L’Édito du Rezo

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Haïti-Crise : Hold-up sur la présidence du Conseil Présidentiel de Transition

En Haïti, les politiciens ne cessent d’exceller dans la bêtise. Indécrottables magouilleurs, ils ne ratent jamais l’occasion de salir l’image du pays, de souiller son exceptionnelle histoire, par leur petitesse d’esprit, leurs pratiques mafieuses. En témoigne le spectaculaire kout mal taye (coup de bonneteau) qui a conduit, le mardi 30 avril 2024, à la désignation du président du fameux Conseil présidentiel de transition (CPT) – accouché récemment dans la douleur, sous la pression et le fouet d’une partie de la communauté dite « internationale ». Alors qu’il est convenu collectivement, dans l’accord du 3 avril 2024, que l’élection du président s’effectue par élection par consensus ou vote majoritaire en cas de désaccord, les incorrigibles rapaces, magouillant en sous main, ont fait capoter le processus à la Primature, sise à la Villa d’Accueil, à Musseau. Et ce, comme si de rien n’était, sans aucune once de honte à la face du monde, aux temps des réseaux sociaux où l’information est accessible au moindre quidam.

En effet, aussi absurde que cela puisse paraître, il n’y a pas eu d’élection mais une sélection pour désigner le président/coordinateur du CPT, contrairement à la procédure qui aurait dû être suivie conformément à cet accord politique.

Frinel Jean (pasteur évangélique, représentant de la société civile, membre non-votant du CPT), qui s’est présenté, ce 30 avril, à la télévision nationale comme soi-disant le président du « bureau électoral » du conseil, a déclaré avec audace : « Ce matin, on devrait donc avoir des élections qui étaient prévues pour 10h. Mais au cours des discussions qu’on a eues ce matin, surtout avec les 7 membres votants du conseil présidentiel, une majorité a été dégagée. Et cette majorité est constituée d’Edgar Leblanc Fils, Smith Augustin, Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire. Une entente autour d’Edgar Leblanc Fils a été trouvée pour qu’[il] soit donc le président du conseil. » 

Sentant un malaise palpable dans la salle et particulièrement au premier rang où siégeaient les différents membres du CPT, Frinel Jean a tenu à préciser : « Cependant il faut surtout signaler que cet accord n’engage pas tous les membres du conseil, engage exactement et uniquement cette majorité. […] Selon cet accord, la majorité aussi a profité pour faire choix ou bien pour proposer un premier ministre. Il s’agit donc de Fritz Bélizaire. […]

En vérité, cette farce ne constitue ni plus ni moins qu’un hold-up planifié sur la présidence du CPT, ce qui n’a, d’ailleurs, pas échappé à la vigilance des membres des Accords de Montana. Dans une note pour la presse, « le Bureau de Suivi des Accords de Montana (BSA) [représenté au CPT, par l’universitaire, économiste et ancien gouverneur de la Banque centrale, Fritz Alphonse Jean] dénonce [en effet] les agissements d’une coalition de quatre secteurs au sein du Conseil Présidentiel, conspirant, selon lui, contre la population pendant la nuit du lundi au mardi 30 avril 2024 » (Rezo Nòdwès, 30 avril 2024). De même, le parti Fanmi Lavalas rejette la mascarade orchestrée par le fameux « bloc majoritaire ». Pour la formation politique de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, ce stratagème vise à prolonger le règne du régime PHTK – à travers le coordonnateur de l’OPL, ancien président du Sénat (2000-2005), allié sournois du PHTK et singulièrement de son patron, l’ex-chanteur-président Michel Martelly.

Inutile donc de dire que le consensus fragile, ayant présidé à la mise en place du CPT, sous la férule du CARICOM – sur injonction des États-Unis –, est désormais rompu. En effet, la défiance s’installe à l’intérieur et en dehors de ce conseil face à cette forfaiture opérée par ceux-là mêmes qui ont détruit le tissu sociopolitique, économique et culturel du pays au cours des dernières décennies. Et cela risque de durer encore longtemps, rendant inopérant ce conseil créé au pas de charge pour tenter de résorber la crise chronique protéiforme haïtienne. C’est que, par ce spectaculaire dap piyanp (coup de force) du 30 avril 2024, l’arrivée d’Edgar Leblanc Fils à la tête de cet organe exécutif est de fait entachée d’irrégularité.

Ainsi le ver de la corruption morale est-il encore et toujours bel et bien ancré dans le fruit pourri du personnel politique haïtien. W a di se grenn yo bwè !

Comment Edgar Leblanc Fils, président – de facto – du CPT peut-il paraître crédible aux yeux du peuple haïtien – en parlant de la nécessité d’organiser prochainement des élections transparentes, crédibles, non contestées, etc., dans le pays, sans doute pour plaire à « monsieur le Blanc » –, lorsqu’il a été, lui-même, porté à la tête de ce conseil dans des conditions irrégulières et contestables ?

Une énième fois, les politicards, rapaces invétérés, toujours à la manœuvre pour s’inviter à la mangeoire de plus en plus rabougrie de ce qu’il reste de l’État, se révèlent être incapables de s’entendre sur la destinée du pays atrocement en souffrance.

Encore et toujours cette impossible entente qui empêche la mère-patrie de se relever des ignominies subies depuis des lustres de la part des puissances étrangères revanchardes certes, mais aussi et surtout de la part de ses propres enfants – d’authentiques brebis galeuses, de véritables dégénérés.

Jusqu’à quand ?

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