Vendredi 3 mars 2023 ((rezonodwes.com))–
Situation générale des Droits humains dans le pays
La situation générale des droits humains se dégrade chaque jour un peu plus. Cependant, force est de constater qu’au cours des dernières années, cette dégradation a pris des proportions inégalées et, le peuple haïtien souffre énormément. Les droits civils, économiques, politiques, sociaux du peuple sont constamment violés. Les droits à la vie, à la sécurité, à l’éducation, à la santé, au travail, à un logement décent ne sont pas garantis. Les libertés d’expression, de réunion, d’association, les droits aux élections de même que les garanties judiciaires ne sont pas protégées. La population haïtienne patauge dans la misère. Les différentes alertes relatives aux risques et expositions à une crise alimentaire aigüe, n’ont pas encore retenu l’attention des autorités étatiques qui ne font rien pour venir en aide à cette population vivant au-dessous du seuil de la pauvreté.
Droit à la sécurité et accointances entre gangs armés
Depuis 2018, les dirigeants-tes qui se sont succédé à la tête du pays ont imposé une nouvelle forme de gouvernance axée sur la terreur, maintenue elle-même, par la gangstérisation du pays et de l’Etat. Plus de 200 gangs armés ont été dénombrés jusqu’à récemment. Ils opèrent, pour leur grande majorité, dans le département de l’Ouest, au grand jour. Ils n’observent de trêve que lorsqu’ils en reçoivent l’ordre et beaucoup d’argent de la part des autorités étatiques. Ces accointances continues et répétées entre les autorités étatiques et les gangs armés causent beaucoup de torts à la population haïtienne. Massacres et attaques armées dans les quartiers défavorisés, contrôle du territoire national par les gangs armés, assassinats, viols, vols à mains armées, enlèvements suivis de séquestration contre rançon : rien n’est épargné à la population haïtienne.
De 2018 à nos jours, plus de 21 événements sanglants ont été perpétrés dans les quartiers défavorisés du département de l’Ouest. Ils ont débouché sur l’assassinat de plusieurs centaines de personnes au moins dont des adultes, des personnes en âge avancé, des femmes, des enfants et des bébés. Leurs cadavres ont été souillés, démembrés, carbonisés ou déchiquetés par des porcs et des chiens. Plus d’une centaine de femmes et de filles sont victimes de viols collectifs et répétés et plusieurs centaines d’enfants sont devenus orphelins.
Les 2 grandes coalitions de bandits armés, à savoir le G-9 an Fanmi e Alye dirigé par Jimmy Chérizier alias Barbecue et le G-Pèp dirigé par Gabriel Jean-Pierre alias Ti Gabriel ou Gabo, bénéficient de la protection des autorités étatiques, du secteur privé des affaires ou du secteur politique, en quête de pouvoir. Ces gangs sont chaque jour plus arrogants dans leur mode opératoire. Ils étendent leur territoire et s’en prennent continuellement à la population haïtienne laissée sans défense et de plus en plus, aux agents policiers. De juillet 2021 à janvier 2023, 78 policiers au moins ont été assassinés, soit, sur une période de 18 mois, une moyenne de 5 policiers par mois.
Depuis le 1er juin 2021, le processus de scission du pays a commencé et s’est accéléré au point où, aujourd’hui, le grand nord et le grand sud sont inaccessibles. Pour sa part, la commune de Port-au-Prince, où la situation est la plus critique, est encerclée par les gangs armés. Chaque jour, 10 personnes en moyenne sont enlevées partout dans le pays et séquestrées contre rançon et 3 autres, sont assassinées soit par balles ou à l’arme blanche. Tout ceci, en dehors des massacres et attaques armées, susmentionnés.
