20 novembre 2025
OCNH : Enquête sur la gestion de Renan Hedouville, Protecteur du Citoyen 
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OCNH : Enquête sur la gestion de Renan Hedouville, Protecteur du Citoyen 

OCNH Publie un rapport accablant sur la Gestion de Renan Hédouville, Protecteur du Citoyen

L’Organisation Citoyenne pour une Nouvelle Haïti (OCNH) a publié un rapport critique sur la gestion de Renan Hédouville, l’actuel Protecteur du Citoyen. Ce document révèle des manquements graves et des allégations de mauvaise gestion au sein de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC), l’institution publique chargée de veiller au respect des droits humains en Haïti.

Selon l’OCNH, M. Hédouville aurait failli à sa mission en négligeant les plaintes de citoyens et en manquant de transparence dans la gestion des fonds de l’institution. Le rapport souligne un manque de rigueur dans la prise en charge des dossiers de violation des droits humains et une mauvaise gouvernance interne, qui auraient affaibli l’efficacité de l’OPC. L’OCNH demande une enquête approfondie pour examiner les finances et l’administration de l’OPC, afin de rétablir la confiance envers cette institution essentielle.

L’OCNH appelle à des réformes immédiates pour assurer une meilleure gestion et plus de transparence dans cette institution.

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RAPPORT

1. En février 2022, l’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïtien, structure de  défense des droits humains, impliquée dans le domaine du plaidoyer pour la bonne  gouvernance et contre la corruption, a été touchée par une série de dénonciations concernant des suspicions de corruption impliquant le Protecteur du Citoyen, M. Renan  HEDOUVILLE. Ce dernier a été installé à la tête de l’Office de la Protection du Citoyen 

le 31 octobre 2017 pour un mandat de sept (7) ans non renouvelable conformément à  l’article 207 de la Constitution de 1987. La loi organique du 3 mai 2012 en ses articles 8,  9, 10, 11, 12, 14, 15, 16 prévoient les modalités de nomination du Protecteur du Citoyen.  

2. En effet, après avoir pris connaissance des dénonciations dans plusieurs médias, le 21  mars 2023, l’OCNH a adressé une correspondance à Monsieur Hans Jacques Ludwig  JOSEPH, Directeur Général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) pour  solliciter l’ouverture d’une enquête afin de faire la lumière autour sur la situation du  Protecteur du Citoyen dont son nom a été cité dans des actes de corruption. N’ayant pas  trouvé aucune information sur sa recommandation, le 16 octobre 2023, l’OCNH s’est  adressée une nouvelle fois au Directeur Général de l’ULCC en vue de s’enquérir de l’état  d’avancement de l’enquête. Cependant, aucune information n’a été communiquée à  l’organisation sur cette affaire. 

3. Au niveau de l’OPC, l’institution n’a produit aucune communication pour que toute la  lumière soit faite dans ce scandale et dissiper tout doute. Malheureusement, au lieu  d’apporter des clarifications, en mars 2023, le Protecteur du Citoyen, a publié une note de  presse titrée : « Quant des kidnappeurs armés de micros utilisent les médias pour faire  leur sale besogne ». Pour des journalistes et des organisations de défense des droits  humains, ce comportement anti démocratique a été considéré comme une atteinte grave à  la liberté de la presse et à la liberté d’expression.  

4. Ainsi, face à la persistance des informations sur les suspicions et allégations de  corruption concernant le Protecteur du Citoyen, étant donné que l’Unité de Lutte Contre  la Corruption n’a donné aucune suite, l’Organisation des Citoyens pour une nouvelle  Haïti a décidé de diligenter une enquête sur la véracité de tels faits. 

A. Présentation de l’Office de la Protection du Citoyen 

5. Créé par la Constitution de 1987, en ses articles 207 et suivants, l’Office de la Protection  du Citoyen est un organisme indépendant chargé de protéger tout individu contre toutes  les formes d’abus de l’administration publique. Il est dirigé par un citoyen ou une  citoyenne portant le titre de Protecteur du Citoyen, nommé pour un mandat de sept (7)  

non renouvelable sur la base d’un consensus entre le Président de la République, le  Président du Sénat et le Président de la Chambre des Députés. La loi du 3 mai 2012 vient  préciser les modalités de nomination, les attributions et les pouvoirs de l’institution avec  un double statut à la fois de médiateur et défenseur des droits humains. Cette précision de  la loi rend l’institution conforme avec les exigences internationales de fonctionnement  des institutions nationales des droits de l’homme évoluant à l’échelle internationale.  Selon la loi, l’OPC n’est pas une institution de dénonciation mais un organe de médiation  appelé à concilier les forces vives du pays face aux éventuels conflits. L’institution  dispose de pouvoirs adéquats pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur tout ce qui  concerne les violations de droits humains et le dysfonctionnement des organes de l’Etat.  

