Edito de Haiti-Observateur | Politique et diplomatie partisanes dans le coin, il faut prendre au sérieux la crise sécuritaire en Haïti

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Le texte de l’éditorial du Haiti-Observateur soulève plusieurs points concernant la situation sécuritaire en Haïti ainsi que les actions entreprises par les acteurs internationaux pour y remédier. Voici une analyse de certains éléments clés du texte :

  1. Contexte politique et diplomatique : L’éditorial commence par évoquer les efforts de négociation entre différents acteurs haïtiens sous la supervision de la CARICOM. Il met en exergue l’attente de la mise en place d’un Conseil présidentiel et d’une mission de police internationale dirigée par le Kenya, tout en soulignant les retards et les obstacles rencontrés.
  2. Critique des acteurs internationaux : L’éditorial critique les États-Unis, le Canada et d’autres membres de l’ONU pour leur gestion de la situation en Haïti. Il souligne le manque de planification et les revers rencontrés dans le déploiement de la force de sécurité internationale. L’analyse pointe également du doigt l’inefficacité des stratégies militaires mises en place, notamment face à l’activité des gangs armés.
  3. Conséquences de la crise sécuritaire : Le texte signale les conséquences dramatiques de la crise sécuritaire en Haïti, telles que les déplacements de population, les pertes économiques et les dommages matériels. Il évoque également les attaques contre des institutions religieuses, éducatives et culturelles, soulignant l’impact généralisé de la violence.
  4. Question de la souveraineté : Une critique implicite de la perte de souveraineté d’Haïti est présente dans le texte. Il évoque le contrôle exercé par les acteurs internationaux dans la gestion de la crise sécuritaire, mettant en avant le déséquilibre entre les décisions prises à l’étranger et l’impact sur le terrain en Haïti.
  5. Appel à l’action : L’éditorial conclut par un appel à l’action, incitant les Haïtiens à prendre en main la résolution de leurs problèmes et à assumer leur responsabilité. Il mentionne également des signes d’intérêt pour une intervention armée des États-Unis et souligne la nécessité pour Haïti de trouver des solutions internes à ses défis sécuritaires.

Le texte intégral de l’éditorial du Haiti-Observateur est reproduit ci-dessous :

Politique et diplomatie partisanes dans le coin, il faut prendre au sérieux la crise sécuritaire en Haïti

Après de longs mois de négociations, entre plusieurs secteurs haïtiens, sous la supervision de la CARICOM, mandatée par la communauté internationale, un Conseil présidentiel de sept membres et de deux observateurs, est mis en place. Reste à savoir quand celui-ci deviendra effectif. Une perspective qui fait également conjecturer quand sera déployée la mission de police internationale dirigée par le Kenya, mission non onusienne approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies, voilà déjà plus de sept mois. Surtout que les acteurs impliqués dans le projet visant à résoudre les crises haïtiennes, surtout sécuritaire, ont attaqué le problème par le mauvais bout. Les États-Unis, qui assument, avec le Canada et d’autres membres de l’Organisation des Nations Unis (ONU), le leadership de la stratégie pour mener à bien le lancement de cette force internationale de soutien à la Police nationale pour mâter définitivement les gangs armés, n’ont pas semblé avoir échafaudé un plan bien ficelé pour arriver à leur fin. Puisque, depuis qu’a été lancé le projet, ils n’ont point cessé d’essuyer des revers qui ont fait reculer l’arrivée des policiers du Kenya à la tête de cette force de sécurité internationale, que les décideurs haïtiens attendent avec impatience.

Les Américains, qui se donnent un satisfecit, en matière de stratégies militaires semble piétiner sur place dans ce dossier, ne parvenant pas à prévoir les embûches qu’allaient rencontrer les démarches qu’ils menaient, dans le cadre de la mission haïtienne du Kenya. Eux et leurs partenaires, ainsi que l’ONU derrière eux, n’ont pas su prévoir les péripéties qu’allait connaître l’envoie des forces de sécurité internationales en Haïti, dans sa mission contre les gangs armés, aux côtés de la Police nationale d’Haïti (PNH), totalement débordée par les criminels, en armes et munitions, ces derniers faisant la pluie et le beau temps, un peu partout dans le pays. En sus de multiplier les assassinats, les viols, les vols et les kidnappings contre rançons; et d’occuper 80 % du territoire de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, suivant le rapport des Nations Unies.

