15 octobre 2024
Flashback, 12 septembre 2024 – Conille annonce sa participation à la 79e AGNU : Qui détient réellement les rênes du pouvoir exécutif en Haïti ?
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Flashback, 12 septembre 2024 – Conille annonce sa participation à la 79e AGNU : Qui détient réellement les rênes du pouvoir exécutif en Haïti ?

L’ascension de Garry Conille à la tribune des Nations Unies intervient à un moment des plus critiques pour Haïti, tant sur le plan national qu’international. Le pays est non seulement englué dans une crise politique, économique et sécuritaire sans résultats tangibles, mais il doit également faire face à l’humiliation de ses citoyens à l’étranger. Aux États-Unis, par exemple, les Haïtiens résidant à Springfield, Ohio, sont la cible de critiques virulentes, accusés de consommer de la viande de chien, de chat et d’autres animaux domestiques. Conille sera-t-il capable d’aborder efficacement cette question pour épargner ses compatriotes les tourments de l’exil ?

A New York, le mois de septembre est caractérisé par une effervescence diplomatique mondiale avec la tenue de l’Assemblée Générale des Nations Unies, moment privilégié où les dirigeants des pays membres ou leurs représentants se réunissent pour exposer leurs visions, partager leurs défis et solliciter le soutien de la communauté internationale. En cette année particulière, la République d’Haïti, avec son exécutif bicéphale, sera étonnamment représentée par le Premier ministre, le Dr Garry Conille, ce qui soulève une grande question dans les cercles nationaux : Conille est-il vraiment le numéro un de l’exécutif haïtien ? Le Gros Gérard 2 ? Ariel bis ? Ou bien cette inversion des rôles symbolise-t-elle simplement la perpétuation d’un système de gouvernance défaillant et illégitime ?

Pour tenter de répondre à cette question, il faut se pencher sur l’histoire très récente des institutions haïtiennes, où la Présidence est apparue comme une fonction flottante, de second plan, marquée par un sentiment d’effacement total depuis juillet 2021 et des manipulations extérieures. L’exemple de l’ancien Premier ministre Ariel Henry est édifiant. Cet homme, autrefois tout puissant à la tête du gouvernement de doublure d’Haïti, a été, selon de nombreux analystes, destitué sous l’influence des Etats-Unis. Non seulement il a été démis de ses fonctions, mais il a aussi été interdit d’entrée sur le territoire haïtien, créant un précédent diplomatique pour le moins troublant, sans que personne n’ose le dire à voix haute dans les relations bilatérales haïtiano-américaines. Durant son mandat « indéfini et indéterminé », malgré sa participation à l’Assemblée Générale de l’ONU, en septembre 2023, Haïti n’a fait aucun progrès dans la résolution de ses multiples crises, qui ne cessent de s’aggraver. La perplexité était palpable : la véritable détentrice du pouvoir exécutif n’était-elle pour autant pas Hélène La Lime, à la tête du BINUH ?

Aujourd’hui, c’est au tour du Dr Garry Conille de prendre place sur le podium des Nations Unies, surplombant l’Ingénieur Edgard Leblanc, Président du Conseil Présidentiel de la Transition (CPT). Comme beaucoup de ses prédécesseurs de facto, illégitmes, ou constitutionnels, le Dr Conille est attendu pour évoquer une rhétorique optimiste. En effet, dans un tweet publié jeudi, il s’est réjoui que la « Présidente du Gouvernement de la Jeunesse d’Haïti, fera partie de ma (sa) délégation qui assistera à la 79ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies #UNGA79 à New York. Elle représentera l’espoir et l’engagement d’une jeunesse qui se bat pour un nouveau pays inclusif, moderne, respecté et digne de son histoire ». Une déclaration qui rappelle étrangement les slogans de feu le dictateur sanguinaire François Duvalier, autrefois « grand défenseur de la jeunesse au pouvoir ». Mais que reste-t-il de ces slogans dans un pays où l’espérance de vie politique se réduit à une succession de promesses creuses ?

