Par Robert Berrouët-Oriol
Linguiste-terminologue
Montréal, le 17 août 2023 ((rezonodwes.com))–
L’annonce du ministère de l’Éducation nationale relative au LIV INIK AN KREYÒL qui devait être introduit à la mi-juin 2023 dans les écoles du pays à hauteur de 1 million d’exemplaires à distribuer gratuitement a retenu l’attention des directeurs d’écoles et des enseignants. S’il est éventuellement avéré –comme le soutiennent plusieurs directeurs d’écoles et nombre d’enseignants–, que la diffusion massive du LIV INIK AN KREYÒL n’a pas encore débuté au début du mois d’août 2023, de nombreuses questions demeurent ouvertes. D’abord en quoi consiste le LIV INIK AN KREYÒL ? À quels objectifs pédagogiques doit-il répondre ? Par qui a-t-il été élaboré et édité ? Les organisations professionnelles d’enseignants ont-elles été associées à la conception de ce nouvel outil pédagogique ? L’expertise de l’École normale supérieure et de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti a-t-elle été sollicitée à l’étape de la conceptualisation et de la validation du LIV INIK AN KREYÒL ? À combien s’élève le financement global de ce projet au ministère de l’Éducation nationale ? Sur le plan de la didactique créole et de la didactisation du créole, qu’est-ce qui caractérise le LIV INIK AN KREYÒL ? Comment expliquer que le projet de LIV INIK AN KREYÒL ait pu être mis en route en dehors d’une politique linguistique éducative nationale qui se fait toujours attendre ? C’est pour répondre à cet ensemble de questions que la présente entrevue exclusive a été conduite avec Peter Frisch, directeur général des Éditions Henri Deschamps. Mais avant d’accéder aux réponses de cette entrevue, il est utile de replacer la complexe question de l’usage du créole au sein de l’apprentissage scolaire dans son contexte historique, pédagogique et institutionnel.
Le linguiste Renauld Govain, doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti,est l’auteur d’une étude fort instructive, « De l’expression vernaculaire à l’élaboration scientifique : le créole haïtien à l’épreuve des représentations méta-épilinguistiques » (revue Contextes et didactiques, 17 | 2021). Mettant en lumière l’antériorité des débats sur le créole, Renauld Govain nous instruit que « (…) le Général Guérin, secrétaire du Président Alexandre Pétion (1807-1818), proposait d’utiliser le CH [créole haïtien] comme langue d’enseignement à l’école primaire. En 1898, Georges Sylvain aurait déclaré que si le créole était introduit dans les écoles primaires, rurales et urbaines, le problème de l’organisation de l’enseignement populaire haïtien connaitrait une nette amélioration (cité par Vaval 1911) ». Dans les années 1940, la perspective de l’usage du créole dans l’enseignement a été posée notamment par Christian Beaulieu, compagnon de lutte de Jacques Roumain et auteur de « Pour écrire le créole » (Les Griots, 1939). Il fut l’un des premiers, à cette époque, à réclamer l’utilisation du créole à des fins pédagogiques. De manière plus programmatique, la question de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien a été posée avec la réforme Bernard de 1979, mise en veilleuse en 1987, et qui faisait du créole langue d’enseignement et langue enseignée (voir notre article « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? » (Le National, 11 novembre 2021). De la mise en veilleuse de la réforme Bernard en 1987 à aujourd’hui, l’État haïtien n’a toujours pas fourni un bilan analytique détaillé de cette première grande réforme du système éducatif national(voir notre article « L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire » (Le National, 17 mars 2021). Toujours sur le plan historique, les contributeurs du livre « Haïti : couleurs, croyances, créole » ont noté qu’« À partir de l’occupation américaine (…) on commença à réclamer l’utilisation du créole dans une vaste campagne d’alphabétisation du peuple. Que l’on puisse également produire des œuvres littéraires sérieuses et des études scientifiques en créole semblait prématuré [sic]. Il est vrai qu’une Académie créole fut fondée en 1947, sous la présidence de Charles-Fernand Pressoir et la vice-présidence de Jean Price-Mars. Mais, après sa séance inaugurale, dont Haïti Journal rend compte le 10 février, elle semble ne s’être plus jamais réunie. 1956 vit la création, sous la présidence de Lamartinière Honorat, d’un Institut de langue créole, société culturelle dont les statuts furent publiés dans Panorama (nouvelle série, mars 1956, pp. 35-38). Son but était « de promouvoir le développement de la langue créole et de la culture populaire nationale ». Cet Institut de langue créole se proposait, entre autres tâches, de « publier une histoire complète de la langue créole et une revue littéraire créole » et de « préparer l’édition d’une grammaire et d’un dictionnaire créoles ». Ces projets non plus n’aboutirent pas. » (« Haïti : couleurs, croyances, créole », sous la direction de Léon-François Hoffmann, Éditions du Cidihca, 1989).
