Les fondements constitutionnels de la future loi de politique linguistique éducative en Haïti

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Par Robert Berrouët-Oriol
Linguiste-terminologue

Montréal, le 23 août 2023

À la veille de la rentrée scolaire 2023-2024 en Haïti, de nombreux enseignants s’interrogent sur leurs conditions de travail, sur les outils didactiques et lexicographiques en créole qui sont encore trop peu nombreux dans l’École haïtienne, sur l’annonce de la prochaine diffusion à travers le pays des sept versions différentes du LIV INIK AN KREYÒL et également sur l’inexistence d’une véritable politique linguistique éducative au pays destinée à guider et à encadrer l’usage de nos deux langues officielles dans le système éducatif national. Cette interrogation s’exprime dans un contexte politique extrêmement tendu où les gangs armés –liés ou pas au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste au pouvoir en Haïti–, soumettent de larges portions du territoire national à la terreur armée et aux assassinats. Les caractéristiques principales de la situation politique aujourd’hui en Haïti sont connues de la population qui en est la principale victime et elles sont analysées par nombre de spécialistes. En témoigne un article récent exposant la gangstérisation/criminalisation du pouvoir d’État sous la coupe du PHTK et signé des universitaires Georges Eddy Lucien et Walner Osna, « Gangstérisation d’Haïti : du contrôle territorial au démantèlement des mouvements populaires » (Le Nouvelliste, 18 août 2023). Parmi les grandes qualités de cet article l’on a noté le constat exemplifié par les auteurs selon lesquels le « climat d’insécurité instauré comme mode de gestion du pouvoir en Haïti » s’avère être « un choix gouvernemental d’établir un climat de terreur afin de mater les soulèvements populaires ».

Le présent article expose à la réflexion et au débat public les causes et les conséquences de l’absence d’une politique linguistique éducative fermement ancrée dans une vision et dans une législation appropriée. L’absence d’une politique linguistique éducative occasionne de lourdes dérives curriculaires et programmatiques, entre autres la proposition ministérielle d’introduire les langues étrangères, l’anglais et l’espagnol, dans le curriculum des deux premiers cycles de l’École fondamentale sur un pied d’égalité avec nos deux langues officielles. Cette proposition ministérielle survient dans un contexte où le matériel pédagogique et didactique fait cruellement défaut pour l’enseignement du créole et du français alors même que le faible niveau de qualification des enseignants demeure un obstacle majeur en ce qui a trait à l’enseignement de ces deux langues.

1/ En quoi consiste la politique linguistique éducative ?

Le recours à la documentation scientifique est particulièrement éclairant pour bien comprendre en quoi consiste la politique linguistique éducative. Ainsi en est-il du remarquable « Dictionnaire de la sociolinguistique », une publication hors-série de la revue « Langage et société » dirigée en 2021 par Josiane Boutet et James Costa aux Éditions de la Maison des sciences de l’homme à Paris. Cette publication comprend des articles de premier plan, notamment « Alternance de langues » d’Isabelle Léglise, « Changement linguistique » de Françoise Gadet, « Créoles » de Salikoko Mufwene, « Droits linguistiques » de Giovanni Agresti, « Idéologie linguistique » d’Annette Boudreau, ainsi que « Politique linguistique » (pages 275 à 280) de Louis-Jean Calvet. Celui-ci expose de manière fort pertinente qu’« On distingue désormais entre le stade des décisions politiques et celui de leur application pratique, ce qui mènera en anglais au couple language planning/language policy ; en français politique/planification (ou aménagement) linguistiques. Il faut cependant noter quelques variations terminologiques, comme celle de Louis Guespin et Jean-Baptiste Marcellesi (1986) qui ont avancé le terme glottopolitique pour désigner « les diverses approches qu’une société a de l’action sur le langage » sans pour autant prétendre « périmer les termes de planification linguistique ou de politique linguistique ».

Au plan conceptuel, Louis-Jean Calvet poursuit en ces termes : (…) « On peut définir la politique linguistique comme l’ensemble des choix conscients concernant les rapports entre langue(s) et vie sociale, et la planification linguistique comme la mise en pratique concrète d’une politique linguistique (en anglais implementation). Un groupe social (par exemple, la communauté mondiale des sourds, la diaspora romanii ou celle des yiddishophones, des militants d’une langue régionale ou minoritaire, etc.) peut élaborer une politique linguistique mais celle-ci ne pourra être appliquée sur un territoire donné qu’à travers l’intervention d’une puissance politique qui seule a le pouvoir de passer au stade de la planification puis à celui de la législation. Ce qui n’exclut pas la possibilité de politiques linguistiques régionales comme en Catalogne ou au Québec, ou de politiques transnationales comme dans la Francophonie. »

