Le conseil Présidentiel de Transition est au cœur de l’actualité en Haïti. Il reçoit un avis partagé. Pour certains, c’est une occasion à saisir, tandis que d’autres y voient une aggravation de la complexité du problème haïtien actuel. En tant qu’observateur impartial, on peut comprendre les inquiétudes de la population, qui sont tout à fait fondées, étant donné que les membres du CPT, qui sont des acteurs politiques traditionnels, n’ont pas été en mesure de s’entendre sur un contrat social mettant en avant les intérêts de la nation depuis plus de 37 ans.
Cependant, dans cet état de chaos et de délabrement que se trouvent les institutions républicaines, le pays est confronté à la montée du grand banditisme et du terrorisme qui sont en grande partie causés par l’inégalité extrême dans la redistribution des richesses du pays (v° John Rawls, Théorie de la justice, Harvard, 1971).
De crise en crise, le pays continue de s’enliser et sa situation ne cesse de se dégrader. Les Haïtiens font face quotidiennement à une tragédie effroyable, et l’ensemble du pays est maintenant un cimetière à ciel ouvert. Les récents événements amènent le pays sans détour vers une crise humanitaire sans précédent. Les denrées essentielles commencent déjà à se faire rares, s’en suivront les produits stratégiques dans les prochains jours. Si aucune mesure n’est prise pour remettre en état les ports, les aéroports et les routes nationales, Haïti risque de connaître une famine similaire à celle qui a sévi en Russie Bolchevique en 1918.
Face à ce décor sinistre et inquiétant, un collège présidentiel de neuf membres a été créé dans le but d’aborder, même partiellement, les maux qui pourraient entrainer la disparition de la nation haïtienne. Cependant, est-il certain que les membres de cette structure néophyte saisissent les enjeux et les défis qui les guettent ? Nous sommes convaincus qu’ils ne sont pas dupes et dénués de raison, mais étant donné la complexité du problème, il peut être difficile pour eux de le saisir dans tous ses aspects et dans sa dimension globale. Il serait bénéfique pour le CPT de prendre de la hauteur, de se décentrer, de s’élever, de prendre du recul et de réfléchir profondément afin d’apporter des solutions concrètes, voire des remèdes à ces problèmes.
Nous sommes convaincus que, dans ce combat crucial que le CPT doit engager contre les maladies qui risquent de faire disparaitre la société haïtienne, les neuf protagonistes doivent s’inspirer de Spartacus et Kriksus dans leur combat à mort contre Théocolès connu sous le nom de « l’ombre de la mort », s’ils veulent remporter la victoire.
Le CPT pourrait être bénéfique pour le pays, dans la mesure où il offre la possibilité de bénéficier de la réflexion de neuf personnes au lieur d’une seule. Toutefois, il y a un risque, s’ils ne dégagent pas une pédagogie efficace et une méthodologie de travail rigoureux, précis et cohérent, il risque de tomber dans le piège de la lenteur, de l’égocentrisme et de l’individualisme, qui ont souvent tendance à prédominer dans n’importe quel groupe. La collaboration en équipe n’a jamais été une chose aisée, c’est un processus d’apprentissage qui prend du temps. Si le CPT souhaite réussir, il est important que les membres aient une mentalité similaire à celle d’une équipe de football ou de basketball, où chacun a sa propre fonction mais où tout le monde travaille ensemble pour atteindre l’objectif fixé. Afin d’atteindre ses objectifs,
Le CPT devrait adopter une attitude de vainqueur et agir de manière cohérente. Mettre en œuvre une philosophie qui met en avant l’interdépendance et la complémentarité, se soutenir mutuellement et utiliser la méthodologie du co-développement et de la co-construction.
Il est vrai que cela peut paraitre complexe à réaliser, mais si les conseillers sont animés de bonnes intentions et d’un esprit patriotique, l’esprit des pères fondateurs et les esprits tutélaires de la nation, sauront leur montrer la marche à suivre.
Cependant, si parmi eux, la nonchalance, le fanatisme, l’extrémisme, le sentiment d’appartenance à un clan, prédominent, cela entrainera sans aucun doute une défaite aux conséquences graves pour les 11 millions d’haïtiens qui ne cessent d’espérer l’apparition d’un horizon meilleur. Le CPT a pour responsabilité cruciale de remettre le pays sur la voie tracée par les pères fondateurs. En qualité de Capitaines, ils tiennent le gouvernail du navire de la Nation. Ainsi, il leur appartient de décider si le bateau atteint le port en toute sécurité ou si celui-ci fera naufrage. S’ils échouent par cupidité, par le clanisme, par l’amateurisme, par avarice, ils seront malheureusement relégués dans les poubelles de l’histoire et leur nom sera oublié.
Le conseil présidentiel de transition doit décider entre la gloire collective et l’échec collectif. Aucun ne parviendra à se démarquer s’il tente de noyer l’autre. Nous sommes également convaincus qu’ils ne désirent rien d’autre que la rédemption de la nation. Afin d’atteindre leur objectif, ils devraient agir avec éthique, honnêteté et sincérité. La constitution de leur équipe gouvernementale, leur attitude et les choix qu’ils feront dans les prochains jours seront révélateurs de la façon dont ils envisagent de gouverner le pays.
Woudy VEDRINE
Responsable Juridico-Politique du Parti National Développement (PND)