Alors même que le ministère de l’Éducation nationale, sans se référer à un quelconque bilan analytique de la réforme Bernard de 1979, se revendique de ses « orientations stratégiques » dans plusieurs documents officiels, c’est encore le linguiste Renauld Govain qui fournit un éclairage de premier plan sur les lacunes et les limites de cette réforme : « La réforme de 1979 a certes introduit le CH [créole haïtien] à l’école à la fois comme langue d’enseignement et langue enseignée, mais elle ne s’est pas donné les moyens de l’application de cette mesure : les outils et matériels didactiques nécessaires à cela n’ont pas été développés et toutes les écoles de la république n’ont pas été amenées à comprendre qu’elles devaient se plier à la mesure parce qu’elle est une mesure officielle s’inscrivant dans une dynamique de régulation du système scolaire. Cette introduction est un pas en avant pour la valorisation de la langue mais ne suffit pas pour l’aider à dépasser les représentations négatives dont elle est l’objet depuis la naissance de l’État d’Haïti. On pourrait même imaginer que cela participe à la cristallisation des idées reçues consistant à faire croire que le CH est inapte à exprimer des réalités relevant d’un certain niveau d’abstraction car il n’y a guère de manuels ou d’autres outils didactiques. Or, les manuels didactiques sont à même de montrer que la langue est capable d’abstraction, le discours didactique étant modelé de façon telle qu’il est différent du discours vernaculaire des activités de tous les jours. En outre, sur un plan plus théorique, il n’a été conçu aucun dispositif didactique, voire méthodologique sur la langue en vue de la rendre plus apte à remplir son rôle de langue d’enseignement. Il est donc plus que nécessaire de mettre à disposition des praticiens des orientations théoriques en termes de didactique du créole langue maternelle. La question de didactisation de la langue reste donc pendante » (Renauld Govain, « De l’expression vernaculaire à l’élaboration scientifique : le créole haïtien à l’épreuve des représentations méta-épilinguistiques » (revue Contextes et didactiques, 17 | 2021).Cettepertinente réflexion de Renauld Govain sur la didactisation de la langue créole a été amplement élargie et approfondie dans l’article qu’il a rédigé avec la collaboration de Guerlande Bien-Aimé, « Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle » paru dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021).
Ces dernières années, plusieurs éditeurs de manuels scolaires, en Haïti, ont consenti de remarquables efforts pour produire et diffuser des outils didactiques en langue créole (livres de didactique et de communication créole et livres ciblant les matières scolaires). Ainsi, les Éditions Pédagogie nouvelle, Canapé Vert, Henri Deschamps, Zémès, C3, CUC-Université Caraïbe ont-elles introduit plusieurs titres sur le marché du livre sans attendre l’adoption, au ministère de l’Éducation nationale, d’une véritable politique nationale du livre, du manuel scolaire et d’autres matériels didactiques. En Floride, EducaVision s’est lancé dans la production de livres bilingues anglais-créole mais l’on ne dispose pas de données permettant de savoir ni d’évaluer leur éventuelle diffusion dans les écoles d’Haïti.
C’est donc dans ce contexte général qu’est apparu le projet de LIV INIK AN KREYÒL. En raison de l’importance qu’il semble devoir revêtir pour l’ensemble du système éducatif national, en dépit du fait que 80% des écoles du pays sont financées et administrées par le secteur privé de l’éducation (l’État ne répond qu’à 20% de l’offre scolaire), le projet de LIV INIK AN KREYÒL doit faire l’objet d’une réflexion analytique approfondie. La présente entrevue exclusive entend y contribuer.
Q/ Robert Berrouët-Oriol (RB-O) : Pouvez-vous expliquer, compte-tenu de votre connaissance du marché du livre scolaire en Haïti, en quoi consiste précisément le LIV INIK AN KREYÒL ? À quels objectifs pédagogiques entend-il répondre ? S’agit-il d’un ouvrage recommandé, optionnel ou obligatoire dans toutes les écoles du pays ?
R/ Peter Frisch (PF) : Le LIV INIK AN KREYÒL est un programme lancé par le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) depuis 2022, qui consiste à doter dans un premier temps les élèves de 1e année et 2e année fondamentale des écoles aussi bien publiques que privées, en un manuel unique en langue créole dans lequel se trouvent réunies les 5 matières établi par le curriculum en vigueur (Communication créole, Mathématiques, Sciences sociales, Sciences expérimentales et Français oral). Le LIV INIK est divisé en deux parties, livre de l’élève et cahier d’exercices, le tout ne devant pas dépasser 300 pages selon le cahier des charges fourni par le MENFP.