B. Méthodologie de l’enquête 

6. Après avoir pris connaissance de la nature des dénonciations de corruption portant sur  d’éventuels actes de népotisme, de népotisme, du clientélisme et de mauvaise gestion, l’OCNH a décidé de diriger son enquête particulièrement vers des institutions étatiques  (Ministère de l’Economie et des Finances, le Ministère des Affaires Etrangères, la  Direction de l’Immigration et de l’Emigration). L’Organisation a également échangé avec  trois catégories d’employés de l’OPC (employés révoqués, démissionnés et en poste). 

Des partenaires techniques et financiers ont été consultés. Pour des raisons de  confidentialité et de sécurité, l’Organisation n’entend pas révéler l’identité des  personnalités auditionnées. L’organisation a également effectué des recherches sur les  publications de l’OPC.  

C. Sur la question de l’instrumentalisation de l’OPC 

7. En 2021, après l’assassinat du Président Jovenel MOISE, le Protecteur du Citoyen a  organisé plusieurs conférences de presse pour exiger la démission de l’ex-Premier  Ministre Ariel HENRY pour son implication présumée dans ce crime. Il avait même  sollicité l’entraide judiciaire. Dans une note publiée le 11 septembre 2021, l’institution a  non seulement exigé la démission du Premier Ministre mais également a demandé à la  communauté internationale d’éviter d’appuyer ce dernier considéré comme l’un des  suspects suivant les relevés téléphoniques qui confirment ses échanges avec des présumés  auteurs au moment du crime. Les prises de positions du Protecteur ont soulevé des  controverses sur sa motivation par rapport à la mission de l’institution qui doit en temps  observer la neutralité.  

8. Le 23 juin 2022, le Premier Ministre Ariel HENRY a effectué une visite à l’OPC. Ce  dernier a déclaré à la presse le message suivant : Il est impératif que les haïtiens  travaillent ensemble pour réconcilier les segments de notre société qui est divisée

L’OCNH a observé que depuis cette visite, le Protecteur n’a publié aucune position  contre Ariel HENRY en dépit des violations graves de droits humains documentées et  soulevées par les diverses organisations de défense des droits humains.  

9. Des sources au niveau des anciens collaborateurs de la Primature confirment qu’en plus  de l’augmentation de son enveloppe budgétaire, la Primature a ordonné que soient  octroyées à l’OPC plusieurs subventions. La même source rapporte que le Protecteur  avait sollicité un financement pour le réaménagement d’un espace au sein de l’institution.  Ayant bien compris la motivation, la Primature n’a pas donné suite favorable et a  demandé au Protecteur de réaliser ce projet dans son budget. 

10. Après cette réponse défavorable, le Protecteur a repris sa bataille contre Ariel HENRY.  C’est ainsi qu’en juillet 2023, le Protecteur a exprimé ses inquiétudes concernant la  lenteur enregistrée dans le dossier du Président Jovenel MOISE. Entre fin janvier et  février 2024, le Protecteur a pris des postions drastiques démesurées contre l’ex PM.  

D. La gestion des projets 

11. Plusieurs bailleurs de fonds financent des activités de l’OPC. Sur la liste des bailleurs,  l’OCNH est en mesure de noter : Programme des Nations-Unies pour le Développement  (PNUD), Fonds des Nations-Unies pour l’Enfance (UNICEF), ONUFEMES, Agence  Française de Développement (AFD), Haut-commissariat aux Droits de l’Homme  (HCDH), Haut-commissariat aux Réfugiés, Avocats Sans Frontières Canada (ASFC).  Certains de ces partenaires financement directement les activités et ne donnent pas la  gestion des fonds à l’OPC. 

12. C’est le cas pour les Agences suivantes : HCDH, PNUD, HCR. Dans les autres cas, les  fonds sont transférés à l’OPC. L’enquête de l’OCNH a conclu qu’il existe de graves  irrégularités au niveau des dépenses. A titre d’exemple, Avocats sans Frontières Canada a  suspendu sa collaboration avec l’OPC. Ce bailleur avait exigé la restitution des fonds.  Absence de pièces justificatives et dépenses hors normes ont été les principales raisons.  Les contrats des agents de terrain sur ce projet, environ, une dizaine, n’ont pas été  renouvelés faute de financement.  

