Le Phénomène «Bwa Kale» : une réponse populaire à l’appel des forces de l’Ordre contre les actes criminels orchestrés par les Gangs armés

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Mercredi 24 mai 2023 ((rezonodwes.com))–

Il y a trois discours prononcés par trois responsables relevant  des forces de l’Ordre Haïtiennes qui attisent , sans le vouloir, la flamme de résistance haïtienne et qui constituent la clé de voûte du mouvement Populaire haïtien que je baptise moi- même comme criminologue  de « réaction sociale » communément appelée  » Bwa Kale »:  une réponse populaire  au phénomène criminel calquée sur  la théorie de défense social contre  crime . 

1o)  Tout en respectant le rang et non la chronologie, Le premier discours  est celui prononcé par le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique  qui, pourrait-être considéré comme une preuve de la faillite de L’État, pourtant  détenteur de la Puissance Publique et du monopole de la violence physique légitime , consiste en une déclaration faite sur une station de radio de la Capitale pour  reconnaitre publiquement qu’il y a dans le pays des territoires perdus et en un appel fait aux citoyens pour exercer ses droits à la légitime défense en cas d’attaques armées. 

2o)   Le deuxième discours consiste en un appel fait à la population,  par le Directeur Général de la PNH,   à se manifester,  se révolter et à réagir contre les actes d’insécurité et à collaborer avec les forces de l’Ordre pour lutter contre le phénomène d’insécurité. 

3o)   Le troisième discours consiste en un cri d’alarme,  un cri de désespoir devant l’incapacité d’un Chef, d’un Major des FADH , pourtant épris du sens de responsabilité et ayant le savoir faire militaire pour exercer ses fonctions avec brio mais qui, par manque de moyens logistiques, se voit contraint de baisser l’échine devant les menées  des bandits qui volent,  violent, kidnappent et tuent les citoyens de son pays.

Le peuple a pris du temps pour comprendre la portée des  messages  de ces discours mais finalement il se met au garde à vous en prêtant  dans son génie créateur, pour baptiser son mouvement,  un slogan lancé en pleine manifestation par une dame munie d’une cuillère et d’une assiette qu’elle frappe comme attirée l’attention de la communauté nationale et internationale sur la faim qui la ronge en criant : « Bwa Kale » Le phénomène Bwa Kale est une forme d’exécution sommaire par le supplice du collier utilisée par la population pour endiguer le fléau de l’insécurité criminelle qui gangrène le Pays et mettre les bandits armés d’armes de grand calibre hors d’état de nuire. Est-il une réponse populaire à l’appel des Forces de l’Ordre ?A la lumière des théories criminologiques et  de politiques criminelles   développées par Maurice CUSSON,  Georges LEVASSEUR, et politiques pénales développées par Stephan Nguéléguélé dans son ouvrage intitulé: Justice, Politique pénale et  Tolérance Zéro et d’autres auteurs nous allons,  dans ce présent article, tenter  d’analyser ce phénomène et essayer de fournir une réponse à cette question .  Mais avant tout,  nous allons  projeter un éclairage sur les concepts clés qui feront l’objet de notre analyse. Savoir: le Criminel, le crime,  un produit social.

1- Le Criminel,  le crime, un produit social. 
La criminalité simple ou organisée est un phénomène social. Elle est inhérente à la société.  C’est un construit sociétal, un produit social qui plonge ses racines dans les différents sphères et activités de la société. Un auteur a dit que « Chaque société a les criminels qu’elle mérite « .

En ce sens qu’il y a des actes que la conscience sociale collective peut tolérer et d’autres qu’elle ne tolère pas. Emile Durkheim dans son ouvrage intitulé  » définition du Crime et fonctions du Châtiment  » définit un acte criminel  comme « une  offense blessant  les états forts de la conscience collective « (1).

Jousse définit le crime ou délit  » comme toute action injuste défendue par les lois, qui tend à blesser la société  et à troubler la tranquillité publique » (2).

Les actions criminelles perpétrées par les gangs armés en Haïti durant ses quatre dernières années ont suscité l’émoi du Peuple Haïtien, considéré comme des réfugiés dans leur propre pays. La puissance des gangs oblige le déplacement massif des habitants de plusieurs Communes vers d’autres endroits.  Et parfois, sous des cieux moins cléments où ils ne savent à quel Saint se vouer.  Certains sont même contraints de laisser le pays.

Joints à tout cela des personnes kidnappées sont torturées,  brulées vif sous les caméras des bandits qui font vivre les scènes en direct par les parents contraints de payer au plus vite les rançons. Quoi de plus révoltant! Et ce, sous les regards passifs ou inoffensifs des forces de l’Ordre, incapables d’intervenir à temps pour libérer les otages.

Le discours prononcé par le Major, le 18 novembre 2021, avec les larmes aux yeux , expliquant comment  il a honte devant le peuple haïtien quand il a vu les bandits  tuer les enfants  du pays, kidnapper les citoyens et violer les filles,  tout en déclarant qu’avec , au moins, deux chars d’assaut et un hélicoptère de combat, les F A.D.H pouvaient résoudre le problème de l’insécurité qui gangrène le Pays en moins de deux mois, constituait un véritable cri d’alarme et une occasion en or pourtant non profités par le peuple haïtien. 

