Dans une claire obscurité, le rapport de l’ULCC est sorti comme un éclair fulgurant dans une vaste tornade de ténèbres qui obstrue la vue vers une sortie de la caverne. Point besoin de la lampe de Diogène pour faire jaillir la lumière tant attendue pour éteindre l’élan mesquin de ces conseillers présidentiels et de leurs partis politiques ravisseurs. Les investigations de l’ULCC mettent en lumière des comportements graves de ces trois membres du CPT épinglés de corruption par l’ancien président de la BNC. Le rapport de l’ULCC conclue que des poursuites judiciaires doivent être engagées contre les trois anciens conseillers présidentiels Smith Augustin, Emmanuel Vertillaire, Louis G. Gilles et deux autres cadres : Raoul Pierre-Louis et Lonick Léandre, impliqués dans des malversations financières contre la BNC. Les trois hauts dignitaires indignes de ce conseil de la présidence avaient manigancé un braquage contre la BNC. Ainsi, leur éviction du CPT devrait être effectuée rapido-presto.
Selon l’accord politique du 4 avril 2024 qui recommande une gouvernance axée sur trois instances dont le conseil présidentiel, la primature et un organe de contrôle et de l’action gouvernementale, Haïti devait entrer dans une transition pacifique et ordonnée jusqu’au 7 février 2026. La mission principale de cette transition devait s’articuler autour de trois projets d’envergure : assurer la sécurité, entreprendre la réforme constitutionnelle et institutionnelle et organiser des élections. Nulle part dans la mission du CPT – évidemment – des négociations souterraines ne devaient s’engager avec des hauts fonctionnaires de l’État.
Certes, le vide institutionnel abyssal laissé par les précédents dirigeants myopes nécessitait un large consensus pour sortir le pays de ce labyrinthe politique. Par contre, l’esprit de discernement requiert également que la relève politique s’assure avec un sens de responsabilité poussé. C’est à un moment d’une extrême urgence d’une gestion austère des ressources financières du pays que des figures politiques ont été octroyées l’opportunité de se refaire une santé économique. La décision insensée d’une présidence à neuf têtes exigeant une ligne budgétaire aussi coûteuse ne visait qu’à satisfaire de manière singulière des egos au pluriel.
Un CPT truffé de vices de fond et de forme
Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) accouché dans ce contexte politique cacophonique, souffrait de sérieux et de légitimité. Sans surprise, c’était sur fond de scandales que cette première structure de la transition a été montée. En effet, le montage de cette entité faisait l’objet d’un ensemble de choix mosaïques qui impliquent des acteurs de tout horizon, incluant des politiciens sans conviction. Les rares bons grains comme les ivraies issus des accords par-ci et par-là avaient le privilège de se faire représenter à ce conseil. « Jwèt Manje Tè ! ». En effet, le fait de rechercher un consensus ne signifie pas que l’on doive inclure des individus explicitement et implicitement indexés dans des crimes odieux.
En plus des turbulences dès sa création qui hypothéquaient sa notoriété et sa légitimité, le CPT s’était mis d’accord sur un jeu puéril d’une présidence tournante. Cette décision « ôte-toi que je m’y mette » a été motivée par le désir de satisfaire la mégalomanie de certains qui hallucinaient de voir leurs noms ou ceux de leurs amis calligraphiés dans les annales des présidents d’Haïti. Ainsi, après Edgard Leblanc, ce jeu ridicule d’une chaise présidentielle musicale entre les membres pour se coiffer coordonnateur du CPT devait compter à tour de rôle des relèves de la coordination du CPT. Smith Augustin, Emmanuel Vertillaire et Louis G. Gilles figuraient aussi parmi les potentiels substituts à cette position honorifique qui leur donneraient droit de représenter le pays sur la scène locale et internationale. À date, la rotation présidentielle devient une équation politique insoluble.
Malheureusement pour ces nominés et heureusement pour d’autres personnalités politiques qui aiment nager dans les eaux troubles, ces trois membres du CPT ont été éclaboussés dans un grand scandale d’abus de pouvoir, de pots de vin et de corruption passive à l’égard du président du conseil de la Banque nationale de crédit. De manière limpide, le dernier rapport de l’ULCC suggère qu’il est nécessaire d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre de ces trois membres du CPT accusés à juste-titre de corruption et d’abus de pouvoir par l’ancien président de la BNC.