13. Avec ONUFEMMES, l’OPC a déjà reçu trois financements pour des actions sur  l’autonomisation des femmes, les violences basées sur le genre, la santé mentale. Le  projet en cours d’exécution est géré par l’institution pour le compte d’une autre  organisation intervenant sur le leadership féminin. Il est rapporté que des membres de la  famille du Protecteur ainsi que ses proches gagnent des avantages sur les projets. 

14. L’OCNH confirme les personnes suivantes : Régine HEDOUVILLE, Directrice du  Cabinet de son Père et son conjoint, Coordonnateur de l’Unité informatique et des  technologies, Eliakim CANGE, Coordonnateur des Recherches-beau-frère du Protecteur,  David Simplice, Chef des Services généraux et logistiques et sa sœur Juliana SIMPLICE,  Directrice des Affaires Administratives, Mimose Moyard-Sœur de la Directrice Générale,  Yolande MOYARD reçoivent des indemnités sur les projets. Pour ce qui concerne  Mimose MOYARD, elle avait coordonné un projet sur la justice des mineurs financé par  l’UNICEF.  

15. De graves irrégularités sont révélées sur la fourniture des biens et services dans le cadre  des projets. Des entreprises des proches du Protecteur accaparent tout ce qui concerne  l’acquisition des matériels et fournitures de bureau, des matériels informatiques et  d’autres biens de consommation. L’OCNH fournira plus de détails aux instances  administratives et judiciaires concernées. 

E. Les voyages à l’extérieur  

16. Les investigations menées auprès des instances concernées révèlent que le Protecteur du  Citoyen a sollicité, depuis son accession, l’émission de plus de quinze passeports officiels  afin de faciliter les voyages des membres de sa famille et ses proches. Des anciens cadres  n’ont pas eu la chance d’effectuer un voyage d’études. Ceux qui le font sont obligés de se  recourir à des ressources personnelles. Pourtant, les noms des membres de la famille du  Protecteur figurent sur tous les voyages officiels et professionnels. C’est le cas de Régine  HEDOUVILLE et son époux, de Minose MOYARD et de sa sœur, Yolande MOYARD.  

17. L’OCNH prend acte que plusieurs voyages ont été planifiés mais non effectués. Des  chèques de perdiem et de billets d’avion ont été émis non retournés au trésor public. Les  transactions pour les billets d’avion sont effectuées avec une seule agence de la place. A  titre d’exemple, en septembre 2022, quatre (4) personnes devraient voyager à Genève 

Suisse (Mimose MOYARD, Yolande MOYARD, Tex LOUIS-Régine HEDOUVILLE,).  A la grande surprise, seules les deux sœurs ont laissé le pays pour participer à une  formation sur l’examen périodique universel, une question si importante et stratégique  pour le pays. Plus récemment, deux voyages ont été planifiés. Les chèques de perdiem et  de billets d’avion ont été émis mais, certains bénéficiaires n’ont pas fait le déplacement.  

18. Il y a lieu de souligner que l’organisation est informée que malgré la disponibilité des  fonds, en 2023, le Protecteur avait refusé d’appuyer financièrement la participation de quatre (4) cadres de l’institution à des sessions de formation respectivement au Canada et  aux Etats-Unis dans le cadre du programme de formation sur l’éducation aux droits  humains et à la formation sur le Management et de Développement International.  

F. La question de recrutement et l’octroi des promotions 

19. Le décret du 17 mai 2005 portant révision du statut général de la fonction publique établit  les conditions de nomination dans la fonction publique et les différentes étapes à franchir  pour bénéficier d’une promotion et accéder à des postes de décision (Chef de service,  directeur technique, coordonnateur). Malheureusement, au niveau de l’OPC tout se fait en  dehors de la loi. Certaines personnes sont nommées à des postes stratégiques tandis qu’il  s’agit de leurs premières expériences de travail tant dans la fonction publique que dans le  secteur privé.  

20. Des échanges avec des cadres victimes des inégalités révèlent que la Directrice Générale,  en plus de sa sœur qui occupe le poste de Coordonnatrice des affaires sociales, a fait  nommer son frère, Olson MOYARD. Ce dernier a bénéficié en moins d’une année de  deux (2) promotions sous l’influence de sa sœur. Il est actuellement placé au rang de chef  de service. De plus, la fiancée de monsieur Olson MOYARD a été nommée comme  secrétaire, attachée à la Direction Générale. Il est également confirmé que deux jeunes  femmes affectées jusqu’à date aux tâches de ménagères ont été promues secrétaires  réceptionnistes.  