Et Louis-Jean Calvet d’ajouter (…) « on distingue entre les interventions qui procèdent des pratiques sociales (in vivo) et celles qui procèdent des décisions étatiques et des linguistes (in vitro). Dans le premier cas, il s’agit de l’action des locuteurs sur la forme des langues (par exemple la néologie spontanée, qui n’attend pas les décisions d’une quelconque académie) ou sur leurs fonctions (par exemple, dans les situations de plurilinguisme social, l’émergence de langues véhiculaires). Les langues changent donc in vivo sous l’effet de leurs structures internes, des contacts avec d’autres langues et des attitudes et des pratiques linguistiques. L’action in vitro est d’un autre type : des linguistes analysent les situations et les langues, les décrivent, font des hypothèses sur leur avenir, des propositions pour gérer les problèmes, puis les politiques étudient ces hypothèses et ces propositions, font des choix et les appliquent. »

De manière générale, une politique est un « ensemble de principes généraux indiquant la ligne de conduite adoptée par une organisation privée ou publique, dans un secteur donné, et qui guident l’action ou la réflexion dans la gestion de ses activités. » (Grand dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française) 

La politique linguistique éducative est un énoncé qui consigne dans un contexte historique et social donné une vision, des objectifs, des fondements et des principes directeurs ciblant l’aménagement des langues dans le champ éducatif. Elle est formulée en articulant :

  1. Le contexte, les particularité et les défis.
    Situation des langues en présence dans un pays ou dans une région, les défis liés à leur place, à leur statut et à leurs fonctions. 
  2. Les fondements de la politique linguistique éducative : Constitution, lois, règlements, politiques.
    Assises légales et réglementaires des choix politiques en matière d’aménagement des langues en présence sur le registre de leur place, de leur statut et de leurs fonctions.
  3. Les principes directeurs et les objectifs.
    Lignes directrices, autres que légales et réglementaires, qui déterminent les actions privilégiées. 
  4. Les moyens d’action et les mécanismes de suivi.
    Actions à réaliser atteindre les objectifs fixés. Échéancier. Moyens pris pour s’assurer que les actions sont réalisées et qu’elles donnent les résultats escomptés. 
  5. Le champ d’application.
    Groupes et personnes qui vont mettre en œuvre la politique linguistique éducative et les responsabilités qui leur incombent. Personnes et structures visées par cette politique. (Référence / « Guide pour la rédaction d’une politique linguistique », Gouvernement du Québec, ministère de l’Éducation : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2010.) 

Dans l’article que nous avons publié le sur le site Rezonòdwès le 11 août 2023, « Plaidoyer pour l’aménagement simultané, dans l’École haïtienne, des deux langues officielles d’Haïti conformément à la constitution de 1987 », nous avons fourni un échantillonnage de pays ayant adopté des lois ou des dispositions constitutionnelles relatives au statut, au rôle et aux fonctions des langues présentes sur leurs territoires respectifs.

TABLEAU I / Échantillon de pays ayant voté des dispositions législatives (lois, règlements, décrets) et/ou des chartes constitutionnelles relatives au statut des langues et à l’aménagement linguistique

Source : Jacques Leclerc, membre associé au Trésor de la langue française au Québec, Université Laval – Site « L’aménagement linguistique dans le monde »

