MSF étend ses activités de santé maternelle dans le sud d’Haïti

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MSF medical team accompanied by health promoters are deployed once a week in the village of Rendel, a dozen kilometre north of Port-a-Piment, Haiti. February 2023.

Le séisme qui a secoué le département du Sud, en Haïti, en août 2021 a non seulement fait plus de 2 000 morts et 12 000 blessés, mais il a aussi détruit des dizaines de milliers d’immeubles et de bâtiments,  dont  de  nombreux  établissements  de  soins  de  santé.  Le  centre  de  soins  de  santé maternelle soutenu par MSF, dans la ville de Port-à-Piment, a ainsi subi des dégâts irréparables. MSF l’a reconstruit et modernisé, tout en le dotant de nouveaux services. La nouvelle structure de soins  de  santé,  inaugurée  un  an  plus  tard,  dessert  une  zone  d’environ  250  000  habitants. Malheureusement,  de  nombreuses  autres  structures  de  santé  du  sud  du  pays  n’ont  jamais  été reconstruites  ou  réhabilitées  et  l’accès  aux  soins  est  à  ce  point  problématique  que  la  vie  de beaucoup de femmes enceintes et de nouveau-nés est toujours en danger.

Le calme qui règne dans la paisible ville côtière de Port-à-Piment contraste avec le climat de violence à Port-au-Prince. Les conséquences des troubles et de la crise qui déchirent la capitale, à 150 km à l’est de Port-à-Piment, sont pourtant bien perceptibles. Le chaos dans lequel la capitale est plongée et les violents affrontements ont en effet perturbé la chaîne d’approvisionnement, provoquant de fréquentes  pénuries  de  médicaments  et  de  matériel médical dans  les  hôpitaux  et  les  cliniques  du département du Sud. En automne 2022, Lorsque le principal terminal pétrolier du port de la capitale a été bloqué par des gangs armés, le  département du Sud a dû faire face à de graves pénuries de carburant.   S’ajoute à cela la fuite des cerveaux :  de nombreux médecins et soignants quittent les départements  plus  ruraux,  comme  celui  du  Sud,  pour  aller  travailler  dans  la  capitale  tandis  que beaucoup de soignants de Port-au-Prince tentent d’émigrer pour fuir les violences. Le séisme de 2021 a encore aggravé la situation. Plusieurs organisations avaient à l’époque promis des fonds et diverses aides  matérielles  pour  financer  la  réhabilitation  des  structures  médicales  endommagées.  Mais  les efforts de reconstruction tardent à se prendre forme et pratiquement aucune structure de soins de santé du département du Sud n’a été remise en état ou réhabilitée.

Dans cette partie du pays, le système de soins de santé est pratiquement exsangue. Matériel médical, médicaments, personnel médical, structures de soins de santé appropriées : tout manque. Et comme toujours  dans  un  tel  contexte,  c’est  la  population  qui  en  paie  le  prix,  en  particulier  les  femmes enceintes  et  les  nouveau-nés.  Avec  529  décès  pour  100 000  naissances,  Haïti  affiche  le  taux  de mortalité  maternelle  le  plus  élevé  de  tout  l’Hémisphère  occidental.  La  mortalité  néonatale  est également très élevée – 24 décès pour 1000 naissances. L’explication ? 64 % des femmes accouchent en-dehors de l’hôpital, ce qui peut avoir des conséquences fatales pour la mère et le bébé en cas de complications.

« Les  accouchements  doivent  absolument  se  dérouler  sous  la  supervision  de  professionnels  de  la santé. Une intervention rapide peut en effet sauver la vie de la mère et de son bébé », a déclaré Benoît Vasseur, chef de mission MSF lors de l’inauguration des nouveaux services de MSF à Port-à-Piment en février dernier. La structure, cogérée par MSF et le ministère de la santé, est désormais dotée d’une salle d’opération pour les interventions de chirurgie obstétricale, notamment les césariennes, et d’un service  de  néonatalogie,  équipé  d’une  unité  de  soins  intensifs.  Le  projet  propose  également  des services  d’accès  à  la  contraception  et  des  consultations  prénatales  et  postnatales,  et  soutient  six centres de santé dans des villes et villages des environs. En collaborant au sein des communautés,

avec les réseaux de sage-femmes traditionnelles et de volontaires, MSF tente de lever un premier obstacle  à  l’amélioration  des  soins  de  santé  maternelle.  Les  femmes  doivent  en  effet  être  bien informées  pour  comprendre  dans  quelles  situations  et  à  quel  moment  elles  doivent  absolument demander de l’aide médicale.

