Haïti – Garry Conille agit-il en solo, courant le risque d’un État dans l’État avec ses propres gardes privés payés par le fisc ?
Alors que Dr Garry Conille continue de prôner le consensus tèt kòk pye pentad pour un référendum constitutionnel interdit, projet critiqué pour son caractère contradictoire et inconstitutionnel, il est lui-même aujourd’hui sous les feux de la rampe pour des actions nettement moins consensuelles. La question qui se pose est la suivante : M. Conille est-il devenu le maître incontesté des décisions relatives à la sécurité du pays, au-delà même des procédures nationales et internationales ? Comment interpréter sa démarche, alors que la présence de « groupes armés privés » – à la manière de barbecue – contredit clairement la nature même de l’Etat et ses obligations envers ses fonctionnaires et le peuple haïtien livré à lui-même ?
L’inquiétude grandit quant à la possible réapparition de mercenaires sur le sol haïtien. Faut-il rappeler les récents incidents impliquant des mercenaires colombiens, dont la présence en Haïti a suscité un tel émoi international qu’ils ont même été rendus responsables de l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moise ? Aujourd’hui, la perspective de voir des étrangers armés opérer dans le pays sous l’influence de Garry Conille, suite à une déclaration du Ministre de la Justice, M. Carlos Hercule, évoquant une tentative d’assassinat contre ce dernier, ravive les inquiétudes. En effet, à juste titre, on peut se demander si la présence de cette force privée n’est pas une réponse personnelle du Premier Ministre à une menace perçue, une tentative de consolider son pouvoir sous le prétexte de la sécurité nationale.
La correspondance du 29 octobre 2024, adressée par le Secrétariat Général de la Présidence au Secrétaire Général de la Primature, dévoile toute la complexité de l’utilisation d’une compagnie privée pour des tâches de sécurité publique sous la responsabilité du Premier Ministre Garry Conille. Ce développement, qui fait suite à une instruction formelle du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), fait ressortir des questions majeures sur la gouvernance, la souveraineté et les responsabilités de l’Etat haïtien.
Légitimité et opacité : Des acteurs privés dans un domaine régalien
En Haïti, la sécurité publique est une prérogative intrinsèque de l’État. Cependant, cette correspondance fait émerger le risque qu’une entité privée prenne part à des tâches habituellement réservées à la force publique. Une telle délégation de pouvoir, sans consultation publique ni communication formelle au CPT, risque de compromettre l’image et la complémentarité des institutions haïtiennes. Les questions qui se posent sont donc les suivantes : dans quelle mesure cette décision du Premier ministre peut-elle être justifiée ? Et surtout, quelle est la nature exacte de la mission de cette société privée, censée avoir été mise en place pour répondre à une crise sécuritaire, mais dont les intentions et le mandat restent flous ?
Souveraineté compromise : Vers une privatisation de la sécurité ?
L’intervention de cette société privée, couplée aux soupçons de mercenariat, permet de poser une question essentielle de souveraineté. En choisissant de confier des responsabilités sensibles à des acteurs étrangers, Garry Conille crée un précédent inquiétant, où la sécurité de l’État tend à être progressivement privatisée. Les histoires récentes de mercenariat en Haïti, impliquant notamment des mercenaires étrangers, rappellent les dangers de cette pratique qui porte atteinte à l’intégrité de l’Etat et érode la confiance des citoyens. La présence de cette société pourrait-elle également être perçue comme un outil d’intimidation politique ou de protection personnelle du Premier ministre ?
La comparution de Garry Conille devant le CPT caractérise ainsi une étape importante dans le suivi de ses initiatives. En requérant la transmission de tous les documents relatifs à la correspondance et aux protocoles liés à cette société privée, le CPT souhaite manifestement lever le voile sur une stratégie qui, jusqu’à présent, se tramait dans les coulisses. Cette exigence démontre l’impérieuse nécessité de transparence dans les décisions de l’exécutif, en particulier lorsqu’elles touchent à des domaines aussi sensibles que la sécurité nationale. En agissant de manière autonome, Garry Conille, Nesmy Manigat et autres pontes tèt Kale neo-duvaliéristes semblent défier les attentes en matière de gouvernance partagée et de responsabilité, essentielles dans une période de transition politique sans lendemain.
Le risque d’un État dans l’État : un Premier ministre en désaccord avec le gouvernement central ?
L’analyse de cette communication dévoile une tension palpable entre le Premier ministre et d’autres autorités – ki gen menm Mèt -, notamment le CPT. En recourant à des acteurs privés pour des fonctions régaliennes, Garry Conille agit, semble-t-il, en dehors des structures classiques de gouvernance, créant ainsi une dynamique potentiellement délétère pour l’unité de l’Etat. La question qui se pose est de savoir si cette initiative, motivée par une volonté de réformer le système de sécurité, ne cache pas en réalité une prise de pouvoir accrue et une volonté de s’affranchir des organes de contrôle et de surveillance.
La réunion prévue le 30 octobre 2024 à la Villa d’Accueil pourrait être un moment de clarification ou, au contraire, d’approfondissement de la crise institutionnelle. Si le Premier ministre répond favorablement à la convocation et fournit les explications attendues, cela pourrait rétablir une certaine confiance dans les processus de gouvernance. En revanche, un refus ou une justification insuffisante renforcerait l’image d’un dirigeant agissant en fonction de ses propres intérêts, au détriment de la transparence et de la légitimité de l’État.
Comment la République d’Haïti peut-elle faire face aux actions de Garry Conille ?
La correspondance officielle adressée à Garry Conille projette une lumière crue sur les enjeux de gouvernance auxquels Haïti est exposé. En invitant le Premier ministre à justifier l’implication d’une entreprise privée dans des affaires de sécurité publique, le CPT pose une limite à un pouvoir qui tend à échapper aux canaux institutionnels habituels. Cette situation, qui pourrait être interprétée comme un abus de pouvoir, renforce l’importance d’un retour à une gouvernance partagée et responsable.
Le cas de Garry Conille pourrait bien être symptomatique d’un mal plus profond au sein de l’Etat haïtien : la tentation pour les dirigeants de s’émanciper des structures démocratiques pour agir unilatéralement. Les prochains jours diront si cette convocation marque un retour à l’ordre institutionnel ou, au contraire, l’avènement d’un nouveau type de pouvoir, où la sécurité publique et les prérogatives de l’Etat risquent de devenir des outils de manipulation politique.
cba