PaysTitre
Afrique du Sud1) Constitution nationale de 1996 ; 2) Loi sur le Conseil des langues sud-africaines (1995) ; 3) Loi sur la politique nationale en éducation (1996) ; 4) Loi sur les écoles sud-africaines (1996) ; 5) Politique linguistique en éducation (1997) ; 6) Politique linguistique cadre pour l’enseignement supérieur en Afrique du Sud (2001) ; 7) Loi sur la Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques (2002) ;  8) Loi sur l’emploi des langues officielles (2012) ; 9) Loi sur le Conseil des spécialistes des langues sud-africaines (2014) ; 10) Lois scolaires diverses ; 11) Lois diverses à portée linguistique 
Argentine1) Loi sur la langue (projet de loi Vanossi de 1991, non adopté) ;  2) Loi sur la préservation de la langue castillane (projet de loi Asís de 1994, non adopté) ;  3) Loi nationale sur les Affaires indigènes (1985) ;  4) Accord-cadre pour l’enseignement des langues (1998) ; 5) Loi sur l’éducation nationale (2006) ; 6) Loi 11.695 sur la langue argentine des signes  (1995)  
Egypte1) Loi affirmant l’usage de la langue arabe dans les relations des individus et des organismes avec le gouvernement et ses intérêts (1942) ; 2) Projet de loi sur la protection de la langue arabe (2021)  
Luxembourg
1) Loi sur le régime des langues (1984) ; 2) Règlement grand-ducal du 6 juillet 1994 portant création de certificats et diplômes attestant la compétence de communication en langue luxembourgeoise ; 3) Règlement grand-ducal du 9 décembre 1994 fixant les modalités du contrôle de la connaissance des trois langues administratives pour le recrutement des fonctionnaires et employés des administrations de l’État et des établissements publics ; 4) Règlement grand-ducal du 29 juillet 1999 portant création du Conseil permanent de la langue luxembourgeoise ; 5) Règlement grand-ducal du 30 juillet 1999 portant réforme du système officiel d’orthographe luxembourgeoise ; 6) Règlement grand-ducal du 5 février 2007 déterminant l’organisation du Conseil permanent de la langue luxembourgeoise ; 7) Loi du 22 mai 2009 portant création d’un Institut national des langues et de la fonction de professeur de langue luxembourgeoise
Norvège1) Loi du 11 avril 1980, n° 5, sur l’usage des langues dans les services publics, avec modifications du 11 mars 1988 ; 2) Règlement sur l’usage des langues dans les services publics (1988) ; 3) Loi relative à l’enseignement primaire et secondaire (Loi sur l’éducation) (2005) ; 4) Loi sur les toponymes (2005)

2/ De la réforme Bernard de 1979 à la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987, Haïti est toujours privé d’un énoncé spécifique de politique linguistique éducative et d’une loi contraignante d’aménagement de nos deux langues officielles dans l’École haïtienne

Le constat est flagrant et lourd de conséquences pour les 3 à 4 millions d’élèves en cours de scolarisation aujourd’hui dans l’École haïtienne : le système éducatif national est toujours privé d’un énoncé spécifique de politique linguistique éducative et d’une loi contraignante d’aménagement de nos deux langues officielles dans l’École haïtienne. L’expérience a montré qu’au cours des quarante dernières années l’État a refusé et/ou s’est révélé incapable de faire face à ses obligations constitutionnelles relatives au droit à l’éducation (article 32 de la Constitution de 1987 : « L’État garantit le droit à l’éducation »). Il s’est révélé incapable de produire une vision articulée de l’aménagement des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français, et de traduire cette vision dans un énoncé de politique linguistique éducative et dans une loi contraignante d’aménagement assortie d’une règlementation de mise en œuvre et de contrôle de cette politique. Pareille incapacité et/ou choix délibéré de l’État –qualifiés par plusieurs enseignants de « politik vire ron », « politik lamayòt », « politik je pete »–, perdure dans un contexte où la gouvernance du secteur de l’éducation se confond souvent avec la navigation à vue et sans plan directeur. Cette gouvernance erratique s’extériorise sur le mode du « fè wè » cosmétique, du « buzz » médiatique, entre autres à travers diverses interventions sur les réseaux sociaux charriant une phraséologie populiste et démagogique dans laquelle excelle de nos jours le ministre de l’Éducation nationale Nesmy Manigat, la superstar du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste (voir nos articles : —Le ministre de facto de l’Éducation Nesmy Manigat et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne : entre surdité, mal-voyance et déni de réalité , Le National, 2 décembre 2021 ; —L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire , Le National, 16 mars 2021 ; —De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ?, Le National, 11 novembre 2021 ; —L’aménagement du créole dans l’École haïtienne à l’épreuve de l’amateurisme et du « showbiz » cosmétique du ministère de l’Éducation nationaleRezonòdwès.org, 19 juillet 2023).

La gouvernance erratique du ministère de l’Éducation nationale est également en lien avec des choix idéologiques/politiques maquillés en choix didactiques et qui consistent à mettre sur un même pied d’égalité le créole, le français, l’anglais et l’espagnol, ce qui n’est nullement autorisé par les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 traitant de nos deux seules langues officielles, le créole et le français. Pareille confusion quant au statut, au rôle et aux fonctions didactiques de ces quatre langues est un trait commun, une posture commune aux « créolistes » fondamentalistes et à Nesmy Manigat. L’exemple le plus flagrant de cette confusion se trouve dans le document officiel du ministère de l’Éducation nationale intitulé « Cahier des charges pour l’élaboration du livre scolaire unique au premier cycle fondamental ». Au chapitre 4.4. de ce document officiel, « Modalités techniques », il est précisé que « Le livre scolaire unique doit : 

–se présenter en 2 ou 4 volumes correspondant aux 5 domaines proposés dans le Cadre d’orientation curriculaire (COC) contenant toutes les matières inscrites au programme officiel (créole, français, mathématiques, sciences sociales et expérimentales) et les thèmes transversaux d’éducation à la citoyenneté et au développement durable de gestion de risques et désastres (GRD) et d’éducation sociale et financière (ESF). Les domaines sont ainsi constitués : 

  • domaine des langues et de la communication : créole, français, anglais, espagnol (…) ».