Le voile est levé, la nation est sortie du scepticisme. En conséquence, l’écharpe présidentielle transitionnelle ne sera pas passée à ces trois hommes corrompus qui rêvaient de trôner à la première magistrature du pays. Leur destitution étant évidente. Cependant, une question demeure : faudrait-il les remplacer après leur révocation ?
Congédier puis remplacer ? Non !
Les quatre premiers mois d’existence de ce CPT ont déjà témoigné que c’était une absurdité de concevoir un conseil présidentiel avec autant de membres venus d’horizons politiques divers. Primo, la valeur ajoutée de ce groupe hétérogène en termes de courant politique mais homogène dans les pratiques de corruption est socialement insignifiante. Secundo, ce conseil multi-tête est amplement budgétivore alors que la nation vit des difficultés économiques extrêmes. En témoignent les six années consécutives d’une croissance économique négative, il faut de la discipline dans la gestion de la chose publique. Tercio, un plus grand nombre de conseillers présidentiels autorisés à recommander des nominations à des ministères et à des directions générales accroît la probabilité de corruption.
Alors que la corruption a constitué l’un des plus grands fléaux du pays, Haïti n’a toujours pas mis en œuvre des stratégies efficaces pour dissuader aux pratiques de corruption. L’impunité continue de pavaner confortablement dans les couloirs de l’Administration publique, dans une fière allure. En dépit des suspicions, des accusations de malversations ainsi que des sanctions internationales dont ils sont l’objet, des suivis n’ont pas été assurés pour punir de véreux corrompus. En plus d’une décision rationnelle de diminuer des dépenses inutiles de l’État, une expulsion radicale de ces représentants du CPT est aussi un carton rouge bien mérité à ces partis politiques qui les avaient désignés.
Certains dirigeants politiques impliqués dans des crimes avaient même eu le privilège de prendre part activement à la désignation des membres du CPT et du gouvernement. Par exemple, l’histoire aura recensé un ensemble de patronymes bibliques nobles dont Emmanuel, Moïse, Joseph, Abraham, etc. qui sont pourtant des noms politiques ignobles calligraphiés présidents ou premiers ministres en Haïti. Par la bénédiction de la CARICOM, des bandits d’hier ont reçu le privilège de choisir leurs propres présidents au CPT. Ce serait réitérer une grave bêtise d’accorder à des Moïse, des Joseph et des Michel de désigner de nouveaux représentants pour venir saboter davantage l’image du pays.
D’ailleurs, puisque ces mêmes chefs de partis politiques qui ont désigné leurs représentants au CPT vont concourir aux élections, on y perçoit des vices de forme et de fond. C’est le temps de corriger de telles erreurs flagrantes. Ce CPT à neuf têtes donnait déjà des maux de tête aux citoyens sains d’esprit qui y percevaient des échecs de coordination à un stade embryonnaire. Par cette latitude de pouvoir désigner de hauts fonctionnaires dont ministres et directeurs généraux, des critiques y prévoyaient une opportunité d’enrichissement illicite à travers des pots de vin. Dépourvus du sens d’objectivité et de respect des deniers publics, c’est ainsi qu’un tiers d’entre eux ont tôt montré leurs vrais visages de corrompus.
Ce dossier de corruption CPT-BNC représente une occasion offerte sur un plateau d’argent pour diminuer le nombre de représentants du CPT. Sous la condition qu’à chaque fois que la société en découvre un corrompu, il doit l’évincer. Probablement par élimination successive, à la fin du mandat du CPT, Haïti serait revenue à la présidence monocéphale avant la date butoir du 7 février 2026. Il ne faut surtout pas oublier que le risque de ne compter aucun président existe. D’ailleurs, ces conseillers ne devraient-ils pas fournir des justifications sur la gestion des fonds de l’intelligence qu’ils ont « illégalement » divisés par neuf ?
Pour la société, c’est déjà une victoire de voir que le CPT est réduit à six membres car cela constitue un effet dissuasif pour que les autres potentiels corrompus réfléchissent deux fois avant de fourrer leurs doigts belle longueur dans le trésor public. De plus, les compensations de ces trois conseillers indignes serviront à de meilleures allocations au profit de la collectivité. Tout en faisant le vœu que la présidence du pays s’assure dans la dignité et dans l’intérêt du bien-être de la collectivité, la société est interpellée à avoir à l’œil les actions de chaque membre du gouvernement et de chaque membre restant du CPT.
Haïti ne sortira pas du gouffre pour définitivement emprunter le sentier de la création de la richesse et de la prospérité partagée en dehors de mesures drastiques contre la corruption et l’impunité.
Carly Dollin