D’autre part, en dépit des tentatives menées contre les gangs armés par la PMH, qui se sont soldées par des gros succès, au détriment des malfrats, cela n’a pu empêcher les bandits d’orchestrer des attaques coordonnées, le 29 février, sur les deux plus grandes prisons du pays, situées au centre-ville de Port-au-Prince et à Croix-des-Bouquets, ayant favorisé la fuite de plus de 5 000 prisonniers, y compris de dangereux bandits. Depuis cette date, se sont multipliées les attaques sur des entreprises publiques et des infrastructures de l’État, ainsi que des maisons privées ou des immeubles de l’État saccagés, vandalisés et pillés avant d’être incendiés. La super-offensive des criminels d’Haïti, lancée fin février, et maintenue jusqu’ici, a causé et continue de causer des pertes énormes, dont le bilan n’a pas encore été établi. On sait, en revanche, qu’elles se chiffrent en millions de dollars USD. Dans le même contexte, elle a entraîné des centaines de milliers de déplacés internes, dans les différents quartiers de Port-au-Prince; aussi bien que dans des villes de provinces et sections rurales. Selon la mairesse par intérim des Cayes, Marie Claire Daphnée France, dans le département du Sud, la dernière montée de la violence, à la capitale, a provoqué « la fuite de 22 500 personnes » à la recherche de refuge dans la ville des Cayes.

Tandis que quelques-unes d’entre elles ont rejoint leurs familles, la majorité est hébergée dans des sites sans accès aux services de base. Dans ce même contexte, l’Organisation internationale de la migration (OIM) dit avoir réuni des données selon lesquelles 95 000 personnes ont fui Port-au-Prince, ces derniers jours. Il faut retenir que les attaques des gangs sur la population sont des événements récurrents dont on ne peut prévoir l’heure et les lieux. Ce qui laisse prévoir l’allongement de la liste des réfugiés internes et locaux, en sus d’alourdir les dégâts matériels subis dans le secteur privé des affaires et des familles, sans exclure l’État dont les infrastructures sont saccagées et dévalisées sans ménagement et bien souvent livrées aux flammes. Les bandits armés privilégient comme cibles surtout les institutions religieuses, éducatives et culturelles qu’ils pillent, saccagent et même brûlent sans état d’âme. On peut citer, par exemple, l’École normale supérieure, l’Institut d’art (de l’Université d’État d’Haïti); l’Église baptiste d’Haïti de la Rue de la Réunion, non loin du Palais national, qui a été totalement dépouillée de son matériel sonore; l’Institut Saint-Louis de Gonzague dont le matériel et le patrimoine culturel ont été pillés ainsi que le Collège Bird, propriété de l’Église Méthodiste.

De plus, pas de contact international, depuis début mars, quand les bandits armés ont attaqué l’aéroport international Toussaint Louverture, occasionnant la suspension de vols internationaux et locaux avec la capitale.

Tel que déjà mentionné, cela fait déjà sept mois depuis qu’a été lancé l’initiative du déploiement de la force de sécurité internationale, sous le leadership du Kenya. Les acteurs internationaux, fer de lance de ce projet, ne se sont pas arrêtés sur les dégâts, en vies humaines et dégâts matériels causés par les gangs armés depuis cette date. Sur tout pour se demander combien de ces victimes auraient été épargnées. Et dans le cas des pertes subies par les entreprises, les familles ou même les infrastructures étatiques, quelles en serait le bilan des économies ?

Assurément, ces pays engagés dans les démarches relatives au déploiement de la force multinationale d’appui à la PNH, dans sa guerre de destruction des gangs armés, versant, à profusion, des pleurs de crocodile sur notre pays, n’utilisent pas la même aune pour mesurer la situation d’autres pays en détresse dont ils assument la charge. À titre d’exemples, d’aucuns n’hésiteraient pas à pointer le doigt sur l’Ukraine ou Israël. Mais il faut raisonner objectivement et dire, sans hésiter : dans le cas de ces deux pays, il y a proximité culturelle et matière dansante et trébuchante immédiatement disponible.

