Camarades, je vous dis « jusqu’à la mort »

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Par Robert Lodimus

« La Sagesse, c’est le courage de faire ce que les autres ne font pas, de dire ce que les autres ne disent pas. »

                                         (Robert Lodimus)

     Les appauvris se sentent aujourd’hui orphelins de discours rationnels, de messages combatifs, sur la nécessité d’organiser une lutte sociale et  libératrice en faveur de la classe ouvrière mondiale. Des réflexions profondes, bien élaborées, truffées d’ardeurs de militance à la Étienne Lantier, à la Souvarine, les personnages atypiques d’Émile Zola. Les plus âgés restent nostalgiques des temps forts, où le salariat conscientisé, comme celui de Montsou, se battait fermement contre le patronat radin et endurci pour exiger le respect de ses « droits de vivre », plutôt que de se contenter d’exister, pour paraphraser Jacques Ellul. Faire ainsi reconnaître l’importance et l’indispensabilité de ses contributions physique, intellectuelle et professionnelle, pour que le monde avance et s’installe finalement dans l’hémicycle de la justice, du développement et du progrès sur une base de l’universalité. Blaise Pascal affirme que « la Justice sans la Force est impuissante. La Force sans la Justice est une tyrannie. » Les populations des bidonvilles et des ghettos du monde se trouvent confrontées à cette problématique embarrassante. Elles ne comprennent pas encore que seul un mouvement légitime, bien organisé leur procurera les moyens nécessaires de triompher du Mal, et d’imposer à leur tour leur vision sociétale et  révolutionnaire par la Force de la Justice.

     La société capitaliste construit ses pénitenciers et ce sont les « infortunés » qui remplissent les cellules. Sans emploi, sans revenu, ces défavorisés ont fini par céder aux tentations de la « délinquance de subsistance ». Pourtant, le « pouvoir judiciaire » ne leur reconnaît aucune circonstance atténuante. Dans certains pays, les juges vont jusqu’à infliger la peine maximale à des accusés qui ont commis des larcins pour s’acheter quelques pincées de maïs moulu, de farine de manioc et un peu d’huile de cuisson. Vous n’avez qu’à visiter les prisons infernales des États-Unis, du Canada, de la France, de la République d’Haïti où des misérables y moisissent durant plusieurs années pour le vol d’un téléphone cellulaire de mauvaise qualité. Dans ces pays où l’État est mis en coupes réglées par les puissances impériales, les délits des pauvres, même mineurs, deviennent carrément des crimes. Alors que des rois, des présidents, des ministres, des dirigeants de grandes firmes multinationales, qui détournent les taxes des contribuables et les fonds des actionnaires,  arrivent à échapper facilement aux procédures des poursuites légales. Hunter Biden, le fils de l’actuel président des États-Unis, Joe Biden, a plaidé coupable dans deux affaires pénales. Agé de 54 ans, ce délinquant toxicomane, qui porte sur ses épaules une quantité considérable du contenu maléfique de la boîte de Pandore, continue de parader dans ses grosses cylindrées, en attendant que les fameux « juges du système » décident du « sort clément » qu’ils lui réservent, selon les « lois » iniques du clan des mafieux. Alors que les enfants des appauvris sont envoyés à la roche Tarpéienne après des parodies de procès.  Ce sont les Indiens, les Arabes, les Latinos et les Noirs qui pourrissent dans les pénitenciers du Canada. En France, on y retrouve surtout les habitants des Cités.