La lourde confusion quant au statut, au rôle et aux fonctions didactiques de ces quatre langues, en plus d’être un trait commun entre les Ayatollahs du créole et Nesmy Manigat, elle a déjà, en toute rigueur, de lourdes conséquences sur le plan didactique. D’une part, elle oblige les rédacteurs de livres scolaires à mettre eux aussi les quatre langues sur un même pied d’égalité en contravention avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987. D’autre part, elle oblige les didacticiens à « uniformater » la didactique des langues et la didactique des matières sans élaborer (1) une didactique spécifique du créole langue de scolarisation et, (2) sans élaborer une didactique adaptée du français en situation de créolophonie. La lourde confusion consistant à mettre sur un même pied d’égalité le créole, le français, l’anglais et l’espagnol va à contre-courant des acquis consignés dans les travaux de nombre de linguistes. Sur le registre de la didactique du créole et de la didactique du français, l’on consultera notamment l’ample étude de Renauld Govain et de Guerlande Bien-Aimé, « Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle » parue dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021) ; voir aussi, dans le même livre, l’article de Charles Tardieu, spécialiste de l’éducation et ancien ministre de l’Éducation nationale, « La problématique de l’insertion de la langue créole dans le curriculum haïtien ». La problématique de la didactique spécifique du créole a été auparavant étudiée par le linguiste Renauld Govain dans un article de grande amplitude analytique, « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti » (revue « Contextes et didactiques » 4/2014). La problématique de la didactique du français en créolophonie a été étudiée par le linguiste créoliste Robert Chaudenson dans son livre « Didactique du français en milieux créolophones » – Outils pédagogiques et formation des maîtres » (Éditions L’Harmattan, 2008). L’on consultera aussi la contribution de la linguiste Darline Cothière, « Pour une didactique revisitée du français en milieu post-colonial » parue en décembre 2008 dans le numéro 6 de la revue « Recherches haïtiano-antillaises ». Les travaux du linguiste Pierre Vernet abordent aux aussi la complexe problématique de la didactique du français en contexte créolophone. Il s’agit des articles « Une démarche d’adaptation de la didactique du français aux enfants créolophones » paru dans R. Chaudenson (dir.), « Didactique du français en milieux créolophones – Outils pédagogiques et formation des maîtres (Éditions L’Harmattan, 2008), et de « L’enseignement du français au primaire dans les aires créolophones » (avec L.-J. Calvet, R. Chaudenson, J.-L. Chiss & C. Noyau, paru en 2008 dans les Actes du 12e congrès de la FIPF, Québec). 

Il faut prendre toute la mesure que de la réforme Bernard de 1979, lacunaire et inaboutie, à la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987, le système éducatif haïtien, sa gouvernance et les divers « produits » didactiques en usage dans nos écoles ont été l’objet de diagnostics variés élaborés au cours des ans tant par des instances nationales qu’internationales. Ainsi en est-il du document « État des lieux et définition d’une politique du matériel didactique en Haïti » / « Rapport d’études réalisé par le linguiste Pierre-Michel Laguerre », Projet « Éducation de base » financé par la Banque mondiale et daté d’octobre 1996. Alors même que ce rigoureux et indispensable travail d’analyse du matériel didactique en usage dans les écoles haïtiennes ne couvre pas la période 1996-2023 –il devra nécessairement être actualité dans un proche avenir–, il est symptomatique de la mal-gouvernance de l’Éducation nationale que ses pertinentes « Recommandations » consignées au chapitre « Éléments pour une politique du matériel didactique en Haïti » (pages 35 à 47) soient restées lettre morte… Il en a été de même pour la remarquable collection d’études rassemblées dans l’ouvrage « L’aménagement linguistique en salle de classe – Rapport de recherche » (Éditions Ateliers de Grafopub, 2000 ; voir le compte-rendu analytique de Fortenel Thélusma, « Analyse d’une étude commanditée par le MENJS en 1999 : « Aménagement linguistique en salle de classe », juillet 2017). Les judicieuses « Recommandations » de cette originale recherche de terrain sont restées lettre morte au ministère de l’Éducation nationale qui pourtant en a été le commanditaire… Plus près de nous dans le temps est apparu l’imposant « Référentiel haïtien de compétences pour le français et le créole / Referansyèl ayisyen konpetans pou lang franse ak kreyòl » élaboré par la linguiste-didacticienne Darline Cothière et daté du 15 mai 2018. Rédigé dans nos deux langues officielles, ce document de premier plan est assorti de la mention « Haïti – Mission réalisée pour le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) appuyée par la Coopération française (Fonds de solidarité prioritaire / FSP) – Référence du contrat : 09/2017 ». Le dépôt en 2018 de ce document commandité par le ministère de l’Éducation nationale n’a eu aucune suite et le « Référentiel » n’est même pas mentionné dans le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018-2028 ». Ce « Référentiel » a été téléporté, comme tant d’autres en coma prémédité, au grenier mutique du ministère de l’Éducation… 