RB-O : Selon les informations dont vous disposez en ce qui a trait au marché du livre scolaire en Haïti, par qui le LIV INIK AN KREYÒL a-t-il été élaboré et édité ? Existe-il UN SEUL LIV INIK AN KREYÒL ou chacun des sept éditeurs retenus pour élaborer et éditer le livre a-t-il rédigé et édité son propre livre unique, ce qui laisserait croire, dans cette hypothèse, qu’il existerait actuellement SEPT VERSIONS DISTINCTES DU LIV INIK AN KREYÒL ?
PF : Le LIV INIK AN KREYÒL ne se limite pas à un éditeur en particulier. C’est un marché ouvert et le MENFP a présenté un cahier des charges à tous les éditeurs de manuels scolaires haïtiens pour que chacun puisse élaborer son LIV INIK. Il existe donc sur le marché autant de LIV INIK différents qu’il n’y a d’éditeurs à en avoir élaboré. Il y a donc sept versions du LIV INIK, un pour chacun des sept éditeurs retenus par le Ministère. Dans le cas de la Maison Henri Deschamps, le LIV INIK a été élaboré à l’interne par nos équipes pédagogiques, à partir de notre fonds existant. Toutefois il nous a fallu l’adapter au cahier des charges du MENFP. Pour les titres en français et en créole, nous avons dû éliminer la partie en français. Pour les titres que nous n’avions qu’en français, nous nous sommes attelé à les traduire en créole.
RB-O : Un nombre indéterminé d’enseignants et de directeurs d’écoles s’opposent déjà, selon nos informations, à l’arrivée du LIV INIK AN KREYÒL dans les écoles du pays. Ils soutiennent que cet ouvrage risque d’enfermer l’apprentissage des matières scolaires dans le format étroit d’un condensé unique de 300 pages là où les élèves devraient pouvoir disposer d’un large éventail de ressources didactiques diversifiées et couvrant toutes les matières scolaires. Qu’en pensez-vous ?
PF : Il est un fait que la limitation des 300 pages nous a porté à réduire des chapitres à l’essentiel, à réduire dans certains cas le nombre d’exercices. Nous estimons que cette limitation est un choix malheureux et nous avions soulevé ce points lors des rencontres des éditeurs avec les techniciens du Ministère en charge de ce dossier. Mais il nous avait été expliqué que ce nombre de pages ne pouvait être dépassé à cause du poids du livre destiné à des enfants de 1e et 2e années, mais aussi pour des contraintes budgétaires. Toutefois, fort de notre expérience, les Éditions Henri Deschamps ont réussi à produire un LIV INIK EN KREYÒL qui tient la route et répondant aux exigences pédagogiques. L’avantage de ces deux manuels pour les enseignants, ils correspondent aux contenus qu’ils sont déjà habitués à utiliser en salle de classe avec les élèves. Il faut pour eux juste apprendre comment naviguer et manier ce nouvel outil qui exige un fonctionnement différent que lorsqu’il y a un manuel séparé par matière. Ils doivent pouvoir maîtriser ce maniement afin de pouvoir transmettre ce savoir aux enfants.
RB-O : À votre connaissance, le ministère de l’Éducation nationale a-t-il mis sur pied un mécanisme de contrôle de l’implantation du LIV INIK AN KREYÒL dans l’ensemble des écoles du pays et si oui quelles en sont les caractéristiques ?
PF : Nous ne sommes pas au courant de l’existence d’un mécanisme de contrôle de l’implantation du LIV INIK AN KREYÒL. Du moins nous n’en avons pas été informé. Cette structure relèverait du Ministère. Il serait effectivement opportun d’avoir un tel mécanisme en place, et aussi pour évaluer l’impact de l’application de ce programme à l’échelle nationale. Dans la pratique, en fonction du département dans lequel se trouve une école, les élèves auront le LIV INIK d’un éditeur particulier, et même entre la 1e et la 2e année une école peut fort bien se retrouver avec le manuel élaboré par un éditeur en 1e année et celui d’un autre éditeur pour la 2e année. Le passage d’une méthode à une autre n’est pas assuré d’avance. Il faut aussi prévoir la formation des enseignants à l’usage de ces nouveaux outils pédagogiques. Ceci présente un réel défit dans l’implantation du LIV INIK.
RB-O : Selon vous, les organisations professionnelles d’enseignants ont-elles été associées à la conception de ce nouvel outil pédagogique ?
