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Débarquement et Constitution : Le 28 Juillet 1915, tournant historique pour Haïti
La date du 28 juillet 1915 ouvre la période d’occupation américaine d’Haïti, une période de transformation profonde et de crispation persistante. Pour faciliter le premier référendum constitutionnel, le parlement haïtien est supprimé, ce qui permet aux autorités américaines d’imposer des réformes favorables à leurs intérêts. L’objectif du référendum était d’amender l’article constitutionnel interdisant aux étrangers de posséder des biens en Haïti. Cet amendement, approuvé sous la pression américaine, devait permettre de sécuriser et d’accroître les investissements étrangers dans le pays, malgré les réticences et les résistances locales.
Le référendum constitutionnel prévu pour 2025 nourrit des inquiétudes similaires quant à la souveraineté nationale et à l’intégrité des processus démocratiques haïtiens. Bien que la Constitution de 1987 interdise les référendums visant à modifier les dispositions fondamentales, notamment celles concernant la propriété foncière des étrangers, la ténacité de cette initiative reflète des questions de gouvernance et de pouvoir. Nombreux sont ceux qui critiquent cette initiative comme une renégociation des intérêts nationaux au profit d’intérêts personnels et de pressions extérieures.
S’étalant sur près de deux décennies, cette ère a été caractérisée par des évolutions majeures et des tensions durables. Au début du XXe siècle, Haïti se trouvait dans une situation de grande instabilité politique et économique. Depuis son indépendance en 1804, le système politique haïtien avait connu une série de gouvernements fragiles et de conflits internes. L’assassinat du président Vilbrun Guillaume Sam en 1915 a précipité l’intervention des États-Unis, soucieux de protéger leurs intérêts économiques et stratégiques dans la région des Caraïbes.
Les États-Unis, sous la présidence de Woodrow Wilson, justifiaient cette intervention par la nécessité de rétablir l’ordre et d’empêcher l’influence européenne, en particulier allemande, dans la région. Le secrétaire d’État américain Robert Lansing déclarait à l’époque : « Il est impératif de maintenir la stabilité dans notre hémisphère et de protéger nos intérêts nationaux ».
L’occupation américaine a suscité de multiples réactions au sein de la population haïtienne. Si certains percevaient cette intervention comme une opportunité de modernisation, beaucoup y voyaient une violation de la souveraineté nationale. La résistance s’organisa rapidement sous l’impulsion de figures emblématiques telles que Charlemagne Péralte. Devenu le symbole de la lutte contre l’occupation, Péralte déclara : « Notre patrie est sous le joug de l’étranger, mais notre esprit de liberté ne sera jamais brisé ».
Du côté américain, l’occupation était considérée à la fois comme une mission civilisatrice et une nécessité stratégique. Cependant, des voix critiques aux États-Unis dénonçaient l’expansion impérialiste et les abus commis par les forces d’occupation.
L’occupation a apporté des changements substantiels à Haïti, notamment en termes d’infrastructures. Les Américains ont construit des routes, des ponts, des écoles et des hôpitaux. Cependant, ces projets ont souvent été réalisés aux dépens de la population locale, soumise au travail forcé et à des conditions de travail pénibles.
Sur le plan économique, l’administration américaine a introduit des réformes visant à stabiliser la monnaie et à moderniser l’agriculture. Ces réformes ont cependant principalement bénéficié aux intérêts américains et ont souvent ignoré les besoins du peuple haïtien.
Sur le plan politique, l’occupation a renforcé les structures autoritaires en Haïti. Les Américains ont soutenu des gouvernements favorables à leurs intérêts, marginalisant souvent les voix démocratiques et progressistes. La présence militaire a également exacerbé les tensions sociales et ethniques, laissant un héritage de division et de ressentiment.
Malgré les efforts de modernisation, l’occupation a laissé un héritage durable de méfiance à l’égard de l’intervention étrangère. La fin de l’occupation en 1934, sous la pression du président Franklin D. Roosevelt et du mouvement nationaliste haïtien, a marqué un tournant dans les relations entre les deux pays.
Références
- Schmidt, Hans. The United States Occupation of Haiti, 1915-1934. Rutgers University Press, 1995.
- Trouillot, Michel-Rolph. Haiti, State Against Nation: The Origins and Legacy of Duvalierism. Monthly Review Press, 1990.
- Renda, Mary A. Taking Haiti: Military Occupation and the Culture of U.S. Imperialism, 1915-1940. University of North Carolina Press, 2001.
- Wilentz, Amy. The Rainy Season: Haiti Since Duvalier. Simon and Schuster, 1989.