Trafic d’armes et de munitions impliquant des employés de l’ONA et de l’OFATMA, recommandations du RNDDH

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Jeudi 16 mars 2023 ((rezonodwes.com))–

Depuis avril 2022, la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) mène une enquête autour d’un dossier de trafic d’armes et de munitions, dans lequel trois (3) employés de l’Office National d’Assurances Vieillesse (ONA), un agent de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et un (1) employé de l’Office d’Assurance Accidents du Travail, Maladie et Maternité (OFATMA) sont indexés. 2. En ce sens, deux (2) rapports circonstanciés élaborés par la DCPJ ont été acheminés aux autorités judiciaires pour les suites de droit. 3. Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) contacté par des proches des personnes arrêtées, a mené son investigation et se fait le devoir de partager avec l’opinion publique, les informations recueillies autour de ce dossier.

METHODOLOGIE

Dans le cadre de cette enquête menée du 7 février au 15 mars 2023, le RNDDH s’est entretenu avec : • Des agents de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) • Les personnes arrêtées et/ou incarcérées • Des proches des personnes arrêtées • Des membres du personnel judiciaire dont un (1) substitut du commissaire du gouvernement et deux (2) greffiers

III. RECONSTITUTION DES FAITS DE L’ENQUETE

Selon les informations recueillies par le RNDDH, en date du 12 avril 2022, des policiers du commissariat de Belladère, département du Centre, ont interpellé le nommé Limacson MATHIEU. Ce dernier est, depuis 2007, un employé de l’Office National d’Assurances Vieillesse (ONA) et occupe aussi les fonctions d’agent de police parlementaire. 6. Au moment de son interpellation, Limacson MATHIEU était dans un véhicule de marque Suzuki grand Vitara de couleur blanche immatriculé BB87123, à bord duquel a été retrouvé un (1) fusil d’assaut de calibre M16. Il était en compagnie de deux (2) autres individus qui, selon la police, ont eu le temps de prendre la fuite.

Le 15 avril 2022, pour les suivis relatifs à son dossier, Limacson MATHIEU a été transféré à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) à Port-au-Prince.

Compte tenu de la dégradation continue de la situation sécuritaire du pays, l’attention du RNDDH est particulièrement portée sur le traitement, par l’appareil judiciaire haïtien, des dossiers relatifs aux actes de corruption et de trafic d’armes et de munitions.  Dans le cadre du dossier objet de ce rapport, le RNDDH ne comprend pas qu’aujourd’hui encore, des personnes arrêtées par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), soient auditionnées en absence de leurs avocats ou de témoins de leur choix, alors que les déclarations qui leur sont attribuées sont très graves, et certainement très importantes pour le bon déroulement des dossiers criminels.

C’est donc sans surprise que l’une des personnes arrêtées dans le cadre du dossier objet de ce rapport, ait affirmé avoir été soumise à des traitements cruels et inhumains. En ce sens, le RNDDH estime qu’une instance aussi importante dans les investigations criminelles que la DCPJ devrait pouvoir s’engager à respecter ce droit élémentaire des garanties judiciaires, consacré par l’article 25.1 de la Constitution haïtienne amendée et qui veut que « Nul ne soit interrogé en l’absence de son avocat ou d’un témoin de son choix »

Le RNDDH estime que l’appareil judiciaire haïtien, jusqu’à date, n’a rien fait pour établir la lumière sur les faits reprochés aux cinq (5) personnes indexées dans ce cas complexe d’assassinat, de viol, d’enlèvement et de séquestration contre rançon, d’incendie criminel, de vol à mains armées, de détention, port et trafic illégaux d’armes à feu et de munitions, de complicité et d’association de malfaiteurs au préjudice de nombreuses victimes dont des personnes, des institutions et des entreprises.

Le RNDDH juge inacceptable qu’il soit impossible de retracer la première partie du dossier au Tribunal de première instance de Port-au-Prince, le registre du greffe ayant été abandonné à l’ancien local du Tribunal en question, au Boulevard Harry Truman. Dans ces conditions, non seulement les victimes risquent de ne jamais obtenir justice, pire encore, les personnes incarcérées augmentent simplement le lot des détenus-es en situation de détention préventive illégale et arbitraire. Et, la plus grande crainte du RNDDH est de voir ce dossier non consolidé, être acheminé à deux (2) magistrats instructeurs distincts.

Dans le registre du greffe du décanat, il est reproché à Eddy BAGGIO, Carl-Hens Barina ORIVAL et à Frantzy VALME alias Didi d’être impliqués dans des cas d’assassinat, de viol et d’association de malfaiteurs au préjudice de Vladimir LEGAGNEUR et autres personnes. Il n’est pas fait mention des faits de trafic d’armes et de munitions, contrairement à ce qui est inséré dans le rapport de la DCPJ. Ce manquement qui peut sembler banal, allège considérablement le dossier proprement dit. Et, ceci est d’autant plus troublant qu’il est fait état de la distribution de fortes sommes d’argent pour la requalification des infractions reprochées aux personnes indexées, leur traduction par-devant un tribunal correctionnel en lieu et place d’un tribunal criminel et leur remise en liberté.

Le RNDDH rappelle qu’en dépit des nombreuses dénonciations d’implication de différents secteurs dans le trafic illégal mais juteux d’armes et de munitions, le gouvernement de facto – qui ne marchande pas sa protection aux bandits armés – choisit de ne rien faire en vue d’endiguer le flot d’armes dans le pays. Et, c’est la raison pour laquelle le RNDDH estime que c’est à la Justice haïtienne de sévir rigoureusement contre les personnes impliquées dans ce trafic.

En ce sens, le RNDDH croit que cette Justice, déjà décriée, ne peut se permettre un énième scandale de corruption, encore moins dans un cas de trafic d’armes et de munitions. Conséquemment, le RNDDH met en garde les autorités judiciaires contre tout comportement anti-déontologique dans le traitement de cette affaire.

Enfin, le RNDDH regrette que le Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, déjà dysfonctionnel depuis plusieurs années, échappe totalement au contrôle des autorités judiciaires, suite à la non-certification du commissaire du gouvernement Jacques LAFONTANT qui à date, n’a jamais été remplacé par la ministre a.i. de la Justice et de la Sécurité publique, Emmelie PROPHETE MILCE. 53. Fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande :

• A la DCPJ de continuer à mener ses investigations mais surtout, d’auditionner toutes personnes interpellées, en présence de leurs avocats ou de témoins de leur choix ;

• Aux magistrats, de se pencher avec célérité sur tous les dossiers relatifs aux trafics d’armes et de munitions dont celui-ci, et de traduire par-devant les instances de jugement, tous ceux qui y sont impliqués ;

• A la ministre a.i. de la Justice et de la Sécurité publique de donner suite aux recommandations du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) quant aux magistrats non-certifiés et d’enclencher le processus de certification de tout le personnel du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, objet de dénonciations continues de la part des justiciables.

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