« Mea Culpa » par Me Serge H. Moise av

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Jeudi 3 août 2017 ((rezonodwes.com))– Nous sommes tous, chacun en ce qui le concerne, responsables de la situation déchirante d’Haïti. L’on voudra bien faire le distinguo entre les responsables et les fautifs, qu’à cela ne tienne. Encore faut-il avoir le courage de reconnaître que le sort du pays repose entre les mains de ses ressortissants à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Haïti, c’est nous, en quel que lieu que nous ayons choisi de dresser nos tentes.




Toute dérobade, tout faux-fuyant nous condamnent à perpétuer cette déchéance sans espoir d’un quelconque renouveau.
Depuis deux cent onze ans, nous inventons, générations après générations, les ruses et fourberies de toutes sortes, sapant irrémédiablement toute velléité de ce vivre ensemble indispensable au bon développement de ce qui fut jadis la Perle des Antilles et qui est désignée aujourd’hui : La poubelle au coin des Amériques.

A quoi faut-il attribuer cette douloureuse descente aux enfers? Les analyses, les unes plus savantes que les autres, ne manquent pas. Ce qui a toujours fait défaut chez nos intellos, c’est cette capacité, disons cette volonté de plancher sur des propositions de solutions à nos innombrables problèmes.

Un problème sans solution est un problème mal posé, disait le grand Albert Einstein. Il y a donc lieu de présumer que nos nantis du savoir qui maîtrisent à n’en point douter les technologies modernes, sous toutes leurs formes ou presque, accusent un déficit certain; celui de la nature spécifique de nos problèmes tant structurels que conjoncturels.

Les prismes à travers lesquels, ces derniers tentent d’apprivoiser le mal-développement du pays ne tiennent pas suffisamment compte de nos créneaux culturels, de leurs potentialités et de leurs lacunes. Cette méfiance endémique qui constitue un des traits dominants de notre culture, s’est depuis belle lurette, révélée un facteur de paralysie et de stagnation pour la société tout entière et à tous les niveaux. Pourtant personne n’en parle, comme si, par la force des choses, cette méfiance déchirante, finirait par disparaître d’elle-même au fil du temps. Force est de reconnaître que tel n’est point le cas et que faire semblant de l’ignorer correspond à singer l’autruche.

Comment demander à quelqu’un à qui l’on a appris à méconnaître sinon à mépriser sa langue maternelle, son identité et ses véritables valeurs culturelles, d’avoir de l’estime pour lui-même, de s’aimer pour ce qu’il est et d’être en mesure d’aimer ses semblables? La question s’adresse aux psycho-sociologues, aux psycholinguistes, à tous les spécialistes du développement et de la bonne gouvernance. L’intelligentsia haïtienne peut facilement réunir un tel aréopage avec pour mission d’appréhender une fois pour toutes notre réalité de peuple du quart- monde, d’en rechercher les causes lointaines et rapprochées de manière rationnelle et pragmatique afin d’étudier des pistes de solution susceptibles de nous permettre de rejoindre le concert des nations dites civilisées.




Il est clair pour tout le monde qu’il demeure impérieux que nous mettions un terme à nos luttes intestines, fratricides et sans grandeur. Nous avons connu plusieurs occupations et/ou embargos à cause de nos propres incuries, nous avons expérimenté tant de calamités que les faibles d’esprit font référence à une espèce de malédiction! Pourtant la vie continue, toujours pareille comme si nous n’avions tiré aucune leçon des conséquences de nos inconséquences.

Toute émotion mise de côté, il paraîtrait que nous ayons fait choix de créer une société purement virtuelle. Nous faisons semblant d’avoir un pouvoir judiciaire alors qu’en réalité, il n’en est rien. Nous le savons depuis toujours et n’avons jamais rien fait pour changer cet ordre de choses.

Nous faisons semblant d’avoir un pouvoir législatif, aberration sur toute la ligne, exception faite de quelques rares cas, nos « honorables législateurs » se sont toujours comportés en de vulgaires colporteurs, s’occupant de tout sauf de ce pourquoi ils ont été élus, n’hésitant pas à s’impliquer, sans vergogne, dans les magouilles et combines les plus louches.

Nous en sommes à notre vingt troisième constitution qui connaîtra à n’en pas douter le même sort que les autres car les mesures d’accompagnement pour la faire respecter ne sont même pas envisagées. Et comme si le simple bon sens n’avait plus sa place dans les affaires politiques du pays, les intérêts supérieurs de la nation encore moins, la configuration du gouvernement est devenue l’objet de compromissions contre productives et malsaines, sans offusquer le moindrement notre conscience, si tant est qu’on puisse encore parler de conscience nationale.

Après la chute de la dictature trentenaire, caractérisée par la paix des cimetières et la fuite des cerveaux, nous avions décidé de rompre à tout jamais avec l’obédience aux caprices du prince. Pour ce faire, au lieu d’essayer d’innover à notre manière, nous avons choisi encore une fois de singer les autres sans tenir compte de nos spécificités propres et nous avons institué la « primature » avec tout ce que cela comporte d’incuries et de dépenses farfelues pour un budget exsangue subventionné par la communauté internationale à raison de soixante pour cent (60%).

Cent neuf (109) députés et trente (30) sénateurs dont la plupart ne connaissent même pas le véritable rôle d’un législateur au sein d’une république, et qui s’occupent de tout sauf de légiférer. Le voudraient-ils, qu’ils en seraient incapables.

Le parlement qui doit contrôler chacun des actes du gouvernement et le sanctionner au besoin, ne saurait être représenté au sein du cabinet ministériel, sans être en situation de conflit d’intérêts. Le parlement devient donc juge et partie, créant ainsi une dichotomie avec pour conséquence de privilégier les intérêts de clans au détriment de ceux de la nation.

La constitution est claire là-dessus et en son article 137 stipule ce qui suit :
« Le président de la république choisit un premier ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au parlement. A défaut de cette majorité, le président de la république choisit son premier ministre en consultation avec le président du sénat et celui de la chambre des députés. Dans les deux (02) cas, le choix doit être ratifié par le parlement »
La loi-mère parle de consultation et non, de négociation, de tractation encore moins de compromission.

Ce genre d’aberration juridique et/ou politique subsiste et perdure depuis mil neuf cent quatre vingt-sept (1987) et personne n’en pipe mot. Le pouvoir judiciaire, réduit à une peau de chagrin ne peut jouer le rôle qui lui est, en principe dévolu et à ce chapitre, le silence est plutôt opaque.




Point n’est besoin de nous étendre davantage pour réaliser que nous sommes les premiers artisans de nos malheurs. La nation est en péril et il nous incombe à tous et à chacun d’entre nous, s’il est vrai que nous aspirons à une certaine rédemption face à l’alma mater de reconnaître en toute probité, notre laxisme, nos dérives, par commission ou par omission et nous dire simplement mais sincèrement :
Mea culpa ! Mea maxima culpa !

Me Serge H. Moïse av.

1 COMMENT

  1. Ça fait 200 ans que le gouvernement d.Haïti vol ces citoyens alors ils en resteNT plus pour les habitants

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