    Le monde contemporain est entraîné dans une spirale de violences. La guerre éclate en Afrique, au Proche et Moyen-Orient entre des groupes politiques et religieux rivaux. Le complexe militaro-industriel, qui allume le plus souvent ces foyers d’hostilités, fait des affaires en or. Les familles s’expatrient pour échapper à la mort brutale. Elles abandonnent tout. Sous des tentes chauffées par le soleil du désert, la plupart d’entre elles sont contraintes de vivre sans eau courante, sans électricité, sans nourriture adéquate. Les maigres rations de vivres qu’elles reçoivent des « organismes internationaux de bienfaisance » leur permettent seulement de subsister. L’oligopolisme démoniste provoque des situations de conflits armés en Lybie, Irak, Égypte, Syrie, Haïti, Ukraine, Palestine, au Mali, Soudan, Niger… pour assurer le cumul des surprofits sur le capital investi dans la fabrication des armes de destruction massive. Malgré toutes les épithètes diabolisantes que la presse occidentale a utilisées  pour qualifier le pouvoir politique du colonel Kadhafi, les Lybiens paieraient cher aujourd’hui pour revenir à l’ancienne époque où le minimum social et économique était au moins garanti par l’État à la population. La liberté de parole est un signe évident de la « démocratie ». Mais ce n’est pas tout. Il en existe des corollaires. Le droit de parler mais en crevant de faim, en dormant dans la rue, en végétant dans le chômage chronique, et en n’ayant pas accès aux soins de santé, cela servirait-il à faire de nous des citoyennes et des citoyens libres? Et c’est la même rengaine qui vient des hégémonistes occidentaux pour discréditer les dirigeants qui ont lutté pour soustraire leur peuple à la dictature du capital ruineux. Ils ont claironné sans arrêt que Fidel et Raoul Castro étaient des monstres politiques. Qu’ils brimaient les « libertés » d’expression, d’association et de circulation des Cubains… Mais ils n’ont jamais dit que depuis le 1er janvier 1959, date de l’entrée triomphale des « barbudos » à la Havane, les fils des ouvriers et des paysans sont allés rejoindre les enfants de la bourgeoisie de Batista sur les bancs des universités havanaises. Actuellement, l’île compte plus de médecins au monde par habitants : 9 médecins et 9 infirmières pour 1000, contre 2,7 médecins praticiens pour 1000 personnes au Canada, qui surpasse malgré tout les États-Unis (2,6). L’OMS baptise Cuba « l’île de la santé ».

    Des millions d’enfants dans le monde n’accèdent pas à l’instruction primaire.  Ils n’ont jamais connu le bonheur de dormir dans un vrai lit, à l’abri des intempéries, ni le plaisir de manger à leur faim et de boire à leur soif. Et pourtant, ils se recroquevillent chaque soir dans leur couche de latanier, caressant le rêve silencieux de se réveiller un matin à l’aube pour voir pointer dans le ciel nébuleux de leur existence chagrinante le soleil du « changement » tant espéré. Comme les enfants de l’Occident, ils auraient pu finalement penser aux cadeaux qu’ils recevraient du « Père Noël » le 25 décembre, jour de la naissance d’ « Emmanuel », au lieu de prier vainement pour le pain, l’eau, l’électricité, le logement décent qui manquent – trop longtemps déjà – dans le bidonville où ils vagabondent et s’amusent journellement avec les spectres de la délinquance sociale : vol, prostitution, trafic de stupéfiants, assassinat… Avant d’aller remplir les prisons que la société bourgeoise a construites spécialement pour eux à la place des écoles dont ils ont besoin pour devenir des personnalités utiles, capables de participer de manière dynamique au processus de développement économique de leurs régions.

    Chaque enfant appauvri qui naît dans un bidonville insalubre est une bombe à retardement pour la société elle-même. D’ailleurs, ce phénomène est observable actuellement à Port-au-Prince. Rendu à l’âge adulte, cet « engin humain », qui n’a pas été désamorcé, explose et cause des dégâts importants, et parfois même irréparables, dans le corps sociétal. Les cas horrifiants de kidnapping, de vol, d’assassinat et de viol perpétrés en Haïti par le boucanier, chasseur de chair humaine, Jimmy Chérisier, le cynique Izo du Village de Dieu, le crasseux Ti Lapli à Martissant, et les autres crapules gangstérisées, débordent comme une rivière en crue. Les gosses défavorisés ont donc besoin d’être pris en charge, guidés et encadrés dès leur tout jeune âge. Seulement ainsi qu’ils pourront devenir des femmes et des hommes au service de leurs compatriotes et de leur patrie. Cependant, il faut se rendre à l’évidence que, – parvenus au paroxysme de la criminalité et de la cruauté –, les Lanmò san Jou, Vitelhomme, et les autres bandes racailleuses qui se regroupent dans le mouvement satanique « Vivre ensemble », sont irrécupérables. Seul un État révolutionnaire et progressiste pourra régler définitivement leur cas. Sans oublier ceux qui les soutiennent et les financent. De l’intérieur. Comme de l’extérieur. La lecture de Nicolas Machiavel permet de comprendre qu’il ne faut en aucun cas négocier avec « Belzébuth ».   