Le  village  de  Rendel  se  situe  à  une  dizaine  de  kilomètres  au  nord  de  Port-à-Piment.  Une  équipe médicale  MSF accompagnée  de  promoteurs de santé  s’y rend une  fois par semaine, traversant ce paysage  montagneux  en  suivant  le  lit  d’une  rivière  asséchée.  « Rendel  est  l’un  des  six  villages bénéficiant de nos visites », explique Guerline Georges, promotrice de santé MSF. « Nous expliquons aux   femmes   enceintes   les   principales   causes   de   décès   maternel   pendant   la   grossesse   et l’accouchement, comme l’éclampsie ou l’hypertension gravidique, et comment elles peuvent repérer ces symptômes à temps pour prévenir d’éventuelles complications et aller consulter rapidement ».

Le  village  de  Rendel  illustre  parfaitement  le  deuxième  obstacle  auquel les  femmes  enceintes  sont confrontées : l’accès « physique » à un centre de santé lorsqu’une aide médicale est nécessaire. Le département du Sud est faiblement peuplé et certaines femmes peuvent avoir du mal à se rendre dans une structure de santé, en raison de la distance. L’état des routes laisse aussi souvent à désirer et les transports sont chers.   À Rendel, le lit asséché qui sert de route se remplit à nouveau d’eau pendant la saison des pluies. Les habitantes des villages montagneux de l’intérieur du pays doivent parfois marcher six à sept heures pour rejoindre un centre de santé. Des femmes dont le travail avait commencé ont perdu la vie pendant ce trajet. Souffrant de complications obstétricales, elles n’ont pas pu rejoindre  à temps une structure  de  soins de  santé.  Pour améliorer  l’accès, les  équipes  de MSF mettent en place des comités de référencement dans différents villages, afin de mieux organiser le transport des patientes. MSF gère également un service d’ambulances, qui sont en fait des véhicules tout-terrain reconvertis en ambulances.

Alexis Leone habite à Rendel et a été confrontée à ce problème d’accès. « Il y a quatre ans, alors que j’étais enceinte de mon premier enfant, les médecins m’avaient dit que je devais me rendre à l’hôpital en cas de douleurs. Un jour où je ne me sentais pas bien, je suis allée aux consultations de Port-à- Piment, à pied. Comme ma tension artérielle était trop élevée, j’ai été transférée en ambulance dans un hôpital situé à une heure de là, où j’ai accouché… On m’a dit que j’aurais probablement perdu la vie si j’étais restée à Rendel ».

Alexis  doit  la  vie  à  son  transfert  de  la  structure  de  MSF  vers  l’hôpital.  Malheureusement,  MSF  a remarqué qu’il était de plus en plus difficile d’organiser ces transferts. Les structures de soins de santé de la région ont en effet le plus grand mal à assurer des services médicaux essentiels, pour toutes les raisons décrites ci-dessus. C’est l’une des raisons pour lesquelles MSF et le ministère de la Santé ont modernisé  la  structure  de  Port-à-Piment  :  les  patients  qui  devaient  auparavant  être  transférés peuvent désormais être pris en charge sur place. Le nouveau centre peut pratiquer des césariennes et des transfusions sanguines, par exemple. Il s’agit d’une amélioration majeure pour les habitants de Port-à-Piment et des environs.

Les  chiffres  enregistrés  dans  cet  hôpital,  aujourd’hui  bien  mieux  équipé,  illustrent  clairement l’ampleur des besoins de santé des femmes du département du Sud : en 2022, les équipes MSF ont pratiqué 700 accouchements à Port-à-Piment. Entre janvier à avril 2023, 347 accouchements ont eu lieu, dont 39 par césarienne. Au cours de la même période, 89 bébés ont été admis à l’hôpital, dont 40 dans l’unité de soins intensifs.

Cependant, dans d’autres villes et villages du Sud, comme Coteaux et Roche-à-Bateau, les structures de santé détruites n’ont pas été reconstruites. À Coteaux, le centre de santé étant toujours en ruine, le personnel soignant essaie de dispenser les soins dans un centre de formation.

Bien plus d’initiatives et d’actions sont nécessaires pour s’attaquer aux taux élevés de mortalité maternelle et néonatale. Chaque femme enceinte devrait pouvoir accoucher avec l’assistance d’un professionnel de la santé qualifié, dans une structure adaptée équipée de tout le matériel nécessaire.  D’autres organisations doivent renforcer leur engagement, et avant toute chose respecter les promesses faites au lendemain du terrible séisme de 2021 et déployer davantage de fonds ainsi qu’une aide matérielle accrue pour financer le recrutement de travailleurs de la santé dans les zones reculées. C’est la seule façon d’améliorer structurellement les chances de survie des femmes enceintes dans le sud-ouest d’Haïti.

A patient at the maternity MSF rebuilt in Port à Piment, Haiti. February 2023

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