La construction des canaux d’irrigation doit se poursuivre dans tout le pays

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L’article suivant rédigé par le Dr. Bellita BAYARD figurera dans la publication prochaine de l’ouvrage du Dr. Joël Lorquet intitulé « Le canal de la rivière Massacre, une opportunité pour renforcer la production nationale et entamer le développement endogène ».

Ce livre comportera trois parties :

1-Une analyse de la situation actuelle par l’auteur,

2-La publication des différentes opinions recueillies de la part des spécialistes de la question et

3-Les résultats d’un travail scientifique réalisé à partir d’une enquête autour de la position des Haïtiens sur la construction de ce canal.

Cet ouvrage de plus de 350 pages servira de guide et de repères aux chercheurs et investisseurs intéressés à faire de la production nationale une réalité en Haïti.

Bonne lecture :

La construction des canaux d’irrigation doit  se poursuivre dans tout le pays

Par : Bellita BAYARD, Ph. D

Parler du développement endogène, c’est penser à une approche territoriale du développement proprement dit, par rapport à la croissance économique.  Le développement endogène tient compte des besoins fondamentaux sur trois aspects : l’aspect territorial, communautaire et démocratique. Quant au développement territorial, l’État haïtien doit se décider sur les approches  habituelles du développement, en fonction de l’espace et des besoins de la population.  Il doit identifier les meilleures techniques et les intrants y relatifs. Le développement d’Haïti est, au prime abord la capacité de l’État  de nourrir, loger, vêtir, éduquer, de combattre le chômage au niveau de toute la population, pour arriver au plein emplois. C’est la valorisation  des ressources locales, en incluant les  aspects sociaux, culturels, techniques, agricoles etc. Le développement endogène d’Haïti implique que la population locale, prenne en main le contrôle de la vie économique locale.

Le développement endogène d’Haïti suppose la mise en valeur de l’agriculture, des agriculteurs et l’industrie de transformation agricole. Il faut, non seulement considérer les connaissances empiriques et traditionnelles des gens des zones rurales, leurs sagesses, leurs pratiques et leur vision globale concernant le monde naturel, humain et spirituel, mais aussi leur donner du pain de l’instruction pour faire face à la robotisation de l’agriculture haïtienne. Il faut également mettre en valeur les ressources locales disponibles. (Deogratias, F. R., et Stephen J.N., 2007). Pour parler du développement endogène d’Haïti, il faut considérer et mettre en valeur les types de ressources telles que : les ressources naturelles : sol, écosystème, climat, faune et flore; les ressources humaines : connaissances et compétences, concepts locaux, méthodes d’apprentissage, enseignement et expérimentation; ressources produites par l’homme : bâtiments, infrastructures et équipements ; ressources économiques et financières : marchés, revenus, droits de propriété, crédit et prix ; ressources sociales : organisations familiales et ethniques, institutions sociales, direction politique ; ressources culturelles : croyances, normes, valeurs, festivités et rituels, art, langage et mode de vie.

Les Haïtiens doivent valoriser les ressources internes du pays. Par exemple dans le domaine de la construction, l’Haïtien a une compréhension de ce qu’est le vivre ensemble ou en communauté. Ils doivent repenser la construction en fonction des besoins locaux, sans nier les techniques modernes en ce qui concerne la sécurité des vies et biens de la population. D’ailleurs les méfaits du séisme du 12 janvier 2010 et les intempéries récurrentes doivent servir de leçons aux haïtiens, afin qu’ils puissent construire leurs maisons pour la protection de l’environnement naturel et physique. Le développement endogène suppose également ce que les générations précédentes vont laisser pour les générations à venir. La tendance en Haïti est de laisser des dettes faramineuses qui seront endossées par les générations futures, qui elles-mêmes n’ont pas la possibilité de jouir des bienfaits de ces prêts. Ceux-ci sont le plus souvent mal utilises ou utilises a d’autres fins personnels, au lieu de les investir dans le développement du pays. Pour faire le développement endogène, il faut que l’État haïtien soit  politiquement et socialement fort, afin de faire appliquer les principes de base de la croissance et du développement.

Le développement endogène d’Haïti suppose aussi la conservation de l’environnement naturel, combattre l’aliénation culturelle. Il faut moderniser l’agriculture sur plusieurs aspects :

1) Il faut comprendre que l’agriculteur est un métier comme tous les autres. Les gens ne doivent pas choisir cette activité par nécessité, mais par amour et compétences naturelles. Par exemple, un universitaire peut choisir de devenir agriculteur.

2) Les lopins de terre sont utilisés pour l’agriculture familiale. Pour concevoir le développement endogène dans le domaine de l’agriculture, il faut que les agriculteurs puissent mettre leurs lopins de terre ensemble pour faire les latifundia, car le minifundia n’est pas recommandé dans le processus du développement agricole.