La constante discontinuité dans la gouvernance de l’Éducation nationale est la conséquence de l’absence de vision au plus haut sommet de l’État et de l’inexistence d’un énoncé de politique linguistique éducative inscrite dans une loi contraignante d’aménagement assortie d’une règlementation de mise en œuvre et de contrôle de cette politique. Le mantra-cocorico de chaque nouveau ministre de l’Éducation nationale, en faisant table rase des initiatives de son prédécesseur, expose invariablement des « mesures », des « plans » aussi nouveaux que furtifs et une énième « réforme » du système éducatif national. Un exemple parmi d’autres : la déclaration d’avril 2017 de Pierre-Josué Agénor Cadet, l’un des plus médiocres ministres de l’Éducation nationale depuis la réforme Bernard de 1979, relative à la mise en œuvre des « 26 points de sa feuille de route » consistant notamment à « Entreprendre des politiques d’aménagement éducatif et linguistique, en vue de parvenir à un bilinguisme créole/français équilibré, et de promouvoir le multilinguisme dans le pays » (voir Robert Berrouët-Oriol : « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti », Le National, 17 avril 2017). S’il y a lieu d’émettre de fortes réserves sur la controversée notion de « bilinguisme équilibré » au titre d’un objectif majeur de l’aménagement linguistique en Haïti, il faut également rappeler que le ministère de l’Éducation nous a habitués ces dernières années à la passation d’accords cosmétiques sans lendemains et sans prise aucune sur le système éducatif national (voir Robert Berrouët-Oriol : « Accord du 8 juillet 2015 – Du défaut originel de vision à l’Académie du créole haïtien et au ministère de l’Éducation nationale », Potomitan, 15 juillet 2015).

Il convient de l’énoncer une fois de plus : la constante discontinuité dans la gouvernance de l’Éducation nationale est la conséquence de l’absence de vision au plus haut sommet de l’État et de l’inexistence d’un énoncé de politique linguistique éducative inscrite dans une loi contraignante d’aménagement assortie d’une règlementation de mise en œuvre et de contrôle de cette politique. Ainsi, au chapitre des idées du ministre de l’Éducation Nationale Nesmy Manigat sur la gouvernance de l’Éducation nationale, il y a lieu de rappeler qu’il soutient celle d’une énième « réforme » du système éducatif national plutôt que sa complète refondation prônée par de très nombreux enseignants. Comme l’expose un article paru en 2018 en Haïti, « L’ancien ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, Nesmy Manigat, attire l’attention sur des défis immenses qui [sont en lien avec] les problèmes fondamentaux du système éducatif haïtien. Deux ans après son départ du ministère de l’Éducation nationale (…), M. Manigat, (…) président du comité de gouvernance du Partenariat mondial pour l’éducation, constate avec déception qu’aucune réforme n’est en marche malgré l’engagement pris par d’importantes personnalités de la société en faveur du « Pacte national pour une éducation de qualité ». Sans se référer ouvertement dans le même article à son propre bilan à la direction de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat précise ce qui suit : « Nous avons beaucoup zigzagué et perdu du temps, et, aujourd’hui, à part de simples idées de réforme, nous ne pouvons pas dire que le pays suit un véritable plan » (voir l’article « Éducation : la réforme ne doit pas attendre », Le National, 30 août 2018). 

