Hommage posthume au Sénateur Turneb Delpé, architecte et promoteur de l’unité nationale : plaidoirie en faveur des conférences nationales comme stratégie pour résoudre la crise

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Hommage posthume au Sénateur Turneb Delpé, architecte et promoteur de l’unité nationale : Une plaidoirie en faveur des conférences nationales comme stratégie pour résoudre la crise. 

Le 24 janvier 2005, sur les ondes de la Radio Galaxie, le défunt sénateur Turneb Delpé a fait la déclaration suivante, et je cite: »…une conférence nationale est la dernière chance pour Haïti d’être sauvée, pour éviter que certains pays de la communauté internationale ne trouvent le prétexte qu’ils recherchent pour nous présenter comme des incompétents notoires et nous soumettre une fois de plus à la domination étrangère, comme il en est question aujourd’hui dans divers médias étrangers« . 

En 2005, Haïti faisait face à d’innombrables défis sociaux, économiques et politiques, exacerbés par l’absence de structures de gouvernance stables, ce qui a plongé le pays dans un environnement volatile où différentes factions se disputaient le contrôle. L’année précédente, la chute du président Jean-Bertrand Aristide, accusé d’abus de pouvoir, de corruption et de violations des droits de l’homme, a entraîné une vacance du pouvoir. Au cœur de ce chaos politique, le sénateur Delpé, reconnu comme le « père de la conférence nationale », n’a jamais cessé de prêcher son évangile. Il percevait dans la Conférence nationale une réponse cruciale au besoin pressant d’un dialogue global et inclusif, une voie essentielle pour une Haïti stable et prospère.

Malheureusement, le sénateur Turneb Delpé est décédé le 27 mai 2017, à l’âge de 66 ans. Né en 1951, il a laissé en héritage des idées visionnaires pour une Haïti meilleure, mais il n’a pas assisté à la réalisation des rêves qu’il avait allumés.

Aujourd’hui encore, Haïti se trouve au cœur d’une série de crises: une myriade de défis complexes et apparemment insurmontables, sans fin apparente en vue. La présence de gangs armés dans la capitale, Port-au-Prince, fait régner la peur et l’instabilité. L’élite politique est engluée dans les scandales, avec des personnalités impliquées dans des activités illégales, allant des liens avec les gangs à la corruption et au blanchiment d’argent, drogues, abus de pouvoir, etc. En l’absence d’un président legitime ou d’un parlement pour représenter la volonté du peuple, un premier ministre, illégitime et fortement corrompu (sans parler d’une éventuelle implication dans le meurtre d’un président en exercice), demeure au pouvoir: Rèd Rèd tankou yon ke makak!  Tout semble indiquer que le de facto premier ministre n’a pas l’intention de démissionner. Pire: Il n’y a pas de dispositions constitutionnelles pour le remplacer. Les perspectives économiques sont sombres. Malgré les efforts diplomatiques de l’ONU, de l’OEA et de l’Union des Caraïbes, la crise politique perdure. Haïti reste dans l’incertitude. La venue anticipée d’une force internationale de l’ONU est accueillie avec appréhension; elle fait écho aux interventions passées qui n’ont pas réussi à soulager la situation du pays. Pour reprendre les paroles célèbres de l’humoriste Gaëlle Bien-aimé: qu’est-ce qu’on fait?

Jusqu’à présent, personne (groupe) n’a présenté un cadre global pour résoudre la crise qui soit véritablement une « solution haïtienne ». Les solutions proposées par les factions politiques manquent de soutien public. Il y a à la fois une désillusion généralisée et un manque de confiance dans les acteurs et dans le processus politique. La diaspora haïtienne, qui constitue une ressource économique vitale, reste divisée, privilégiant les agendas individuels plutôt qu’une approche unifiée. Pourtant, l’ancien sénateur Turneb Delpé nous a laissé une marche à suivre–  un plan pour la paix et la stabilité: la conférence nationale. Pourquoi personne ne poursuit ce chemin?

Pour ceux qui répondront, il est trop tard; que la situation est critique; que les blessures sont trop profondes et nombreuses; et que les défis potentiels sont trop complexes, trop urgents pour justifier une conférence nationale coûteuse, longue et inefficace: je dirai ce qui suit.

Tant que les personnes de bonne conscience n’auront pas rassemblé leurs forces, le Premier ministre de facto continuera d’être le principal orateur pour Haiti, la personne de référence pour la communauté internationale; et, la communauté internationale continuera à nous traiter comme des incompétents notoires, ou des petits enfants. Et pourtant, chaque groupe (personne) promeut leur propre accord partiel: Montana, Louisiana, Kingston, Montreal…etc. Je dis partiel, car ces solutions n’abordent pas la crise dans toutes ses dimensions (politique, économique, justice)- et chacune de ces solutions partielles qui se disputent la suprématie semble vouloir promouvoir et protéger les intérêts d’une poignée de privilégiés. Encore la question de Gaëlle: qu’est-ce qu’on fait?

Honorons la mémoire de Turneb Delpé – une voix résonnant du passé. Nous sommes à un moment décisif pour établir les fondements d’une nouvelle République. Il est impératif de résister aux solutions hâtives et simplistes. Ce moment historique nous offre l’opportunité de faire face à la crise constitutionnelle, de réformer le système judiciaire, pour fournir un cadre pour l’authentification des juges contestés à la Cour de cassation, pour lutter contre la corruption, l’impunité et les déficits éthiques. En outre, une conférence nationale nous donnerait l’occasion de nous atteler à la tâche douloureuse de réexaminer d’importantes questions constitutionnelles et d’élaborer un plan de développement durable, de prospérité économique et de réinsertion sociale des nombreuses victimes des gangs et des actes de violence. Les conférences sur la gouvernance, la justice et les politiques publiques peuvent être le point de départ d’une nouvelle structure intérimaire, pouvant mener Haiti vers une gouvernance politique stable et democratique dans le bon sens Haitien.

Aujourd’hui, en l’honneur de l’ancien sénateur Turneb Delpé, j’appelle la société civile, les organisations communautaires, les acteurs politiques, les leaders religieux, les universitaires, et d’autres parties prenantes clés à se joindre pour articuler un Plan Delpé. Ensemble, nous pouvons bâtir un avenir meilleur pour Haïti, fondé sur la justice, la transparence et le progrès. Puisse l’âme du sénateur Turneb Delpé trouver la paix éternelle. Que son esprit soit vénéré comme un ancêtre moderne, guidant notre chemin avec sagesse et inspiration.

Headly Noel, Politologue

noelheadly.p@gmail.com

Novembre 23, 2023

Turneb Delpé

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