L’Édito du Rezo : Haïti s’enfonce dans l’abîme, les intellectuels mainstream regardent ailleurs

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Les images tournent en boucle sur les réseaux sociaux jusqu’à susciter l’intérêt des médias internationaux – toujours à l’affût de nouvelles et d’images sensationnelles sur Haïti –, multipliant articles et reportages au cours des dernières semaines sur la situation critique du pays. Une large partie de la population haïtienne vit à l’agonie, sous la menace d’une guerre civile pouvant déboucher à tout moment sur un génocide, de l’avis même de l’un des chefs de gangs les plus en vue.

Au même moment, les tractations se sont poursuivies entre un petit groupe d’acteurs politiques traditionnels et de faiseurs de roi de la communauté dite « internationale » pour installer, le jeudi 25 avril 2024, un Conseil présidentiel de transition (CPT) devant remplacer le Premier ministre-Président de facto, Ariel Henry, démissionnaire. Ce dernier, débranché par ses maîtres, erre désormais en exil forcé aux États-Unis, à la suite de l’embrasement généralisé provoqué à Port-au-Prince, au cours du mois de mars 2024, par des groupes de gangs fédérés, lourdement armés. En réalité, ces gangs s’apparentent à de véritables terroristes très organisés qui parviennent à quadriller méthodiquement la zone métropolitaine.

Selon l’ONU, environ 80% du territoire de la capitale, Port-au-Prince, est sous le contrôle de ces terroristes – qui volent, violent et tuent en permanence –, ce qui a entraîné la fuite de plus de 30 000 personnes (Le Monde/AFP, 22 mars 2024). Sans surprise, ces personnes viennent, en grande partie, s’ajouter à la liste déjà longue des dizaines de milliers de réfugiés et déplacés internes en attente désespérée depuis plusieurs années d’un retour à une vie normale. En outre, toujours, selon les Nations unies, 5 millions de personnes risquent de se trouver en insécurité alimentaire.

Face à ce drame apocalyptique qui se déroule et s’accentue sous leurs yeux, que font les intellectuels haïtiens – et particulièrement la majorité des intellectuels mainstream – dont la responsabilité directe ou indirecte est loin d’être négligeable dans l’effondrement moral, social et politique du pays ?

La question se pose, en effet, avec acuité, en ces temps critiques pour la survie du peuple haïtien, livré à lui-même.

Tandis que le délitement de l’État s’accélère inexorablement, ces intellectuels, peu courageux, en vérité, dont la plupart se sont fait remarquer, au début des années 2000, dans leur collaboration ostentatoire avec des puissances étrangères et l’oligarchie haïtienne prédatrice pour renverser le pouvoir de l’époque, semblent adopter, aujourd’hui, la politique de l’autruche. Toute honte bue, ils sont très nombreux à préférer baisser la tête, fermer les yeux et contempler leur nombril. La défense de leurs petits intérêts mesquins parait, bien entendu, hautement plus importante que la lutte pour la noble cause du peuple haïtien. Or, c’est peu de dire que le pays est plus que jamais en détresse.

Pis, la mère-patrie s’enfonçant dans l’abîme, les intellectuels mainstream regardent ailleurs.

Photo-crédit : Gazette Haiti

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