Hercule prend tous les Haïtiens pour des canards sauvages. Qu’est devenu le Conseil de sécurité prévu par l’accord du 3 avril 2024 ?
L’évolution de la situation sécuritaire en Haïti, marquée par des annonces répétées et opaques du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), questionne fondamentalement la cohérence de la politique gouvernementale. Dans son dernier communiqué de presse, Me Carlos Hercule évoque l’implication d’une entreprise internationale, le Groupe Studebaker, dans la formation tactique avancée des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Cependant, ce discours officiel pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
Le manque apparent de coordination entre les différentes institutions impliquées dans la gestion de la sécurité intérieure et l’implication potentielle d’acteurs étrangers dans des missions de formation avancée alimentent un climat de méfiance. Pourquoi le Conseil Presidentiel de la Transition (CPT) et la Cour des Comptes n’ont-ils apparemment pas connaissance de ces accords ? S’agit-il d’un manque de transparence ou d’une volonté délibérée de contourner les mécanismes de contrôle établis ?
En même temps, l’initiative de Garry Conille de demander l’intervention de 600 soldats kenyans complique encore l’interprétation des stratégies de sécurité adoptées. Ce recours accru à des forces extérieures, sans consultation ni approbation visible des organes de régulation nationaux, est susceptible d’être perçu comme un signe de faiblesse institutionnelle ou, pire encore, comme un transfert de souveraineté à des acteurs non étatiques. Cette hypothèse est renforcée par l’annonce de la formation de troupes en Martinique, sous l’égide de la France, qui, bien que visant un renforcement régional, laisse planer des doutes sur l’indépendance réelle des décisions prises par le gouvernement haïtien.
Les annonces du MJSP et de Carlos Hercule, aux formulations similaires et aux détails limités, appellent également des critiques quant à leur effet concret. Les Haïtiens ont besoin de réponses et de preuves concrètes que ces initiatives auront un impact positif et mesurable sur la sécurité et le bien-être du pays. A défaut, ces initiatives risquent de renforcer l’impression d’une gouvernance plus soucieuse d’actions symboliques que de solutions durables.
Le financement de ces collaborations, leur portée réelle et les implications pour la souveraineté nationale sont autant de questions qui demeurent en suspens. Le manque de clarté sur l’origine des fonds utilisés et sur la manière dont ces contrats sont exécutés entraîne des inquiétudes justifiées quant à l’intégrité du processus. La Cour des Comptes a-t-elle été consultée pour s’assurer que ces fonds sont alloués de manière appropriée et en conformité avec les normes internationales ?
Le peuple haïtien, déjà en proie à une insécurité galopante et à la méfiance de ses dirigeants, exige des explications précises et une action transparente. Une gouvernance effective ne peut se contenter de communiqués répétitifs, elle doit s’accompagner de preuves de mise en œuvre et de résultats mesurables. Les agents de l’État doivent comprendre que la sécurité nationale ne peut être solidement assurée que si elle repose sur la confiance des citoyens et sur des institutions solides et transparentes. Dans le cas contraire, l’intervention de forces étrangères et les programmes de formation internationaux ne constitueront que des rallonges provisoires à un problème plus profond qui n’a pas encore été résolu.


