un seuil de bien-être vital de se factualiser ou de se développer au profit de l’humanité, quand on sait, par exemple, qu’en plein Los Angeles, cette ville des fortunes les plus faramineuses de milliardaires, il y a une multitude d’individus miséreux privés de logement, qui plusieurs vivent dans la rue, mangent dans les poubelles! Et qu’ailleurs l’insécurité orchestrée pour la plupart par la misère, infeste les milieux insalubres de l’extrême pauvreté avec des gangs criminels, car il sont légions je dis bien légions avec un « s » puisque ces gangs eux-mêmes sont en soi chacun une légion de malfaiteurs. La véritable équité de la vraie justice sociale, par exemple, fait figure de disutopie permanente dans un monde où l’égoïsme de classe et d’État bafoue le droit des classes défavorisées au plus moindre niveau de vie digne et de liberté effective à l’intérieur des sociétés et au plan international où à peu près les mêmes establishments oligarchiques très puissants, associés entre eux à travers une classe prédatrice mondiale, détruisent tous les possibles des masses de par le monde.

Un monde qui sabre l’élan de la vraie vie, scalpe l’ascension au véritable, substitue ses postiches de sens, ses abîmes d’absurdités à tout ce qui est profond et humain, est nécessairement fomenteur de disutopies puisqu’il fait de tout rêve atteignable, voire du nécessaire et du plus primaire des besoins qui est de vivre dans la dignité, une sorte de chimère exclue de toute possibilité entéléchique! La dignité de tous est en soi un non monde, une évanescence, une vacuité, par des forces diaboliquement disutopiques d’ostracisme social ne lui laissant aucun espace dans le faire idéologique lui privant ainsi de la plus petite place, quelque restreinte soit-elle, du plus infime domaine même le plus exigu à sa factualité effective en politique globale et surtout en macroéconomie!

La disutopie métaphysique…

La pire disutopie qui soit, car négation du rêve même d’être en conquête de son accomplissement plénier spirituel et social chez l’homme contemporain, c’est cette veulerie nihiliste de se laisser façonner par la bassesse facile de l’immédiat extrinsèque plat, sans idéal pour son être à construire! La disutopie donc métaphysique de la renonciation aux valeurs fondamentales de dépassement du nihilisme facile et défaitiste par capitulation au misérabilisme qui abdique au lieu du courage d’exiger l’ascension du soi vers la grandeur dont cette espèce porte pourtant en elle, l’intuition exaltante et la vocation forte, évidente.

La disutopie, au stade social, n’est pas juste une utopie tournée en son contraire mais la condition d’une société si dissociée des valeurs propres ou universelles exprimées, qu’elle en devient abysse du vide dans le factuel de la vie collective. Et, comme l’utopie ne s’accomplit que par la création, étant à l’inverse du rêve qui n’est que conquête de ce qui existe déjà au monde – car ainsi que je l’ai dit ailleurs, l’utopie est strictement ce qui n’existe pas encore dans le monde, étant conçu comme non pas simple idéal mais mélioratif supérieur et possible à créer – nous appelons disutopie tout ce qui contrarie la conquête du rêve, l’idéal rêvé et frustre ainsi l’humanité de la pleine jouissance de ces biens immatériels. Le militariat, par exemple, est une disutopie car à la base du militarisme et donc ennemi de fait de l’idéal de la paix planétaire.  

La vraie vie, la grandeur ontologique de l’esprit sont en nous et doivent être conquises par la conscience d’auto-accomplissement, tel l’appel à la rédemption que fait le Christ à l’humanité. Nous devons cultiver la plénitude de conscience. Conscience spirituelle et d’accomplissement. Remarquez ici que l’idéal se tient hors de l’utopie et n’est jamais que du domaine du rêve, un rêve vraiment à la portée de la conquête avec sa propension d’accessibilité, d’horizon atteignable de ce qui est éminemment souhaitable, telle la justice, la fidélité, l’amour, la rédemption…  

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

https://intellection.over-blog.com/2024/10/la-disutopie-inaptitude-humaine-a-l-entelechie.html

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