En dépit de l’inexistence d’un énoncé de politique linguistique éducative inscrite dans une loi contraignante d’aménagement de nos deux langues officielles dans l’École haïtienne, plusieurs « documents-cadre » ont été élaborés ces dernières années par le ministère de l’Éducation nationale sans que l’on sache lequel a la préséance et sert de guide à la gouvernance du système éducatif national. Il en est ainsi du « Plan décennal d’éducation et de formation 2018-2028 » que nous avons soumis à l’analyse critique dans notre article « Un « Plan décennal d’éducation et de formation 2018–2028 » en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative » (Potomitan, 31 octobre 2018). L’analyse de ce document a permis de mettre en lumière de lourdes lacunes conceptuelles et une absence de vision au plus haut sommet de l’État : les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation nationale ne consignent pas le projet spécifique de l’aménagement linguistique dans le système éducatif national. En clair, la problématique linguistique dans l’enseignement ne fait pas l’objet d’un chapitre particulier : l’aménagement linguistique dans les programmes et en salle de classe est disséminée dans des considérations générales du document. Les « Orientations stratégiques » du « Plan décennal…» mentionnent de manière lapidaire qu’« En résumé, au cours des dix années du plan décennal (2018-2028), de nombreuses actions seront entreprises pour (…) notamment « Renforcer le statut du créole en tant que langue d’enseignement et langue enseignée dans le processus enseignement/apprentissage à tous les niveaux du système éducatif haïtien » (« Plan décennal… », p. 28). Toujours en ce qui a trait à l’aménagement des deux langues officielles dans le système éducatif national, le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » consigne également que « Dans le prolongement de la Réforme Bernard, le créole sera obligatoire et utilisé comme langue d’enseignement au 1e cycle du fondamental et langue enseignée à tous les niveaux du système éducatif haïtien. Le français, en tant que langue seconde, sera introduit comme langue enseignée dès la 1ère année fondamentale dans sa forme orale et progressivement sous toutes ses formes dans les autres années suivant la progression définie dans les programmes d’études développés, et utilisé comme langue d’enseignement dès le 2e cycle fondamental » (« Plan décennal…» p. 26). On l’aura noté, la référence à la réforme Bernard de 1979 est ici décorative sinon totémique et le « Plan décennal… » ne précise nullement quels sont les acquis de cette réforme dont il se réclame et de quelle manière ces acquis seront mis en œuvre. De plus, la pleine reconnaissance et l’acceptation de l’obligation constitutionnelle et citoyenne de l’égalité des deux langues officielles aurait commandé que ce « Plan décennal… » soit rédigé dans un format bilingue créole-français, à l’instar de toutes les communications provenant du ministère de l’Éducation (cf. l’article 40 de la Constitution de 1987). 

3/ Les fondements constitutionnels de la future loi de politique linguistique éducative en Haïti 

Au plus haut niveau de l’État, l’absence d’une vision articulée de l’aménagement des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français, et l’inexistence d’un énoncé spécifique de politique linguistique éducative en Haïti sont le symptôme (1) de l’ignorance et/ou (2) du mépris/méconnaissance et/ou (3) du refus de reconnaitre que la politique linguistique éducative en Haïti dispose en amont de fondements constitutionnels. Cette ignorance se retrouve, il convient de le souligner, aussi bien dans le discours « technico-idéologique » des décideurs politiques que dans celui, « essentialiste-idéologique », conflictuel et clivant, des Ayatollahs du créole. Ainsi, le discours « technico-idéologique » des décideurs politiques privilégie la dimension « technique » dans l’approche de la problématique des langues d’enseignement en Haïti : il faut dans cette optique inonder l’École haïtienne de constantes « réformes », de « plans » et de « mesures » aussi furtifs que ponctuels et qui ne feront toutefois jamais l’objet de bilans analytiques internes et encore moins publics. Le discours « technico-idéologique » des décideurs politiques privilégie la « stratégie de l’empilement » qui consiste à additionner les « réformes », les « plans » et les « mesures », manière de faire semblant que l’État réforme l’École haïtienne avec constance. Pour sa part, le discours « essentialiste-idéologique » des Ayatollahs du créole privilégie « l’idéologie linguistique haïtienne » au sens où l’entend le sociolinguiste et sociodidacticien Bartholy Pierre Louis dans sa thèse de doctorat de 2015, « Quelle autogestion des pratiques sociolinguistiques haïtiennes dans les interactions verbales scolaires et extrascolaires en Haïti ? : une approche sociodidactique de la pluralité linguistique » (voir notre article « Le créole et « L’idéologie linguistique haïtienne » : un cul-de-sac toxique », Potomitan, 26 mars 2020). « L’idéologie linguistique haïtienne » se présente tel un discours de l’enfermement et de l’exclusion : pour donner préséance au créole, pour combattre la minorisation institutionnelle du créole, les « créolistes » fondamentalistes plaident pour la « stratégie de la terre brûlée ». Ils appellent à faire table rase, à rejeter l’une des langues de notre patrimoine linguistique historique, le français, stigmatisé au titre de « langue coloniale », de langue de la « gwojemoni » néo-coloniale, de langue de la « francopholie » ou encore de « virus mental ». Dans son fonctionnement sectaire et dogmatique, « l’idéologie linguistique haïtienne », qui prône l’unilatéralisme créole, ignore la vision du partenariat entre les langues française et créole défendue par des linguistes haïtiens de premier plan, notamment Pradel Pompilus et Pierre Vernet (sur le partenariat entre nos deux langues officielles, voir notre article « Le partenariat créole-français, l’unique voie constitutionnelle et rassembleuse en Haïti », Le National, 14 mars 2023) ; sur l’unilatéralisme créolophile, voir notre article « Le « monolinguisme » créole est-il une utopie ? », Le National, 1er août 2017) ; pour une revue de la notion d’« idéologie linguistique », voir l’article d’Annette Boudreau, « Idéologie linguistique » paru dans « Langage et société », publication dirigée en 2021 par Josiane Boutet et James Costa aux Éditions de la Maison des sciences de l’homme à Paris.) (Annette Boudreau est professeure titulaire – secteur linguistique, et co-directrice du Centre de recherche en linguistique appliquée (CRLA) de l’Université de Moncton.) 

