Jean-Pierre Boyer, le dirigeant responsable de la lourde dette contractée après l’Indépendance qui a plongé le pays dans la misère, fut le premier président haïtien à s’enfuir en Jamaïque. Contraint à l’exil en raison de mesures autoritaires et de l’hostilité populaire envers son régime, Boyer n’était pas le seul chef d’État à chercher refuge sur cette île. En effet, de nombreux autres dirigeants, tels que l’épouse du Roi Christophe, l’empereur Soulouque, l’industriel Thomas Désulmé et bien d’autres encore, ont également emprunté ce chemin d’exil autrefois tracé depuis le quai de Port-au-Prince. Plus récemment, Jean-Bertrand Aristide a également choisi cette route d’exil le 29 février 2024, mais en utilisant un avion affrété.
Jean-Pierre Boyer et Jean-Bertrand Aristide ont tous deux connu des périodes tumultueuses en tant que chefs d’État d’Haïti, les poussant à chercher refuge en Jamaïque après avoir été évincés du pouvoir, respectivement en 1843 et 2004. Leur présence accentuée sur l’île caribéenne et la durée de leur séjour ont laissé une empreinte significative dans l’histoire politique de la région accueillant dimanche 11 juin 2023, des consultations inter-haïtiennes autour d’une crise qui n’a trop que durer.
Jusqu’au mardi 13 juin, leur séjour en Jamaïque est un témoignage des moments agités de l’histoire d’Haïti et de l’impact de l’île voisine, située à 475 km de Port-au-Prince, sur les événements politiques du pays qui aspire toujours à trouver une voie vers la liberté et la démocratie.
L’histoire commence avec Jean-Pierre Boyer, qui fut le président d’Haïti de 1818 à 1843. Son règne fut marqué par des mesures autoritaires qui suscitèrent l’hostilité populaire. Cette opposition finit par déclencher la révolution de 1843, qui émergea du village de Praslin, non loin de la ville des Cayes, et fut dirigée par le général Charles Rivière Hérard. Face à la révolte grandissante, Boyer envoya son fidèle partisan, le général Borgella, réprimer l’insurrection. Cependant, la révolution finit par triompher et Boyer fut contraint d’abdiquer en 1843, se retirant en Jamaïque.
Après la chute de Boyer, il se réfugia en exil en Jamaïque avec son épouse, Marie-Madeleine Lachenais, qui avait joué un rôle de conseillère politique pendant son règne. Veuve de Pétion, elle avait épousé Boyer peu après la mort de son premier mari. Les deux filles qu’elle avait eues avec Pétion furent adoptées par Boyer. Malheureusement, Marie-Madeleine Lachenais mourut en exil à Kingston le 22 juillet 1843, quelques mois après la chute de Boyer. Après la mort de celle-ci, Boyer quitta la Jamaïque pour la France et s’installa à Paris.
Plus d’un siècle après l’exil de Boyer, la Jamaïque accueillit un autre dirigeant haïtien en la personne de Jean-Bertrand Aristide, qui fut président d’Haïti à deux reprises.
Aristide, autre figure marquante de l’histoire politique haïtienne, connut également un exil en Jamaïque après avoir été renversé lors d’un coup d’État en février 2004. Pendant le mandat de P.J. Patterson en tant que Premier ministre de la Jamaïque, l’île fut un soutien pour Aristide. Lorsqu’il fut déposé en 2004, il fut emmené en République centrafricaine par les États-Unis, qui faisaient partie d’une mission de maintien de la paix dans ce pays. Cependant, Aristide revint en Haïti plusieurs jours avant le second tour des élections présidentielles « programmées » [1] de mars 2011.
La solidarité et l’assistance offertes par la Jamaïque témoignent des liens historiques et culturels étroits entre les deux nations des Caraïbes de langue et de culture différentes. L’histoire mouvementée des dirigeants haïtiens en exil, autres que Boyer [2] et Aristide, témoigne de la complexité politique et des défis auxquels le pays a dû faire face tout au long de son histoire. Ces dirigeants ont cherché refuge dans différents pays, espérant trouver la sécurité et le soutien nécessaires pour poursuivre leurs luttes politiques très loin de l’idéal dessalinien [3].
[1] Rezo Nòdwès, avril 2011 | Elections-Fraudes – Martelly n’a pas gagné la présidentielle de 2011, selon un texte message de l’ambassadeur Didier Lebret, intercepté par Wikileaks
[2] Rezo Nòdwès, New York Times | USA – France : Données historiques sur la dette de l’Indépendance d’Haïti, 23 mai 2022
[3] L’Idéal Dessalinien – Haiti Chery (dadychery.org)