21. D’autres regroupements familiaux, proches du Protecteur sont nommés à l’OPC. Ils sont  constitués de frères et sœurs. La sœur de Tex LOUIS, beau-fils du Protecteur a été  nommée secrétaire de direction.  

G. Absence de la Directrice Générale 

22. La Directrice Générale de l’OPC a laissé le pays en octobre 2023 sous prétexte qu’elle  voyagerait pour des raisons médicales. Dans la réalité, elle réside au Canada avec sa  famille. Elle est revenue en Haïti respectivement en décembre 2023 pour participer à la  cérémonie de clôture de la 7ème édition du concours de droits humains organisé par  l’institution. Elle était de retour en août 2024 pour le lancement d’une autre édition du  concours. Après environ deux (2) semaines, sa présence n’a pas été remarquée au bureau.  

H. L’obligation de rapportage 

23. Chaque année, l’OPC devrait publier un rapport annuel de ses activités et sur la situation  générale des droits humains. A date, les organisations de défense des droits humains, les  partenaires internationaux et la presse ont eu connaissance d’un seul rapport, celui de 2018. Cependant, l’OCNH admet que l’OPC a publié plusieurs rapports thématiques et  communiqués de presse.  

I. La réalisation du concours sur les droits humains 

24. Le Protecteur s’apprête à clôturer la 8ème édition du concours sur les droits humains. Cette  initiative importante est supportée par plusieurs partenaires internationaux. Le trésor  public pendant plusieurs années a financé également cette activité. Toutefois, sur la base  des suspicions rapportées, il y aurait des cas de duplication et de détournement de fonds.  De ce fait, une enquête approfondie pourrait déterminer les causes d’un éventuel cas de  corruption.  

J. Sur la fin du mandat du Protecteur 

25. La Constitution de 1987, en son article 207 et suivant, donne au Protecteur un mandat  de sept (7) ans non renouvelable, L’article 8.2 de la loi du 3 mai 2012 précise qu’il est  nommé par arrêté du Président de la République. L’article 8.3 précise que nonobstant  l’expiration de son mandat, il reste en post jusqu’à la nomination de son successeur.  

26. L’OCNH rappelle que M. Renan HEDOUVILLE a été installé dans ses fonctions le 31  octobre 2017, cela signifie que son mandat est arrivé à terme le 31 octobre 2024. Le  mandat du Protecteur Adjoint, Amoce AUGUSTE, est également arrivé à terme en  septembre 2024.  

27. A date, l’OCNH n’est pas en mesure de confirmer si le Protecteur a transmis son dossier  au Conseil Présidentiel vu que son mandat est renouvelable pour quatre (4) ans selon la  loi de l’OPC.  

28. Les dispositions de l’article 10 de la loi organique de l’OPC prévoient un appel à  candidature qui devra être lancé par les deux chambres du Parlement. Malheureusement,  le pouvoir législatif n’existe pas. Sur ces considérations d’ordre juridique, l’OCNH a  appris que le Protecteur maintient par devant des instances internationales qu’il  partirait après le rétablissement du Parlement.  

29. En conclusion l’OCNH estime que les faits évoqués dans ce rapport constituent des actes  de tournement de biens publics, d’abus de fonction, de surfacturation, de trafic  d’influence, de népotisme, de favoritisme, de prise illicite d’intérêts, d’abus de biens  sociaux, d’abus de fonction passibles de poursuites par devant les instances judiciaires  compétentes suivant la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la  corruption. L’OCNH regrette que de telles pratiques soient instituées par une structure appelée au premier rang à combattre la corruption qui constitue une barrière à la  jouissance des droits de l’homme.  

30. Par conséquent, à la lumière des faits avérés de corruption et d’instrumentalisation de  l’institution l’OCNH croit que des mesures urgentes doivent être adoptées et adressées  les recommandations suivantes :  

1. Au Conseil Présidentiel de la Transition de : 

– Constater la fin du mandat du Protecteur, Renan HEDOUVILLE et nommer une  personnalité chargée d’assurer l’intérima en concertation avec les organisations de  défense des droits humains ; 

– Ordonner l’ouverture d’une enquête approfondie par l’ULCC 

– Prendre des dispositions immédiates afin d’éviter une instabilité au sein de l’OPC  selon le principe de la continuité de l’Etat ; 

2. Aux partenaires techniques et financiers de

– Surseoir à l’exécution des supports financiers à l’OPC en attendant une décision de  redressement de la situation 

3. A la cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) de : 

-Procéder sans délai à un audit sur la gestion des sept (7) ans de monsieur Renan  HEDOUVILLE

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