Dans le champ éducatif, il faut prendre toute la mesure qu’il y a communauté de vue entre le discours « technico-idéologique » des décideurs politiques et celui, « essentialiste-idéologique », des Ayatollahs du créole. Cette communauté de vue –qui se caractérise en amont par la méconnaissance de l’impératif de la mise en application des droits linguistiques de tous les locuteurs haïtiens–, se fonde en très grande partie sur l’ignorance des fondements constitutionnels de la future politique linguistique éducative en Haïti. Quels sont ces fondements constitutionnels ?  Ils sont consignés à l’article 32 de la Constitution de 1987 relatifs au droit à l’éducation.

TABLEAU II / Section F : « Des droits fondamentaux » – « De l’éducation et de l’enseignement » dans la Constitution de 1987 

Article 32L’État garantit le droit à l’éducation. Il veille à la formation physique, intellectuelle, morale, professionnelle, sociale et civique de la population 
32.2La première charge de l’État et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre le développement du pays. L’État encourage et facilite l’initiative privée en ce domaine. 
32.7L’Etat doit veiller à ce que chaque collectivité territoriale, section communale, commune, département soit doté d’établissements d’enseignement indispensables, adaptés aux besoins de son développement, sans toutefois porter préjudice à la priorité de l’enseignement agricole, professionnel, coopératif et technique qui doit être largement diffusé. 
32.9L’État et les collectivités territoriales ont pour devoir de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’intensifier la campagne d’alphabétisation des masses. Ils encouragent toutes les initiatives privées tendant à cette fin. 

La Constitution de 1987 consigne donc un droit fondamental, celui relatif à l’éducation : « L’État garantit le droit à l’éducation ». Ce droit est assorti d’obligations régaliennes : « L’État et les collectivités territoriales ont pour devoir… ». Le droit à l’éducation ainsi que les obligations régaliennes de l’État sont appariés à l’article 5 du texte constitutionnel qui consigne la co-officialisation du créole et du français et qui sont annoncés dès l’ouverture solennelle de la Constitution de 1987 qui se réclame de l’Acte de l’Indépendance de 1804 et de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. La Constitution de 1987 est proclamée « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture et par la reconnaissance du droit au progrès, à l’information, à l’éducation, à la santé, au travail et au loisir pour tous les citoyens ». 

TABLEAU III / Articles de la Constitution de 1987 relatifs aux deux langues officielles d’Haïti

ArticleLibelléRemarques de RBO
5Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République. L’article 5 consigne la co-officialisation des deux langues de notre patrimoine linguistique historique sans formuler de hiérarchisation statutaire.
40Obligation est faite à l’État de donner publicité par voie de presse parlée, écrite et télévisée, en langues créole et française aux lois, arrêtés, décrets, accords internationaux, traités, conventions, à tout ce qui touche la vie nationale, exception faite pour les informations relevant de la sécurité nationale. Cette obligation constitutionnelle n’a jamais été mise en œuvre. Dans leur quasi-totalité, les documents de l’État sont rédigés en français uniquement.
213Une Académie haïtienne est instituée en vue de fixer la langue créole et de permettre son développement scientifique et harmonieux.Cette disposition, qui ne cible que le créole, a été dès 1987 contestée par plusieurs linguistes dont Pierre Vernet et Yves Dejean (voir notre article « L’Académie du créole haïtien : autopsie d’un échec banalisé (2014 – 2022) », Le National, 18 janvier 2022).

