Jean Garry Denis: « Haïti et la diplomatie du Chaos du Core Group. L’accord du 21 décembre 2022 est autre point important dans la mise en place de ce chaos« .
Par Jean Garry Denis
Les diplomates du Core Group se comportent comme de véritables extrémistes talibans dans leurs luttes pour empêcher le progrès et l’autodétermination de ce peuple
Tout d’abord, il est important de clarifier pour les lecteurs le sens du terme « Core Group » dans la politique haïtienne. Il s’agit d’un groupe d’ambassadeurs et de chefs de missions d’organisations internationales qui s’autoproclamant « Pays amis d’Haïti ». Ce groupe est composé de représentants des pays et organisations suivants : les États-Unis, le Canada, la France, l’Espagne, l’Allemagne, le Brésil, l’Union européenne, les Nations Unies et l’Organisation des États américains (OEA). Pour le peuple haïtien, cette entité est un syndicat diplomatique ayant pour mission la défense de leurs droits d’ingérence dans les affaires haïtiennes.
Dans l’histoire des relations internationales, cette entité atypique est un cas complexe qui mérite d’être analysé dans les centres de recherches et les universités pour la postérité. Les actions du Core Group sont inédites, leurs actions vont plus loin que des ingérences traditionnelles. Avec ce comportement durant ces 15 dernières années, Haïti a battu tous les records en termes d’instabilité, de pauvreté et de violence, Haïti se trouve dans un « Katchouboumbe Réel ». Quels sont les intérêts cachés du Core Group pour continuer à alimenter cette crise, pour maintenir le même comportement dominateur ?
Les diplomates du Core Group se comportent comme de véritables extrémistes talibans dans leurs luttes pour empêcher le progrès et l’autodétermination de ce peuple. Ces extrémistes du Caos ont une aversion d’honnêtes citoyens et des secteurs progressistes a la direction de l’État. Leurs manipulations sont plus efficaces et plus susceptibles de prospérer avec des parlementaires trafiquants de drogue, des entrepreneurs contrebandiers et des fonctionnaires corrompus.
De toute façon, nous ne visons nullement ignorer les responsabilités des élites haïtiennes corrompues dans la catastrophe actuelle, mais il est important de souligner en lettre capitale la responsabilité historique de la communauté internationale, spécialement du Core Groupe dans notre débâcle. Au cours des 15 dernières années, l’ingérence du Core Group a fragilisé les institutions et considérablement réduit la qualité de vie des haïtiens par la mise en place d’une diplomatie du chaos qui trouve son expression dans les points suivants :
1-Le formalisme d’une démocratie sur mesure à travers de fausses élections
La démocratie n’est qu’une formalité pour légitimer des dirigeants antinationaux et corrompus. Les vrais électeurs qui déterminent les résultats de ces élections sont les membres du Core Group et l’oligarchie. L’exemple qui illustre cette affirmation est la manière dont l’Organisation des États américains et le clan Clinton ont catapulté à la présidence en 2011 Michel Martelly, le président le plus corrompu de l’histoire nationale. Il est important de rappeler que Bill Clinton a détruit la production nationale de riz en 1997 au profit des producteurs de l’Arkansas et que l’OEA n’a jamais eu de position au profit des peuples du continent.
2- Développement économique vs Assistanat
Le développement économique nous est refusé à travers le chaos qui offre plutôt un environnement propice à l’investissement humanitaire pour reproduire les mécanismes de pauvreté. Haïti devient une République Humanitaire où les ONG remplacent l’État. Dans certains secteurs, le budget de certaines ONG dépasse même celui de l’État. Un autre aspect important est la corruption endémique. Moins de trois groupements économiques de l’oligarchie ont le plein contrôle des douanes de Port-au-Prince et sont responsables depuis 2012 d’un déficit de plus de 600 millions de dollars annuellement dans les finances publiques selon des sources combinées. Pourtant ce sont ces oligarques corrompus avec le Core Group qui sont les vrais acteurs dans la gestion de la cite.
3- Violences des gangs
La violence institutionnelle à travers la domestication de l’État ne suffit pas à garantir les monopoles et la création de richesse pour des groupes économiques puissants. De ce fait, la violence des gangs fournit le complément nécessaire. La violence constitue le nouveau mécanisme pour créer des avantages comparatifs face aux concurrents. D’où la justification des sanctions du Canada contre les politiciens et trois (3) des oligarques les plus puissants pour leurs liens avec la situation de violence actuelle. Quoi qu’il en soit, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Dans ce cadre, on doit tout de même mentionner le rapport de la Représentante du Bureau des Nations Unies au Conseil de Sécurité en date du 20 octobre faisant l’apologie d’une fédération de groupes armés (G-9).
La situation de crise actuelle après la mort du président Jovenel Moise avait offert d’énormes possibilités au Core Group pour se racheter et changer de paradigme, malheureusement ils ont maintenu la même arrogance et les mêmes comportements qui nous ont conduits à ce chaos de misère et de pauvreté. Tout en disant encourager les efforts de consensus pour une solution durable à la crise, ils maintiennent leur ferme soutien à un pouvoir inapte et corrompu.
Aujourd’hui, le rôle de ce gouvernement se réduit à solliciter aux étrangers l’occupation du territoire pour faciliter la passation du pouvoir à un régime corrompu à travers de fausses élections. Ils utilisent toutes les stratégies pour justifier l’intervention, alimentant la violence et affaiblissant la police nationale. Il facilite par exemple la délivrance de passeports aux membres de la police nationale pour les inciter à quitter le pays dans le cadre du programme d’immigration du président Biden. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre une coopération internationale avec les forces de sécurité à ce stade actuel de la violence.
L’accord du 21 décembre 2022 est autre point important dans la mise en place de ce chaos. Cet accord soutenu par le Core Group, au lieu de rechercher un consensus large pour une solution durable, cherche plutôt à renforcer un pouvoir sans résultat depuis 20 mois et tente surtout de réhabiliter l’Oligarchie qui avait de nombreuses inquiétudes suite aux sanctions internationales du Canada et des Etats Unis pour complicité avec les groupes armés. Selon certaines informations, l’oligarchie et le gouvernement haïtien sont les meilleurs clients des cabinets de lobbying à Washington durant ces derniers mois. Une fois de plus l’avenir du peuple haïtien est sur la table de sacrifices des grands intérêts de ce monde.
Haïti est à un moment critique très important pour prendre des décisions stratégiques pour son avenir. Le peuple haïtien a pour mission immédiate de faire échouer l’application de la diplomatie du chaos des extrémistes du Core Group. En ce sens, la solidarité des secteurs progressistes dans le monde est plus qu’importante. Une victoire de cette stratégie signifie 30 années supplémentaires d’instabilité, de pauvreté et de violence. En ce sens Ce chaos augure une perspective encore plus désastreuse pour l’avenir du peuple haïtien.
L'auteur est Directeur Exécutif de l'Institut Haïtien d'Observatoire de Politiques Publiques (INHOPP)
source: Listin Diario