Si le discours de M. Conille peut surprendre, il est légitime de s’interroger sur le fond. D’Henry Namphy à Ariel Henry, en passant par Jean-Bertrand Aristide (tim tim bwa sèch) et René Préval dénonçant finalement le cholera de la Minustha en fn de mandat, les interventions des dirigeants haïtiens aux Nations Unies n’ont apporté que très peu de changements concrets pour la population. L’absence de suivi réel des promesses faites, les discours sans contenu tangible, tout cela contribue à créer un sentiment de déception et d’abandon chez les Haïtiens. Alors à quoi bon envoyer des délégations de haut niveau à New York ? Ne serait-il pas plus simple, et moins coûteux, de confier cette tâche à l’ambassadeur d’Haïti à l’ONU, ou à celui de Washington ? La présence physique du Premier ministre est-elle nécessaire pour un énième discours stérile après celui qu’il a prononcé lors de son investiture en tant que Premier ministre ?

La question que le PM Conille doit se poser avant de s’adresser aux Nations Unies est simple : que peut-il vraiment dire ? A l’heure actuelle, la situation sécuritaire en Haïti reste alarmante. Les enlèvements sont devenus monnaie courante, rendant impossible de se déplacer sereinement à travers le pays, que ce soit de la capitale Port-au-Prince aux villes secondaires telles que Saint-Marc, Gonaives ou ailleurs. De plus, des infrastructures vitales, comme l’Hôpital Général de la capitale, sont paralysées, tandis que le port de Port-au-Prince est devenu un terrain de chasse pour les gangs terroristes, les entrepreneurs étant enlevés sur place.

Ces réalités font surgir une autre question : à quoi peut bien servir la participation de M. Conille à cette Assemblée Générale, si ce n’est à rappeler l’état de délabrement d’Haïti ? Plus de cent jours après son entrée en fonction, la sécurité, thème central de son discours d’investiture, reste un mirage. Les maigres ressources financières de l’Etat continuent de se diluer dans des projets inutiles et des déplacements dont la population ne voit jamais les résultats.

L’absence du Président du Conseil Présidentiel de la Transition, Edgar Leblanc, sur cette scène internationale intrigue. Si M. Leblanc a confié à M. Conille le soin de représenter Haïti, cela interpelle d’autant plus sur la légitimité de ce dernier en tant que véritable chef de l’exécutif « en mission commandée ». M. Leblanc a-t-il délégué cette responsabilité par incapacité physique ou par désintérêt ? Ou s’agit-il d’une stratégie politique visant à apaiser un gouvernement déjà sous pression, incapable à se montrer utile ? L’incertitude persiste et le flou institutionnel ne fait qu’ajouter à la confusion dans un pays où la notion de leadership est de plus en plus intangible. A moins qu’ils ne fassent tous deux le voyage à New York pour faire du shopping dans les grands magasins de Manahthan ?

De plus, il y a fort à parier que, comme tant d’autres avant lui, M. Conille utilisera cette tribune pour se livrer à un exercice de propagande, tentant de « convaincre » la communauté internationale que tout va bien en Haïti, alors que le peuple continue de souffrir d’une insécurité grandissante et d’une misère endémique. Il sera intéressant de voir comment M. Conille justifie la présence de contingents étrangers – kenyans et jamaïcains – sur le sol haïtien libre et indépendant pour « rétablir la sécurité », alors que de telles interventions ont jusqu’à présent semblé infructueuses.

Finalement, puisqu’il tient tant à être là, la participation de M. Conille à cette session de l’ONU ne risque-t-elle pas d’être perçue comme une simple routine diplomatique, sans impact réel pour Haïti ? Le Premier ministre pourrait aisément se contenter d’un discours plat, ponctué de quelques promesses creuses et d’appels répétés à l’aide internationale. Ke lap fè sesi, li pral fè sela. Quant au peuple haïtien, il continuera d’attendre un véritable changement. Car sur le terrain, rien n’a bougé. Rien ne bouge en Haïti, si ce n’est la corruption, l’impunité et le désespoir d’une population en souffrance.

Ainsi, ce voyage d’une imposante délégation haitienne à New York pourrait bien s’inscrire dans la lignée des escapades diplomatiques haïtiennes aux Nations Unies : dispendieuses, sans effets concrets et davantage motivées par des impératifs de propagande que par la volonté d’un réel changement.

En ce qui concerne le Dr Garry Conille, fortement impliqué dans le scandale de la BNC, une question demeure inévitable : sa venue à New York symbolisera-t-elle un véritable renouveau ou s’inscrira-t-elle simplement comme un épisode supplémentaire dans la saga d’un pouvoir exécutif fragmenté et d’un État dysfonctionnel en crise constante ? L’ambiguïté autour du pouvoir exécutif haïtien persiste : qui en détient réellement le contrôle ?

cba

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