En tout cas, le piétinement observé, dans les guerres Russie-Ukraine et Israël-Hamas se situe sur les champs de bataille et non dans les démarches portant sur l’action lancée sur l’agresseur, spécialement quand, comme en Haïti, il y a « urgence ». De toute évidence, la sincérité se trouve au rendez-vous, dans les relations entre ces partenaires internationaux. Tandis que, Haïti assume effectivement sa condition de « vassal » à l’égard du « suzerain », surtout quand les rapports se caractérisent par « l’aide étrangère ». Il est donc humiliant qu’Haïti se trouve confronté à une crise sécuritaire sans précédent et qu’il n’est pas autorisé à lancer ses propres Forces armées à l’assaut des malfrats qui tuent, volent, kidnappent ses citoyens et violent ses femmes et ses filles, sans que cela ne semble émouvoir grand monde parmi ses « amis ».

Car, à l’instar de la gouvernance haïtienne, qui se construit à Kingston, Jamaïque, par les soins de la CARICOM, la décision relative à la guerre contre l’insécurité, en Haïti, se décide à Washington, Ottawa, Paris, aux Nations Unies, à New York et dans d’autres capitales occidentales. Quoiqu’on dise et fasse, dans la politique et la diplomatie, la souveraineté d’Haïti est mise en veilleuse, sans que les motifs ne soient clairement explicités, à coup d’embargo sur l’importation d’armes et de munitions contre ses forces de sécurité, depuis plus de 28 ans. Les démarches sur le déploiement de la force multinationale de soutien à la PNH ont été mal lancées, de toute évidence, sans la planification qui devrait caractériser une telle entreprise. Les décideurs n’ont pas semblé prendre soin d’en établir, comme cela devrait se faire, les minutieux détails.

Aussi les longues démarches ont-elles essuyé des échecs humiliants pour ces grands pays et l’ONU, l’outil diplomatico-politique des États-Unis et leurs alliés. Aujourd’hui, les défenseurs d’Haïti, ses filles et fils authentiques, doivent saisir l’occasion offerte par l’opportunité des prises de position en faveur des Forces Armées d’Haïti (FAd’H) suscitées au sein de l’administration américaine pour plaider la cause de l’injustice infligée à notre pays.

En effet, le quotidien Miami Herald a publié récemment, dans son édition du 25 mars 2024, un article dans lequel est signalé une plaidoirie du sénateur Marco Rubio de la Floride en faveur d’Haïti. Selon le parlementaire floridien, une intervention armée des États-Unis serait « très controversée, même parmi les activistes au sein de notre communauté ». Dès lors « c’est une situation extrêmement compliquée, sans issue facile, en sus d’être controversée, même parmi les Haïtiens dans notre communauté, que personne ne veut aborder ».

Par ailleurs, l’article du Miami Herald fait état de propos attribués à un haut fonctionnaire du Département d’État rapportant des commentaires à ce niveau venant de personnes gardant l’anonymat, suggérant la reprise de la livraison d’armes et de munitions à l’Armée d’Haïti, un revirement inattendu. Ces propos s’inspirent des bonnes notes accordées aux FAd’H pour sa performance dans la lutte contre la coalition dite « VivAnsanm » de malfaiteurs, contrôlée par Jimmy Chérizier, alias Barbecue. C’est que les FAd’H ont été félicités d’avoir aidé la PNH à chasser les gangs armés de l’aéroport international Toussaint Louverture qu’ils avaient occupé, à la suite de l’attaque du 29 février, ayant entraîné l’annulation, depuis lors, de tous les vols originaires de l’étranger à destination de Port-au-Prince.

Le peuple haïtien doit se donner les moyens de résoudre ses problèmes comme tous les citoyens du monde, en assumant pleinement leur responsabilité. Comme dit l’adage créole, « Se mèt kò ki veye kò ». Tout en remerciant le voisin de sa solidarité, nous nous gardons de jeter sur lui toutes nos responsabilités.

Haïti-Observateur 17 - 24 avril 2024

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