La dimension juridique et constitutionnelle de l’aménagement linguistique en Haïti est un sujet majeur qui mérite l’éclairage rigoureux des juristes et des constitutionnalistes. Compte-tenu de l’inexistence d’une véritable Cour constitutionnelle au pays et d’une explicite jurisprudence ciblant nos deux langues officielles, l’apport des juristes et des constitutionnalistes est essentiel à notre commune réflexion (voir l’article de référence du juriste Alain Guillaume « L’expression créole du droit : une voie pour la réduction de la fracture juridique en Haïti » (Revue française de linguistique appliquée, vol. XVI, 2011/1). 

Dans la présente conjoncture politique en Haïti, il est essentiel de rappeler l’énorme danger que représentent, depuis une dizaine d’années, les diverses tentatives frauduleuses et inconstitutionnelles de parachuter une nouvelle Constitution en Haïti. En dépit de ses faiblesses, la Constitution de 1987, œuvre humaine et perfectible, est la première charte fondamentale véritablement républicaine et démocratique élaborée depuis l’Indépendance de 1804 et votée librement par une très large majorité de citoyens. À ce titre, elle est porteuse de symbolisme et répond à des revendications biséculaires de la nation. L’Exécutif aujourd’hui dirigé par le funambule Ariel Henry et issu du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste ne dispose d’aucune légitimité populaire et constitutionnelle pour imposer un quelconque changement de régime constitutionnel destiné, entre autres, à protéger la très juteuse « rente financière » des ayants-droits d’un système amplement kleptocratique, tout en favorisant le retour à un hyper présidentialisme autoritaire et répressif de type « Papa Doc président à vie ». Un tel changement de régime constitutionnel sera caractérisé notamment par l’abattage de l’ensemble des droits démocratiques, y compris l’érosion des droits linguistiques des locuteurs haïtiens.

Dans notre « Plaidoyer pour l’aménagement simultané, dans l’École haïtienne, des deux langues officielles d’Haïti conformément à la constitution de 1987 » (Rezonòdwès, 11 août 2023), nous avons exposé ceci : « Il y a bien longtemps depuis que la linguistique nous a appris qu’il n’existe ni langues supérieures ni langues inférieures. De l’adoption en 1996 de la Déclaration universelle des droits linguistiques à aujourd’hui, les avancées en matière de formulation, d’explicitation et de promotion des droits linguistiques confirment toutes le principe jurilinguistique de l’égalité de statut entre les langues. Ce principe ne s’oppose pas à l’instauration de mesures préférentielles ciblant une langue en situation de minorisation institutionnelle comme c’est le cas du créole en Haïti. En cela l’État haïtien a parfaitement le droit d’instituer, dans le système éducatif national, des mesures préférentielles en direction des locuteurs unilingues créolophones mais ces mesures devront être adoptées en lien avec le futur et premier énoncé de politique linguistique éducative et sans instituer de mesures d’exclusion du français, langue co-officielle d’Haïti ».

L’énoncé de politique linguistique éducative devra impérativement inclure le principe d’une politique publique garantissant le droit de tout citoyen à recevoir toute communication gouvernementale dans les deux langues officielles du pays, à l’oral comme à l’écrit, dans toutes les administrations publiques et les services non-publics. 
Les fondements constitutionnels de la future loi de politique linguistique éducative en Haïti autorisent un partenariat linguistique novateur et rassembleur entre les langues française et créole dans l’École haïtienne (voir notre article « Le partenariat créole-français, l’unique voie constitutionnelle et rassembleuse en Haïti », Le National, 14 mars 2023). C’est dans cette perspective que nous plaidons pour que la future loi de politique linguistique éducative en Haïti soit une entreprise à la fois partenariale et inclusive dédiée à l’extinction définitive de la minorisation institutionnelle du créole et à son aménagement aux côtés du français. En l’absence d’une volonté politique de l’État de légiférer en matière d’aménagement de nos deux langues officielles dans l’École haïtienne, la société civile organisée doit impérativement faire sienne la vision du partenariat linguistique novateur et rassembleur entre les langues française et créole dans la totalité du système éducatif national. Les différentes institutions de la société civile organisée, y compris l’Association des professeurs de français et de créole d’Haïti (l’APROFH), sont bien placées pour mettre en route une concertation nationale dont l’objectif principal sera de contribuer à l’élaboration de la future loi de politique linguistique éducative au pays.

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