3) L’agro-industrie est une priorité pour le développement endogène d’Haïti. Trop de denrées agricoles sont perdues à cause d’un manque d’infrastructures routières, électriques etc. L’État aurait pu penser à subventionner l’agro-industrie biologique alimentaire par  la transformation sur place de ces denrées. Cela éviterait les pertes de temps et d’argent par les agriculteurs.   

Le développement endogène d’Haïti peut ouvrir des fenêtres d’opportunités, afin de tirer plusieurs avantages. Les opportunités de développement durable d’Haïti sont à l’échelle nationale et internationale. Ce sont les  opportunités de marchés. D’ailleurs, Haïti est l’un des pays sur la planète dont l’agriculture est totalement biologique, sans additifs chimiques. Ce sont ces types produits qui sont priorises par certains consommateurs internationaux. Pour attraper ou saisir ces opportunités, Haïti doit prioriser les technologies innovantes en vue d’améliorer l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie, le transport durable. Elle doit ouvrir le champ à la technologie de l’information et de la communication (TIC), en vue d’améliorer la qualité de ses services offerts etc. 

En Haïti, les conditions de pauvreté sont tellement criantes qu’une bonne partie de la population vit à moins de 2 dollars américains par jour. Dans certains endroits du pays, il y a une faim chronique. La malnutrition est la cause majeure de plus de la moitié de la mortalité infantile. Ils sont dans l’impossibilité de se loger, l’analphabétisme est à un taux élevé  et le chômage bat son plein. Il faut voir aussi l’accroissement de la population et l’exponentialité de l’exode rural vers les zones urbaines et d’autres pays de l’Amérique du Nord et du Sud. Donc, Haïti est décapitalisée, quasiment dépouillée de sa main-d’œuvre active et intellectuelle. Pour avoir de l’autosuffisance alimentaire, Haïti doit produire des aliments et augmenter la sécurité alimentaire de chaque ménage et avoir un surplus pour le marché extérieur. Il faut que l’État puisse contrôler les prix, afin que les gens puissent capables d’acheter les produits alimentaires. Le problème d’insécurité généralisée n’est pas innocent dans le problème de sous-alimentation du peuple haïtien. Nous devrions cesser d’importer les produits que nous cultivons en Haïti. En d’autres termes, l’État doit mettre des taxes élevées sur les produits que nous cultivons qui reviennent de l’extérieur, afin de donner la priorité aux produits haïtiens sur le marché.

Enfin, le mouvement de la construction du canal attenant à la rivière Massacre à Ouanaminthe doit inspirer d’autres personnes des secteurs agricoles de la vie nationale en vue d’emboiter le pas. Ils peuvent utiliser maintenant l’eau des rivières à bon escient. Haïti a environ 285 à 300 rivières. Elles sont sous exploitées. Il n’y pas de politique d’irrigation, ni de lacs collinaires pour supporter les plantations pendant les saisons de sécheresse. Voilà pourquoi le pays devient le meilleur marché juteux de la République dominicaine. Nous comprenons également pourquoi Abinader s’oppose à tout réveil des agriculteurs haïtiens. L’autosuffisance alimentaire est un atout pour Haïti. Elle peut aider le pays à avoir des devises nécessaires dans la vente de leurs produits. Pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire et économique, Haïti doit accroître au maximum sa production alimentaire et la création d’emplois.

En raison de ce qui précède,  il devrait y avoir dans le secteur agricole haïtien plusieurs canaux d’irrigation dans tout le pays. Ce qui nous permet de dire que la construction des canaux d’irrigation doit  se poursuivre dans tout le pays. KANNAL YO PA DWE KANPE!

Références Bibliographiques

Deogratias, F. R., et Stephen J.N., (2007). Économie morale et développement endogène : le cas de la société matengo (Tanzanie) https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2007-2-page-262.htm

Bellita Bayard, Ph. D

Professeure

1 COMMENT

  1. Voici des intentions bien louables. Oui, à l’évidence, Haïti a besoin de redynamiser son secteur agricole. Mais faire croire que la multiplication des canaux d’irrigation agira comme une baguette magique est une grave et terrible erreur. Ce dont Haïti a besoin, c’est d’un projet ambitieux pour aider les agriculteurs à anticiper et lutter contre les effets du changement climatique, notamment les inondations dans certaines zones et le stress hydrique dans d’autres. Par ailleurs, il est capital que ce plan de développement de l’agriculture n’oublie pas le volet environnemental. Il est très important se s’assure des conséquences environnementales des canaux d’irrigation. l’enfer est pavé de bonnes intentions et il faut protéger Haïti de tout enthousiasme excessif dès lors qu’il ne s’accompagne d’une véritable expertise scientifique. Il ne faut jamais oublier que les conseilleurs ne sont pas les payeurs …

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