     En Haïti, les kidnappés d’autrefois sont devenus à leur tour les kidnappeurs d’aujourd’hui. Dès la naissance, la misère de la rue les a kidnappés. Ils ont grandi, – nous l’avons souligné précédemment –, sans assistance publique. La pauvreté est une vectrice de la criminalité. Revisitez les livres et les documentaires biographiques sur les grandes figures de la mafia internationale. Al Capone, Tony Accardo, Tommy Luchese, Mickey Cohen, Vito Corleone, dans le film de Francis Ford Coppola réalisé en 1972, – vous pouvez en ajouter d’autres –, ont suivi le même parcours existentiel : émigration, misère, délinquance juvénile, non-scolarisation… Ne devant rien, absolument rien à la société impériale, ils ne se voient pas obligés de se soumettre aux lois votées et ratifiées par les intellectuels petits-bourgeois au service de la classe dominante. Nous parlons de ces individus impassibles, sans scrupule,  qui oppriment les paysans, les travailleurs et les sans-travail, de toute cette pléiade de sous-humains qui sont exposés à la crevaison de la faim. Ce sont ces jeunes sans ressources instructionnelle, matérielle et spirituelle, livrés à des actes répréhensibles, – parfois malgré eux –, que nous appelons les hors-la-loi. Ils sont devenus des bandits, des truands, des assassins, des voleurs qui bouleversent l’ordre sociétal institué par la « nomocratie » des enrichis. Au cinéma, ces personnages sont interprétés par Fernando Sancho, Lee Van Cleef, Eli Wallach, Gian Maria Volonté, Henry Fonda, Robert Hundar, Klaus Kinski… Les chenapans haïtiens qui bouleversent la vie des riverains, menacent l’existence sociétale, n’ont jamais tenu un ouvrage dans leurs mains. Victor Hugo, Justin Lhérisson, Émile Zola, Fréderic Marcelin, Démesvar Delorme… ne représentent aucune valeur morale et intellectuelle à leurs yeux. Quand ils sont malades, ils crèvent dans la rue, sur le trottoir. C’est la frustration rageuse qui les pousse à brûler les bibliothèques, à incendier les écoles, à démolir les pharmacies, à piller les magasins, à détruire les haciendas, à raser les maisonnettes… Ne sommes-nous tous pas vraiment témoins et complices, – d’une certaine façon –, de leurs malheurs ?

     Il ne faut surtout pas penser que le rétablissement de la peine de mort, dans une société qui l’a abolie, permettra aux citoyens de dormir sur leurs deux oreilles. Plusieurs études ont démontré que cette thèse ne tient pas la route. L’individu qui assassine, qui tue, le fait bien souvent par besoin de mourir lui-même. Comment peut-on tuer un cadavre ? Une personne qui n’a pas les moyens d’acheter du pain, qui n’est pas allée à l’école, qui n’a pas un endroit où reposer sa tête lorsque le voile de la nuit recouvre le paysage, qui vit donc dans des conditions abjectes de marginalisation socioéconomique, n’est-elle pas déjà morte, pour invoquer l’âme philosophique de William Shakespeare qui nous a appris : « Déjà mort, il n’y a plus de mort possible. »

     Au début, pour dissuader les criminels, les exécutions avaient eu lieu sur la place publique. Les gens se levaient dès l’aube pour assister au spectacle macabre. Cependant, les États, qui pratiquaient cette méthode châtimentielle, avaient remarqué que les crimes affreux commis dans la société n’avaient pas diminué pour autant. Au contraire, ils étaient à la hausse. On peut donner aussi la mort par désespoir. Dans ce cas, le crime devient une forme de suicide pour certains individus qui sont incapables d’accomplir l’acte funeste par eux-mêmes sur eux-eux-mêmes. Aux États-Unis, des criminels vont même commettre leurs forfaits meurtriers dans des États où la peine capitale n’est pas abolie.

    La terre qui était à la genèse un paradis pour l’être humain est devenue un lieu terrible où se propagent les feux inextinguibles de l’enfer. Les systèmes de société actuelle « inhumanisent » les nantis et « déshumanisent » les misérables. Mais comment reloger les uns et les autres à l’enseigne des valeurs morales qui confèrent la dignité humaine ?

