New York, le 22 septembre 2024 – Alors qu’Haïti traverse une période particulièrement troublée dans le concert des nations, où presque tous les pays veulent avoir leur empreinte sur le sol de Dessalines, autrefois une forteresse imprenable, nous avons rencontré le Dr Josué Renaud, voix critique de la scène politique haïtienne, pour décrypter les enjeux des derniers dysfonctionnements diplomatiques de notre pays. Il parle de complots, de jeux d’influence et de perte de souveraineté nationale dans un contexte où les relations internationales d’Haïti apparaissent plus fragiles que jamais, avec des « dirigeants de doublure et des inexpérimentés » placés dans les sphères de décision.
Rezo Nòdwès : Dr. Renaud, la scène diplomatique haïtienne paraît être en pleine confusion, notamment aux Nations Unies. Quels sont, selon vous, les éléments déclencheurs de cette crise ?
Dr. Renaud : Ce que nous observons aujourd’hui n’est pas surprenant pour ceux qui suivent de près les affaires diplomatiques d’Haïti. Nous sommes face à un ensemble d’intrigues et de manipulations orchestrées à des niveaux très élevés. Haïti se retrouve dans une situation où plusieurs de ses représentants sont en compétition pour représenter le pays. Pourtant, il semble que certains acteurs, comme Edgard Leblanc, manquent à l’appel lors de l’Assemblée des Nations-Unies, à New York. Cela suggère une profonde désorganisation, voire une tentative délibérée de sabotage.
Rezo Nòdwès : Vous parlez de sabotage. Pensez-vous qu’il y a des forces extérieures qui influencent directement cette situation ?
Dr. Renaud : Absolument. L’influence étrangère, particulièrement celle des États-Unis, est omniprésente. Ce n’est pas nouveau. Depuis la création du CPT, nous avons vu ces manœuvres de l’extérieur pour contrôler la politique haïtienne. Les nominations de nos diplomates ne sont pas basées sur leur capacité à représenter les intérêts du pays, mais plutôt sur leur capacité à servir des intérêts étrangers. Prenons par exemple Garry Conille et Dominique Dupuy, la ministre des Affaires étrangères. Ce sont des figures qui, en réalité, ne contrôlent pas les rênes du pouvoir. Ils sont placés là par Washington, et cela reflète une dépendance diplomatique extrêmement inquiétante.
Rezo Nòdwès : Cette dépendance, selon vous, est comparable à celle de 2004, une période de grande instabilité pour Haïti. Pourquoi faites-vous ce lien ?
Dr. Renaud : En 2004, Haïti a été témoin de la déstabilisation directe de son gouvernement, largement orchestrée par des puissances extérieures. À l’époque, nous avions déjà des acteurs comme le Président Boniface, Gérard Latortue qui étaient manipulés pour servir des intérêts autres que ceux d’Haïti. Aujourd’hui, nous sommes face à un schéma similaire. Nos diplomates sont des marionnettes dans un jeu géopolitique qui dépasse Haïti. L’absence de figures fortes et souveraines à la tête de notre diplomatie nous replonge dans une situation d’instabilité.
Rezo Nòdwès: Que faudrait-il, alors, pour sortir de cette crise diplomatique et rétablir la souveraineté haïtienne sur la scène internationale ?
Dr. Renaud : Il est extrêmement important de révoquer immédiatement ces figures de « doublure » qui sont sous l’influence de puissances étrangères. Garry Conille, la ministre des Affaires étrangères et même notre ambassadeur à Washington doivent être remplacés. Nous avons besoin de diplomates qui défendent sincèrement les intérêts d’Haïti, qui ne soient pas manipulés ou influencés par des agendas externes. Sans cela, notre pays continuera à naviguer à l’aveugle sur la scène internationale.
Rezo Nòdwès : Mais cela ne risque-t-il pas d’aggraver encore davantage la position d’Haïti au niveau international ?
Dr. Renaud : Il est certain que nous risquons de traverser une phase de turbulence, mais je crois fermement qu’il vaut mieux une crise momentanée qu’une situation d’occupation diplomatique prolongée. Tant que nous dépendons de forces extérieures, nous n’aurons ni stabilité ni véritable pouvoir de décision. C’est une période charnière pour Haïti, et il est temps de se libérer de ces chaînes diplomatiques qui entravent notre souveraineté.
Journaliste : Pour conclure, Dr. Renaud, pensez-vous qu’Haïti a encore une chance de rétablir sa place sur la scène internationale ?
Dr. Renaud : Haïti a toujours une chance, mais cela dépend de notre capacité à prendre des décisions difficiles et à mettre en place une diplomatie indépendante. Nous devons nous libérer des chaînes de l’influence étrangère, renouveler notre classe dirigeante diplomatique et rétablir un dialogue international basé sur nos propres termes. C’est une question de volonté politique. Si nous choisissons cette voie, oui, Haïti pourra rétablir sa place sur la scène internationale. Sinon, nous continuerons à dériver.
Écoutez la suite de ce long entretien avec le dirigeant de NEHRO, Dr. Josué Renaud, accordé dimanche soir à Rezo Nòdwès. Propos recueillis par cba. »