Droit au garanties judiciaires et impunité
Les garanties judiciaires ne sont pas protégées. Depuis 2018, les tribunaux ne fonctionnent que 3 mois par an. Pour l’année judiciaire 2021-2022 qui vient de s’écouler, seuls 9 des 18 tribunaux de première instance ont organisé les audiences criminelles sans assistance de jury et, seules 328 personnes ont été jugées au criminel. Conséquemment, l’année judiciaire en question, s’est ouverte en octobre 2021 avec 82 % de la population carcérale en attente de jugement. Elle s’est clôturée en septembre 2022 avec 84 % de cette même population carcérale, en attente de jugement. Au 27 février 2023, sur les 11252 personnes emprisonnées sur le territoire national, seules 1948 soit 17.32 % sont condamnées. Ainsi, 82.6 % de la population sont encore en détention préventive. Toutes ces personnes privées de liberté, gardées dans des conditions infrahumaines, peuvent passer jusqu’à 15 années de prison en attente de jugement pour avoir supposément perpétré des infractions pour lesquelles elles auraient purgé leur peine si elles avaient été condamnées. En revanche, lorsqu’ils sont arrêtés – ce qui est très rare – les bandits armés faisant partie du G-9 An Fanmi et Alye particulièrement sont immédiatement relâchés, sur instigation des proches du régime au pouvoir. L’appareil judiciaire haïtien est décrié et corrompu. Il ne fait plus office d’instance dissuasive et répressive. Le RNDDH veut pour preuve le fait qu’aucune poursuite judiciaire à l’encontre des membres des gangs armés dont la plupart sont très connus, n’a à ce jour abouti à la condamnation de ces individus impliqués dans la violation massive des droits humains. Ces bandits armés connus ont pignon sur rue, donnent des conférences de presse tout en continuant à s’adonner à l’organisation et la perpétration d’actes répréhensibles.
Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a été installé en marge de la Loi, par l’actuel gouvernement de facto qui depuis février 2022, cherchait déjà à intégrer ses propres pions au sein de la Cour de cassation, la plus haute instance de justice du pays en vue d’asseoir définitivement la suprématie du pouvoir exécutif sur le judiciaire. Et, sur cette même lancée, le 28 février 2023, 8 juges de cette Cour ont été installés par le gouvernement d’Ariel HENRY, en dehors de tout consensus avec les composantes de la société, à défaut d’avoir pu respecter les dispositions constitutionnelles.
Ces juges ont été nommés non pas pour rendre l’appareil judiciaire haïtien fonctionnel, mais pour mettre en place un Conseil Electoral Provisoire, dans l’objectif de réaliser les élections, peu importe les conditions dans lesquelles celles-ci seraient organisées. En Haïti l’impunité est garantie à tous les contrevenants à la Loi, qu’ils soient criminels de droit commun ou criminels financiers. En effet, comme mentionné plus haut, aucune poursuite judiciaire n’a abouti au jugement des individus impliqués dans les différents massacres et attaques armées. De même, aucun suivi aux nombreuses dénonciations et demandes en reddition de comptes – particulièrement concernant la dilapidation des fonds PetroCaribe – n’a non plus abouti au jugement des comptes des personnes indexées. Et, pire encore, des personnes sanctionnées par la Communauté internationale en raison de leurs liens avec des bandes armées ou parce qu’elles sont impliquées dans la criminalité transnationale, restent très influentes dans le gouvernement de facto d’Ariel Henry. Certaines d’entre elles ont même signé l’accord du 21 décembre 2022 soutenu par cette même Communauté internationale.
Droits socioéconomiques
La situation décrite plus haut entraîne des conséquences énormes sur la vie sociale et économique du peuple haïtien : des marchés d’approvisionnement en produits alimentaires disparaissent complètement. Des entreprises commerciales ferment leurs portes. Des familles dont les proches ont été enlevés, sont décapitalisées. Les biens ne circulent plus comme avant dans le pays et les services publics de justice, de santé, d’éducation ne fonctionnent que selon le bon vouloir des bandits armés. La situation s’est aggravée avec l’augmentation exponentielle des prix des produits pétroliers ce qui a entrainé une explosion du prix du panier de la ménagère.