    Les penseurs progressistes de la planète doivent  trouver urgemment des réponses rationnelles – de l’ordre pascalien – à cette question lourde de sens et de responsabilité. Ils ont le devoir impérieux de conceptualiser – en se référant à l’axe typologique de Maurice Duverger ou de Raymond Aron – un  nouveau système d’État mieux adapté au rêve des appauvris,  de dynamiser une nouvelle méthode de lutte contre le « capital  monopolistique » dans le but de revaloriser les prolétaires, les journaliers et les sans-emploi.

     Il ne faut pas oublier que la faim tue, et pousse également à tuer… Une créature humaine privée de nourriture peut devenir aussi enragée que le loup de Gubbio. Du côté de Jean Rabel, en Haïti, dans les années 1960, alors que la sécheresse faisait rage, un père écorcha le dernier-né, en l’absence de sa concubine, afin de nourrir ses autres enfants affamés. Combien de crimes ne sont pas commis tous les jours à cause de ce monde maintenu sous l’emprise de l’appauvrissement extrême?

      Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter d’aborder les problèmes des États du Sud de façon hermétique, irréaliste et métaphorique comme le poète Mallarmé, ou parabolique comme les Prophètes des époques anciennes. Il faut courageusement toucher la plaie du doigt. Quels sont les principaux États capitalistes qui s’amusent à fermer les portes du développement durable au nez des populations qu’ils ont identifiées avec les étiquettes de Tiers-monde, le concept de l’économiste et du démographe Alfred Sauvy ? La réponse ne passe par aucun couloir d’hésitation : les États-Unis, la France, le Canada, et leurs autres acolytes du G7… Le clamer ouvertement occasionnerait pour les membres de certains groupes ou des individus l’annulation de leurs visas d’entrée en Europe ou en Amérique du Nord, signifierait pour des organismes et des partis politiques « bidon » la perte des subventions substantielles en provenance des ambassades, des consulats et des institutions d’aide internationales liées aux intérêts du néolibéralisme.

    En ce qui concerne Haïti, la résolution des problèmes politiques, sociaux et économiques graves passe par l’atomisation de toute la charpente du système idéologique du néolibéralisme. Avec la présence des puissances impérialistes sur le territoire national, aucune mise en place de structures révolutionnaires de développement progressiste, pour la refonte radicale des institutions publiques apathiques, ne sera possible.

     Haïti est comme Mikhaïl Vlassov, le personnage de Maxime Gorki, qui creva d’une hernie, parce qu’il refusait l’intervention chirurgicale commandée par son médecin traitant. Cette République est sur le point de rendre son dernier soupir, mais ses filles et ses fils refusent de lui administrer les médicaments qui soient capables de la retourner à la vie : l’insurrection populaire, la désobéissance civile, le chambardement sociétal… Bref, le dépérissement de l’État bourgeois au profit de l’éclosion d’une Révolution politique à l’instar de la Chine de Mao, du Cuba de Fidel, de la Russie de Lénine et de Trotsky, du Venezuela de Chávez, du Burkina Faso d’Ibrahim Traoré, du Mali d’Assimi Goïta, du Niger d’Abdourahamane Tchiani, et peut-être du Sénégal de Bassirou Diomaye Faye.

       L’ouvrage volumineux d’Alvin Toffler, Les nouveaux pouvoirs… Savoir, richesse et violence à la veille du XXIe siècle, nous a convaincus de la difficulté réelle pour que les pays situés dans les régions de vulnérabilité contondante, pluridimensionnelle, franchissent le cap d’une révolution politique et économique qui viendrait réparer les torts et les dégâts causés par les « commandos des affaires » dans les organes des sociétés sous l’emprise de la mondialisation. Huey Long, sénateur de Louisiane, est mort assassiné en 1935. Il a prononcé deux phrases qui sont passées à la postérité : « Partageons les fortunes » et « Chaque homme est l’égal d’un roi !» (Rapportées par Vance Packard,  LES ULTRA RICHES, p. 25)  Comment faut-il interpréter  ces cris d’indignation et de révolte lancés par Huey Long et qui ont scandalisé la classe possédante aux États-Unis et ailleurs?

      Les pays en voie de développement, et même émergents, doivent se regrouper au sein d’une nouvelle « Organisation internationale » qui soit effectivement capable de représenter leurs intérêts, de garantir leurs droits et de protéger leurs libertés.

Robert Lodimus

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