Par Patrick Prézeau Stephenson
Cette semaine, Haïti fait face à l’un des moments les plus tendus de son histoire récente, alors que l’instabilité politique et la montée de l’insécurité atteignent des niveaux alarmants. La capitale, Port-au-Prince, est en proie à des violences incontrôlées, et les gangs armés gagnent du terrain à Solino, où ils contrôlent aujourd’hui près de 80 % du quartier. Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le Premier ministre Garry Conille doivent se rencontrer ce mardi 29 octobre 2024, dans un contexte de crise politique aiguë[1]. Cette rencontre pourrait déterminer le futur de la gouvernance et de la sécurité en Haïti, mais l’incertitude persiste quant à ses résultats et à l’efficacité de ce dialogue de dernière chance.
Un Gouvernance Instable et Fragmentée
Le CPT, en charge de piloter cette transition, est lui-même embourbé dans des luttes de pouvoir internes. Des rumeurs circulent sur un éventuel remaniement ministeriel, soutenu par certains conseillers-présidents du CPT. Toutefois, la Primature dément fermement que le Premier ministre Conille ait approuvé cette idée[1]. Ce remaniement, même hypothétique, exacerbe les tensions et révèle les divisions au sein de l’appareil d’État. Les représentants de différents secteurs, ayant initialement soutenu le gouvernement de transition, sont aujourd’hui en désaccord avec plusieurs politiques menées, tout en cherchant paradoxalement à accroître leur influence par des nominations et des contrats.
Cette instabilité révèle les failles profondes de la gouvernance actuelle : un système où les intérêts personnels semblent souvent surpasser les priorités nationales. Selon des sources bien informées, un secteur aurait même demandé à son ministre de démissionner tout en exigeant la signature de plus de 200 contrats pour des proches, soulignant une culture de favoritisme et de clientélisme qui gangrène les institutions[1]. Les décisions prises cette semaine, qu’il s’agisse d’un remaniement ou d’un renouvellement des alliances, joueront un rôle crucial dans la capacité de l’État à ramener la stabilité et à rétablir l’ordre dans la capitale.
Solino : Symbole d’une Capitale à Feu et à Sang
La situation sécuritaire est particulièrement critique à Solino, où les gangs terroristes sont désormais maîtres de 80 % du territoire. Ce quartier, autrefois un centre de vie sociale et économique, est aujourd’hui devenu un symbole du déclin sécuritaire. La violence gangrène non seulement Solino, mais aussi d’autres zones de la capitale, jetant une ombre sur l’efficacité des autorités et leur capacité à rétablir un semblant de normalité. Les gangs agissent en toute impunité, avec des armes lourdes et des moyens de communication sophistiqués, défiant l’autorité de l’État et semant la terreur parmi les habitants.
La progression des gangs à Port-au-Prince souligne les limites de l’intervention policière et l’absence de stratégie globale pour contenir ces groupes armés. À chaque jour qui passe, l’absence de réaction concrète des autorités renforce le sentiment d’abandon au sein de la population. Si le gouvernement ne parvient pas à regagner le contrôle des quartiers occupés, cette insécurité pourrait bientôt menacer le cœur même de l’administration étatique.
Le Soutien Fragile et Changeant des Secteurs Clés
Malgré ces tensions, plusieurs secteurs clés du pays apportent leur soutien au Premier ministre Garry Conille, y compris ceux avec lesquels il avait récemment des divergences. Cette alliance temporaire pourrait refléter la volonté de sauver ce qui peut encore l’être au sein du gouvernement de transition. Cependant, il est à noter que ce soutien est souvent conditionnel, et certains acteurs politiques pourraient le retirer à la première occasion si leurs intérêts ne sont pas satisfaits.
Cette fragilité des alliances politiques démontre une fois de plus la difficulté de construire un gouvernement de transition stable dans un contexte où chaque secteur et chaque acteur politique poursuit ses propres objectifs. La loyauté envers le projet de transition semble céder la place à des calculs d’intérêts individuels, mettant en péril toute chance de réforme structurelle et de rétablissement de la sécurité.
L’Intérêt Personnel au Détriment de l’Intérêt National
Dans ce contexte complexe, il est de plus en plus évident que les intérêts personnels des dirigeants prennent le pas sur l’intérêt collectif. La classe politique haïtienne, au lieu de chercher des solutions concrètes pour lutter contre l’insécurité et restaurer la confiance publique, se laisse entraîner dans des jeux de pouvoir égoïstes. Cette dynamique alimente une spirale de désillusion au sein de la population, qui voit ses leaders incapables de transcender leurs rivalités pour le bien commun.
Les demandes incessantes de contrats, de nominations et d’autres privilèges, même au cœur de la crise actuelle, illustrent cette soif insatiable de gains personnels. Ce qui pourrait être une opportunité de renouvellement pour Haïti devient ainsi une nouvelle scène de rivalités stériles. La population, elle, observe avec amertume les conflits internes et les compromissions qui minent tout espoir de réforme durable.
Un Futur Incertain
L’avenir d’Haïti est suspendu aux décisions qui seront prises cette semaine. La réunion entre le CPT et Garry Conille représente un moment clé : le début d’une refondation de l’autorité publique ou un approfondissement du chaos. Si le remaniement est décidé, il devra être accompagné de garanties solides pour éviter que cette crise politique ne débouche sur une instabilité prolongée.
La population haïtienne mérite mieux que des querelles partisanes et des compromis douteux. Dans un contexte où la sécurité nationale est menacée, les dirigeants doivent impérativement se recentrer sur les priorités urgentes : restaurer la sécurité, stabiliser les institutions et offrir une perspective d’avenir à la nation.
En conclusion, la semaine qui s’annonce pourrait marquer un tournant décisif pour Haïti, qu’il s’agisse de rétablir l’ordre public ou de confirmer la faiblesse chronique des institutions. Le défi reste immense, mais la pression populaire et la montée de l’insécurité pourraient bien forcer les dirigeants à agir dans l’intérêt du pays.
Références
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