Ce dernier s’est même questionné pour ne pas dire qu’Il a questionné l’État de son Pays pour lui demander:
1o) combien coûte un char d’assaut? –
2o) combien coûte un hélicoptère de combat?

Que d’âmes chères à la société sont parties en fumée sous les balles assassines des bandits !Que d’enfants sont laissés orphelins à cause de l’indécision de nos responsables pour sécuriser le Territoire National.

Suite  au constat fait par le Major, non suivi d’effet, des policiers ont été assassinés, faute de renfort à Métivier.  Que Dieu reçoive leur âme dans son Paradis !Et devant la fureur des gangs armés, le Directeur Général de la PNH, pleurant les morts dans son rang, a dû appeler le peuple haïtien à se révolter contre le phénomène d’insécurité et à collaborer avec la Police pour mettre les bandits hors d’état de nuire. 

Une telle collaboration se faisait attendre vue que la Police Nationale d’Haïti ne jouissait pas  totalement d’une bonne renommée, d’une bonne presse. Mais tout le monde était d’accord,  selon les principes définis par Robert Peel,  que l’Institution Policière ne peut donner de bons résultats sans le support et l’apport de la population. Car la Police est dans la société et la société est la Police. Les deux ont, à quelques exceptions près, une même mission : une mission de contrôle social au sens micro, méso et macro.

La société,  au sens micro, méson ou macro identifie mieux les éléments qui en font partie. Et ce, avec leurs qualités et leurs défauts selon ce qu’elle définit comme admissible ou intolérable selon la théorie de Gabriel Tarde traitant des conflits de Culture et Sous-cultures. Alexandre Lacassagne, considérant la Criminologie comme médecine du corps social,  a déclaré qu’il faut défendre la société contre les criminels. Il dit que « le milieu social est le bouillon de Culture de la criminalité; le microbe, c’est le criminel, un élément qui n’a d’importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait fermenter. » (4) 

Le Criminel, comme microbe social  ne peut évoluer que dans  le bouillon social qui le fait fermenter. Donc le crime est un produit social qui évolue dans un milieu social  favorable à son épanouissement. Ce qui nous porte à analyser  le phénomène  » Bwa Kale »  pour déterminer premièrement s’il constitue une réponse à l’appel des responsables des principales  forces de l’Ordre du Pays, deuxièmement  s’il est une forme de justice privée ou une réaction sociale  capable d’influencer  un changement de politique criminelle en Haiti pour résister à l’assaut des gangs armés. Dans ce présent article , nous traitons d’abord de la première question intitulée :

2- Le « Bwa Kale « une réponse populaire à l’appel des principales forces de l’Ordre du Pays pour juguler le phénomène d’insécurité perpétré par les gangs armés?

L’une des missions premières et régaliennes de L’État est de garantir la sécurité des vies et des biens sur le Territoire national.  Et ce, pour permettre la libre circulation des personnes et des biens sur toute l’Étendue du Territoire.Les citoyens,  pour jouir de ses droits remettent entre les mains de L’État leur parcelle de souveraineté nationale pour faire de ce dernier ce « Monstre », ce Léviathan , capable d’exercer le monopole de violence physique légitime sur toute l’Étendue du Territoire National,  pour assurer leur protection.

Les Institutions Républicaines constituent les organes par lesquels agit ce Monstre, ce Léviathan qu’est L’État.  Et les représentants, responsables ou mandataires de ses Institutions sont choisis par le peuple  à travers des élections directes ou indirectes,  justes et transparentes.

Les autorités responsables des différentes institutions du Pays ont l’impérieuse obligation d’agir pour le bien-être de la population. Et, la liberté  des citoyens, comme le premier des biens, doit-être garantie.

Devant l’incapacité , même  temporaire, des forces de l’ordre  pour garantir la liberté de circulation des citoyens  dans des endroits considérés par le Ministre de la Justice et de la sécurité Publique comme des territoires perdus,  ces discours tenus par les autorités révèlent la faillite de L’État.  Ce qui met les citoyens aux abois devant la menée des Bandits.

Ces derniers,  dans cette situation,  sont dans l’obligation de réfléchir en vue de trouver une solution à leur problème. Ils ont constaté la faillite d’un État, incapable de mettre les Bandits hors d’état de nuire; le dysfonctionnement du système Judiciaire pour sanctionner les écarts de comportements des agents de trouble qui font mal au Pays, l’absence quasi totale, à quelques exceptions près, des institutions de contrôle de L’État, tel le Parlement haïtien. Devant une telle débâcle,  le peuple n’a d’autre choix que de reprendre sa parcelle de souveraineté et prendre le relai pour organiser sa survie. Le peuple devient législateur, juge et exécutif entre parenthèses. 

Dans cet ordre d’idées, il répond à l’appel des responsables des forces de l’Ordre et se met « au garde à vous  » pour collaborer avec les autorités haïtiennes (ceux ou celles qui veulent)  en vue de mettre les Bandits armés hors d’état de nuire. Ce qui fait du phénomène « Bwa Kale », avant tout, une réponse positive de la population  à l’appel des forces de L’Ordre. Mais l’État Haïtien saura-t-il  profiter d’un tel momentum pour canaliser cette énergie dans la direction pour endiguer le fléau de l’insécurité qui fait rage dans le pays?

Me Aunondieu GESTE,  av. 

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