Droits politiques
Depuis l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse, sur le plan politique, c’est le chaos total au pays, parce que le régime PHTK au pouvoir depuis plus de 11 ans n’a jamais respecté les échéanciers électoraux. Il en résulte un dysfonctionnement général des institutions régaliennes : Le parlement est dysfonctionnel. La Cour de cassation dont les membres devaient être choisis par le parlement vient d’être complétée par le premier ministre de facto Ariel Henry, en marge de la Constitution. Les municipalités ont à leur tête des représentants de l’Exécutif. Il convient de noter que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) reste dysfonctionnel, malgré la nomination par le premier ministre Ariel Henry, en date 11 novembre 2022, du président de la Cour de cassation qui joue aussi le rôle de président du CSPJ.
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Depuis janvier 2023, sur tout le territoire national, il n’existe aucun élu. Et, seul le premier ministre de facto Ariel Henry dirige le pays sans aucun contre-pouvoir pour limiter ses dérives. Il s’agit d’une situation d’autant plus préoccupante qu’il a montré à plusieurs reprises, ses velléités d’empiéter sur les prérogatives du pouvoir judiciaire. L’exemple le plus récent est son comportement suite à la transmission par le CSPJ, d’un rapport de vetting de l’appareil judiciaire haïtien avec des recommandations précises d’écarter certains magistrats-tes. Aucune suite n’a été donnée à ces recommandations et les magistrats indexés continuent de bénéficier de la protection des autorités étatiques.
Dans ce contexte de banalisation de la vie, de vide institutionnel, de pauvreté extrême doublée d’une situation sécuritaire très préoccupante, l’actuel gouvernement de facto a sollicité une intervention militaire internationale, pour laquelle, les pays auxquels il s’est adressé, semblent réticents. Même si la communauté internationale ne semble pas pressée de donner suite à cette demande d’intervention militaire produite depuis octobre 2022, le RNDDH estime qu’il y a lieu pour la population d’être vigilante, dans la mesure où cette demande a été faite par un gouvernement de facto, sans aucune forme de légitimité, avec ses propres objectifs qui semblent être de maintenir le PHTK au pouvoir jusqu’à la réalisation des élections qu’ils organiseront avec, en sus, la capacité de manipuler les données biométriques des citoyens.nes, soit, les données électorales.
Depuis le 21 décembre 2022, le premier ministre de facto Ariel Henry et la coalition politique qui dirige le pays, font la promotion d’un accord signé à cette date, et qu’ils présentent comme étant la seule alternative de sortie de crise. Sur ce point particulièrement, le RNDDH estime que ceux et celles qui dirigent le pays n’ont en fait pas besoin de rechercher une quelconque légitimité dans un accord. Ils ont l’obligation de résultats, une obligation qui est directement liée à la position qu’ils occupent, mais non dans ce document qui en fait, n’engage qu’Ariel Henry et ses amis. Des résultats en matière de respect et de protection des droits humains auraient été plus probants que toute autre tentative de faire passer un accord biaisé à la base et comportant des dispositions irritantes vis-à-vis de la Constitution de 1987 amendée, comme la création d’un Haut Conseil de Transition (HCT) sans aucun pouvoir et des mécanismes attribuant plus de pouvoirs au premier ministre Ariel Henry.
Aujourd’hui, le RNDDH reste convaincu que la situation susmentionnée ne peut rester en l’état et, des élections libres, honnêtes, démocratiques et participatives doivent être réalisées. Cependant, le RNDDH ne cessera jamais de mettre en garde contre l’adoption de mesures cosmétiques et superficielles qui ne permettront pas de résoudre définitivement les problèmes cruciaux d’insécurité généralisée, de gangstérisation de l’Etat et de justice.
Pour cela, le RNDDH estime aussi que la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve le pays actuellement doit donner lieu à des décisions concertées entre les autorités de l’Etat et les différentes forces vives de la Nation. Car, c’est seulement à ce prix que les décisions adoptées par la coalition politique qui dirige le pays, pourront engager effectivement la République d’Haïti.