PF : À notre connaissance, les organisations professionnelles d’enseignants ont été informées par le MENFP de la mise en place du LIV INIK AN KREYÒL mais n’ont pas été impliquées dans la conception des caractéristiques techniques ayant servi à l’élaboration du cahier des charges pour la conception de ce nouvel outil pédagogique. Au niveau des Éditions Henri Deschamps, nous avons au sein de nos équipes d’élaboration des pédagogues bien préparés. Pour faciliter les enseignants, nous avons élaboré notre LIV INIK à partir de nos manuels déjà en usage dans les écoles.
RB-O : Comment expliquer que l’expertise de l’École normale supérieure et de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti n’ait pas été sollicitée à l’étape de la conceptualisation et de la validation du LIV INIK AN KREYÒL ?
PF : Il nous est difficile d’expliquer un choix du MENFP d’utiliser ou non l’expertise de l’École normale supérieure et la Faculté de linguistique appliquée. Toutefois, un nouvel élément introduit dans le cahier des charges pour l’élaboration du LIV INIK AN KREYÒL pour la 3e année et la 4e année est une certification par un membre de l’Académie créole garantissant la justesse de la didactique créole des manuels.
RB-O : Le livre scolaire unique a été expérimenté dans certains pays d’Afrique, notamment au Cameroun où il fut dans un premier temps introduit puis recalé pour ensuite être à nouveau diffusé dans les écoles conformément aux directives du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques. À votre connaissance, le LIV INIK AN KREYÒL a-t-il fait l’objet d’un projet-pilote de validation dans des écoles-cibles avant d’être promu à une diffusion massive dans les écoles d’Haïti ?
PF : Il n’y a pas eu de projet-pilote du livre unique dans les écoles. Ce nouvel outil devrait être distribué dans l’ensemble des écoles pour l’année scolaire 2023-2024 comme annoncé par le Ministère. Ce sera là le projet-pilote. Il est aussi important de noter que ces ouvrages sont une dotation et qu’ils sont prêtés aux élèves qui devront les restituer en fin d’année scolaire afin de pouvoir être réutilisés par les élèves de la prochaine cohorte l’année suivante. Ceci va nécessiter des infrastructures et une gestion appropriée pour que ceci aboutisse. Toutes les écoles n’ont pas des espaces à cet effet et toutes les directions n’ont pas encore ce savoir-faire. Mais il faut bien un début à tout.
RB-O : Disposez-vous de données relatives au financement global de ce projet au ministère de l’Éducation nationale ? Celui-ci s’est-il formellement engagé à acheter de chacun des sept éditeurs retenus pour élaborer et éditer le LIV INIK AN KREYÒL un nombre préétabli d’ouvrages qu’il entend distribuer gratuitement dans les écoles du pays ?
PF : Nous n’avons pas de données chiffrées en matière du financement global de ce projet. Ce n’est pas une information qui a été partagée par le MENFP. Nous savons toutefois que le Ministère a fait appel à du financement auprès d’organismes internationaux. Pour la 1e année et la 2e année fondamentale l’appel d’offres qui avait été lancé en juillet 2022 a abouti à l’attribution d’un lot à la Maison Henri Deschamps, pour notre LIV INIK de 2e année. La procédure administrative de l’État a été longue pour aboutir à l’impression des manuels et la livraison a été effectuée au Ministère en ce début de mois d’août.
RB-O : Sur le registre combien essentiel de la didactique créole, qu’est-ce qui caractérise le LIV INIK AN KREYÒL ? De quelle manière, sur le plan de la didactique créole, le LIV INIK AN KREYÒL se démarque-t-il des ouvrages précédents rédigés en créole depuis environ vingt ans ? Sur le plan de la méthodologie, les rédacteurs du LIV INIK AN KREYÒL disposent-ils d’un protocole unique et normalisé de rédaction du contenu de l’ouvrage ?
PF : La graphie du créole que nous utilisons est celle présentement arrêtée par l’Académie créole, institution officiellement établie par la constitution de 1987. C’est l’organe formel et c’est pourquoi dans le nouveau cahier des charges le MENFP a réclamé que le créole employé dans le livre unique soit approuvé par un membre de l’Académie. En fonction des changements que l’Académie créole porte à la graphie, nous adaptons nos manuels en créole et les mettons à jour. Tous nos rédacteurs et rédactrices appliquent cette directive et c’est évidemment le cas pour le livre unique également. Cet ouvrage se démarque de certains ouvrages précédents qu’il est exclusivement en créole, hormis la partie français oral, qui reste en français.
RB-O : Merci d’avoir aimablement répondu aux questions de cette entrevue.